L'Oise Agricole 13 août 2022 a 10h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

«Difficile maintenant de créer une diversification sans investir lourdement»

Thomas Doutreluigne, 32 ans, est installé en tant que chef d'exploitation avec son père depuis mai 2021. Sur sa ferme à Marolles, en limite de l'Aisne, il a planté cassis et groseilles sur une dizaine d'hectares, un investissement global d'environ 100.00 euros.

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Thomas Doutreluigne devant ses parcelles de cassis qui ont déjà produit cette année, un fruit très parfumé qui sera destiné à la transformation par Fruits rouges & Co.
Thomas Doutreluigne devant ses parcelles de cassis qui ont déjà produit cette année, un fruit très parfumé qui sera destiné à la transformation par Fruits rouges & Co. - © DLC

«La ferme familiale a toujours eu un atelier de diversification. En plus des 300 ha en grandes cultures (blé, orge, colza, betteraves sucrières et pois protéagineux), mon père exploitait un verger de 20 ha en pommes et poires. La récolte était livrée à la coopérative de Villers-Cotterêts et quand cette dernière a arrêté son activité, nous avons arraché les pommiers et une partie a été remplacée par des poiriers dont la production part à Nesle», explique le jeune agriculteur.

Après des études agricoles (bac S puis BTS Acse et licence de cadre en agriculture à Lille), il a travaillé pour Lallemand, leader mondial dans le développement, la production et la mise en marché de levures, bactéries et ingrédients dérivés. «Cela m'a permis de nouer beaucoup de contacts professionnels et c'est ainsi que j'ai rencontré des dirigeants de Fruits rouges & Co. C'est ainsi que s'est forgé mon projet de plantations de fruits rouges. Je suis d'abord revenu en tant que salarié sur la ferme, puis j'ai suivi le parcours à l'installation, avec ce projet de diversification», confie Thomas Doutreluigne.

Dix hectares dans un premier temps

Avant de lancer, il suit des visites chez des producteurs, s'informe. Il veut pouvoir mécaniser la récolte (avec une machine proche d'une vendangeuse) et s'intéresse plutôt au marché des fruits rouges transformés, destinés à la surgélation ou la cuisson. «Je ne voulais pas produire pour le frais car les coûts de cueillette manuelle mangent toute la marge. En produits destinés à la transformation, avec la mécanisation, c'est plus intéressant.» Fruits rouges & Co lui propose un contrat pluri-annuel, engageant un nombre d'hectares et un prix. Les fruits seront récoltés en pallox, stockés au frais sur place pas plus d'une journée et c'est l'entreprise qui viendra chercher les produits à la ferme. En 2021, père et fils plantent 3 ha de cassis, puis 5 autres hectares en 2022 accompagnés de 2 hectares de groseilles. Les plants de cassis viennent d'un pépiniériste de Bourgogne et sont de trois variétés différentes : Black Down, Andega et Andorine, tandis que les groseilliers sont des Rovada, une variété peu gélive.

Les boutures de cassis sont plantées tous les 50 cm, en suivant le traceur d'un semoir pour avoir des rangs droits. L'inter rang mesure 3 mètres, pour la mécanisation de la récolte et le travail du sol. Avec l'aide du salarié de la ferme, Thomas et ses parents mettent presque 3 semaines en hiver à réaliser le chantier. Comme les cassis seront conduits en tige, il faut enlever manuellement les bourgeons du bas avant la plantation. Les piquets sont installés en février suivant ainsi que les fils, de chaque côté du plant pour le guider.

«Plants, piquets et fils coûtent environ 10.000 EUR/ha, c'est un investissement lourd, constate le jeune agriculteur. Quand j'ai suivi mon parcours à l'installation, je me suis rendu compte que tous les jeunes qui entamaient une démarche de diversification investissaient en moyenne autour de 100.000 euros, ce n'est pas rien !»

Avec une production menée en bio, un soin tout particulier a été apporté à la préparation des parcelles avant plantation : travail du sol, épandage de fumier et paillage, pour lequel Thomas Doutreluigne a investi dans une pailleuse d'élevage d'occasion : «pailler limite le développement des adventives et garde la fraîcheur du sol.» Il a aussi acheté un petit tracteur et du matériel de désherbage mécanique.

Seule une fertilisation organique, des granulés de guano épandus sur le rang, est autorisée dans le cahier des charges bio. Les pucerons et l'anthrachnose, ennemis du cassis et des groseilles, seront traités avec des purins, décoctions ou produits homologués en bio. Fruits rouges & Co délèguent ses conseillers qui viennent une ou deux fois l'an pour suivre la conduite des plantations. «Je fais partie d'un groupe de producteurs, ce qui me permet d'échanger avec des collègues et de m'informer. J'ai ainsi appris que j'ai sans doute planté un peu trop serrés mes groseilliers», reconnaît-il.

Récolte prévue en 2023

C'est l'année prochaine que la première véritable récolte aura lieu. Cette année, les plants ont déjà donné une petite récolte, assez abondante, mais au détriment des pousses 2022 qui porteront les fruits 2023. Pas forcément une bonne nouvelle pour Thomas Doutreluigne. En attendant, même si cassis et groseilles sont installés sur la ferme pour une quinzaine d'années, il imagine en planter encore 5 ha ou, pourquoi pas, se lancer dans la vigne avec son cousin, installé à proximité qui en a déjà planté. «C'est une belle idée, mais vinifier, c'est un autre métier que livrer de la matière première comme mes cassis ou mes groseilles.»

 

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