L'Oise Agricole 13 janvier 2022 a 09h00 | Par J. G.

La restauration collective loin des objectifs d'Egalim

C'était il y a trois ans. La première loi Egalim avait instauré un horizon de 50 % de produits de qualité ou durables dont 20 % de produits bio en restauration collective. Malgré les progrès, le secteur est loin d'être dans les clous.

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La restauration scolaire publique serait la plus proche d'être dans les clous. Au collège de Beaucamps-le-Vieux (80),
par exemple, 38 % des produits servis à la cantine sont locaux, et l'équipe espère faire plus cette année.
La restauration scolaire publique serait la plus proche d'être dans les clous. Au collège de Beaucamps-le-Vieux (80), par exemple, 38 % des produits servis à la cantine sont locaux, et l'équipe espère faire plus cette année. - © A.P.

Trois ans après l'adoption de la première loi Egalim, l'heure est au bilan. En 2018, ce texte phare du gouvernement d'Édouard Philippe avait fixé un objectif aux approvisionnements de la restauration collective publique, des cantines scolaires et des établissements de santé privés : atteindre 50 % de produits durables ou de qualité (Label Rouge, AOC/AOP, STG, HVE, produits «fermiers», commerce équitable) dont 20 % de bio. Un chiffre à atteindre en valeur d'achat à horizon du 1er janvier 2022, mais sans sanction pour les établissements qui n'y seraient pas parvenus. Plus récemment, la loi Climat a étendu ces objectifs à toute la restauration collective privée, qui devra s'y conformer à partir du 1er janvier 2025. Un challenge, car en France, 15 millions de repas sont consommés chaque jour hors domicile (dont la moitié en restauration collective).

Pour l'heure, le contrat n'est pas rempli. Le secteur privé se situerait, pour le moment, entre 6 et 8 % des objectifs de la loi Climat d'après le rapport de la mission d'information parlementaire sur la souveraineté alimentaire, paru en décembre. Dans le public et les établissements privés concernés par l'échéance du

1er janvier 2022, les résultats sont très hétérogènes. La restauration hospitalière apparaît comme le secteur le plus en retard. «Elle sera au dessous des 5 %, estime la directrice du réseau RestauCo, Marie-Cécile Rollin. La révision des approvisionnements est particulièrement difficile pour ces établissements compte tenu du nombre important de repas à fournir sept jours sur sept et avec beaucoup de régimes spéciaux.» Les chiffres de la restauration des administrations «ne sont pas encore disponibles mais les échos sont encourageants», note la directrice. La restauration des armées a déjà annoncé qu'elle dépasserait les 50 % courant 2022.

Restauration scolaire publique en tête

D'après les premières estimations, la restauration scolaire publique serait la plus proche d'être dans les clous. La part de produits correspondant aux critères définis par la loi dans les approvisionnements des cantines scolaires des écoles publiques varie entre 25 et 30 %. Et, si l'on compte les produits locaux, ce taux remonte à 50 % pour «un grand nombre de nos adhérents», soulève RestauCo dans le rapport de la mission d'information sur la souveraineté alimentaire.

Mais, en l'absence d'une définition officielle, les produits locaux ne sont pas comptabilisés dans les objectifs Egalim. En effet, le caractère «local» d'un produit ne peut pas être un critère de sélection dans un marché public en vertu du droit européen. La restauration scolaire privée se situerait, elle, au dessous de 5 % d'approvisionnements «Egalim» d'après le rapport parlementaire, soit au même niveau que la restauration hospitalière.

Ces moyennes recouvrent des réalités très différentes. Dès 2019, la ville de Paris a dépassé les objectifs de la loi en intégrant 53 % de produits bio et durables à la carte de ses restaurants scolaires. À la fin de l'année 2021, l'agglomération de Montpellier - qui s'est fixé l'objectif de se fournir en 100 % bio ou local d'ici 2026 - a atteint les 50 % de produits durables dont 45 % de local et 30 % de bio. À l'inverse, les communes de moins de 10 000 habitants ont plus de mal à réaliser des économies d'échelle et donc à revoir leurs approvisionnements. L'AMF évalue le surcoût lié aux objectifs Egalim de 10 à 20 % pour 55 % des collectivités et au-delà de 20 % pour 31 % d'entre elles.

Application ralentie par la Covid-19

«Changer ses approvisionnements est un vrai numéro d'équilibriste. Cela demande un accompagnement et c'est ce qui manque aux restaurants collectifs les plus en retard», observe Marie-Cécile Rollin. En 2020, la fermeture des lieux de restauration liée aux restrictions sanitaires a freiné les efforts des collectivités, et la hausse actuelle des coûts des matières premières, de l'énergie, du transport et des emballages pèse dans leur budget.

Plusieurs leviers permettent de modérer le surcoût lié aux changements d'approvisionnement : repenser la liste des fournisseurs et la manière de rédiger les marchés publics, les contrats directs entre producteurs et collectivités, la planification des menus et des commandes, la formation des équipes, la diminution du gaspillage alimentaire... «Les établissements peuvent également travailler sur les modes de cuisson, le nombre de composantes des repas ou les tailles des portions. Par exemple, pour les viandes, l'utilisation de tous les morceaux, les cuissons lentes ou la réduction de la quantité, en complétant éventuellement avec des protéines végétales, peuvent être des solutions», ajoute Wendy Si Hassen, chargée de mission restauration hors domicile à l'Agence bio.

Les produits bio représentaient 5,6 % du total des achats de la restauration collective en 2019, soit une évolution de plus de 20 % par rapport à 2018. En 2020, malgré une baisse des achats en valeur liée aux restrictions sanitaires, la part de produits bio dans le total des achats est restée stable. «Nous n'avons pas encore atteint les objectifs d'Egalim pour l'ensemble du secteur, commente Wendy Si Hassen. Mais, en poussant les collectivités à se questionner sur leurs approvisionnements, la loi a donné un réel coup d'accélérateur.»

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