L'Oise Agricole 19 janvier 2017 a 08h00 | Par L'Oise Agricole

Imposer un pacte à la grande distribution

Président du Parti écologiste, le député de Loire-Atlantique et vice-président de l’Assemblée Nationale François de Rugy est le tenant d’une écologie «pragmatique», pragmatisme qu’il souhaite également appliquer à l’agriculture. Le candidat à la primaire de la gauche propose notamment de rééquilibrer la filière alimentaire en faveur des producteurs, à qui il veut assurer plus de débouchés, et d’orienter la Pac vers davantage de régulation.

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François de Rugy
François de Rugy - © Reussir

Quel est le rôle de l’agriculture dans le progrès écologique que vous défendez?

François de Rugy : L’agriculture est un enjeu majeur, d’abord parce qu’elle produit l’alimentation. C’est un enjeu économique car la France est un pays de grande tradition agricole et de nombreuses personnes vivent de l’agriculture, de l’agroalimentaire et du secteur de l’alimentation, mais également un enjeu culturel. Avoir une grande diversité de productions, de gastronomie, fait partie de la culture de la France et de son image à l’étranger. C’est aussi un enjeu écologique majeur, car l’agriculture est en lien direct permanent avec la nature.

Enfin, c’est également un enjeu social car derrière l’alimentation, il y a des enjeux de santé, puisque l’on sait que les intrants chimiques qui sont utilisés peuvent porter atteinte à la santé. Et l’on sait aussi que les inégalités sociales se retrouvent dans l’alimentation.

Il ne s’agit pas pour moi d’un engagement pré-électoral, c’est un engagement de toujours.

 

L’agriculture urbaine a-t-elle un rôle plus important à jouer?

F. de R. : C’est aussi quelque chose qui se développe. J’ai aussi été élu local, à Nantes Métropole, où nous avons mené une politique volontariste en faveur de l’agriculture péri-urbaine, c’est un enjeu pour demain, mais on reste loin des volumes de production que l’agriculture peut fournir aujourd’hui. Les Français veulent conserver un lien étroit entre territoire et agriculture ce qui, dans une société plus urbanisée, explique aussi ce développement.

 

Vous souhaitez porter une attention particulière à la cause animale, de quelle façon?

F. de R. : J’ai en effet proposé une mesure pour faire de la condition animale une des grandes causes du quinquennat, avec un défenseur indépendant nommé pour cinq ans. Il faut sortir de la situation actuelle entre la position de certains collègues députés, qui sont dans le déni vis-à-vis des problèmes qui peuvent exister dans certains abattoirs et élevages, et d’un autre côté, des démarches associatives au discours excessif qui considèrent que tous les abattoirs sont à rejeter et que l’on doit supprimer l’élevage.

Car il faut souligner les évolutions, qui n’ont pas toujours été faciles à mettre en œuvre, et ont conduit à des améliorations. Il faut sortir de la logique des révélations médiatiques. La question de la condition animale ne se résume d’ailleurs pas à l’élevage, il y a des enjeux en ville, notamment autour des oiseaux sauvages auxquels les associations sont très attentives.

 

Quelles orientations voulez-vous donner à la Pac?

F. de R. : La Pac est un levier extrêmement important, c’est la principale politique européenne, et historiquement l’un des piliers de la construction de l’Union européenne. Ceux qui prônent le rejet de la Pac et plus généralement, de l’Europe, ne rendent pas service aux agriculteurs et aux producteurs français qui sont en partie positionnés sur l’exportation. Mais la Pac, telle qu’elle est aujourd’hui, n’est pas satisfaisante. Les réformes successives ont plutôt aggravé les choses, notamment au niveau de la concentration des exploitations, même si la France a essayé de limiter cette tendance, avec par exemple le plafonnement des aides Pac à un certain nombre d’hectares, ou les aides supplémentaires pour les petites exploitations.

Le trou noir de la politique européenne, c’est l’abandon progressif des mécanismes de régulation. J’entends et comprends les producteurs qui demandent des prix et non des primes : d’une manière générale, il faut se donner les moyens d’une régulation de la production pour éviter une dépendance trop importante vis-à-vis des marchés, même si ce ne sera sans doute pas identique au système des quotas. Par ailleurs, l’Europe et la France doivent développer leur capacité de production en protéines plutôt que d’en importer massivement d’autres régions du monde, ce qui accroît leur dépendance.

 

C’est également pour assurer des débouchés plus rémunérateurs aux producteurs que vous prônez un pacte de responsabilité avec la grande distribution?

F. de R. : Je souhaite imposer un pacte à la grande distribution pour installer une relation plus équilibrée entre les distributeurs, réunis en quatre centrales d’achat, et les producteurs, ce qui ne peut se faire sans que la puissance publique s’en mêle. Je propose un objectif minimum de 25 % de produits bio dans la grande distribution pour amplifier un mouvement déjà amorcé en changeant d’échelle, et permettre aux producteurs français de se convertir au bio en leur assurant des débouchés. J’ai visité beaucoup d’exploitations agricoles très diversifiées ces dernières semaines, dans la Vienne, en Gironde, je vois les pratiques changer, mais les agriculteurs me disent que ce qui leur manque, c’est un cadre législatif et réglementaire cohérent.

Je ne crois pas dans le fait de rajouter des contraintes supplémentaires en matière de normes environnementales, il y en a déjà beaucoup à respecter, je crois beaucoup plus aux leviers que constitue le marché. J’en ai identifié deux : la restauration collective, qui offre un débouché permanent et stable, et la grande distribution, qui correspond à des volumes importants. Il faut tenir un langage de vérité aux Français : on ne peut pas avoir une alimentation de qualité à ultra bas prix ! Je préfère que l’on mange mieux, même si certains produits sont plus chers au kilo, plutôt que continuer dans cette course au discount qui écrase les producteurs.

 

Quel est votre projet pour la ruralité?

F. de R. : Je me suis toujours élevé contre les discours qui opposent les habitants des villes aux habitants des campagnes, comme on a d’ailleurs pu entendre dans les débats de la primaire de la droite. Les deux sont interdépendants et nous pouvons d’ailleurs, au cours de notre vie, habiter à la campagne, puis en ville ou inversement. Dans mon programme, je propose des mesures de décentralisation et de régionalisation, qui s’appuient sur les collectivités locales. Parce que lorsque les décideurs sont plus proches des citoyens et qu’ils doivent leur rendre des comptes, ce qui n’est pas le cas des services de l’État qui ont tendance à s’éloigner, les problèmes sont mieux considérés, notamment dans le secteur rural.

Je refuse les discours misérabilistes et déclinistes sur les campagnes. Il y a des difficultés, mais il y a aussi des initiatives positives et la responsabilité des élus est de les appuyer, de les amplifier, comme pour les maisons de service public par exemple. Je fais d’ailleurs une proposition concrète pour lutter contre la désertification médicale, la création du statut de professionnel de santé de proximité : un master médical ouvert aux professionnels de santé ayant au moins 10 ans d’expérience sera créé, pris en charge par l’Etat, avec l’obligation pour ces professionnels de s’installer dans les endroits où les médecins ne sont pas remplacés lors de leur départ en retraite. Cela fait partie des réponses concrètes à expérimenter.

Note de la rédaction: primaire de la gauche

L’Oise Agricole est l’un des journaux de la presse agricole départementale ou régionale qui a souscrit à une démarche pack présidentiel. Après avoir traité la primaire de la droite et du centre en interviewant tous les candidats, ses rédacteurs souhaité réaliser le même exercice pour la primaire de la gauche. Les sept candidats ont donc été sollicités pour répondre aux questions.

En dehors de François de Rugy, qui y a répondu de vive voix, la plupart ont donné leur accord pour des réponses écrites, mais sans l’avoir fait, du moins au 16 janvier (voir en pages suivantes des extraits de programmes agricoles que certains candidats ont publiés). Le temps beaucoup plus réduit entre la diffusion de la liste définitive des candidats (mi-décembre) et le premier tour de l’élection le 22 janvier, sans compter les débats télévisés qu’ils avaient à préparer, explique sans doute ce peu d’empressement à répondre à des questions sur l’agriculture et la ruralité à destination d’un public qui, il faut également l’avouer, ne constitue pas le cœur de cible de leur électorat traditionnel.

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