L'Oise Agricole 08 juillet 2021 a 09h00 | Par Franck Pia

«Certaines dispositions du Sdage sont proprement inacceptables !»

Bruno Haas, agriculteur à Reez-Fosse-Martin et responsable environnement à la Chambre d'agriculture de l'Oise, s'indigne de certaines dispositions contenues dans les projets de Sdage (schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'eau) Artois-Picardie et surtout Seine-Normandie qui concerne la quasi-totalité du département de l'Oise.

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Bruno Haas.
Bruno Haas. - © DLC

Quelle est en ordre général la principale critique que l'on peut faire à propos des Sdage ?

Les Sdage sont des documents d'orientation, ils fixent des objectifs et prévoient des mesures pour les atteindre, mais n'ont pas vocation à se substituer à la réglementation nationale. Les Sdage sont de plus en plus prescriptifs : c'est la critique principale que nous faisons et que nous avons dénoncée auprès des instances des Agences de l'eau.

Très concrètement, cela signifie que la gestion de l'eau sera de plus en plus contrainte et reposera de moins en moins sur le volontariat, ce qui signifie que les aides pour mettre en place des mesures agri-environnementales seront de plus en plus restrictives... c'est déjà ce que nous observons concernant les MAE phytos.

Pouvez- vous donner quelques exemples ?

Concernant les zones vulnérables, ce sont les dispositions des Sdage qui vont conditionner les prescriptions des programmes d'actions régionaux. En effet, le projet des Sdage Seine-Normandie implique que ces programmes adoptent la trajectoire fixée par le Sdage en matière de flux d'azote. Ce terme «implique» donne un caractère obligatoire aux propositions qui sont faites dans le projet de Sdage alors que ces programmes régionaux sont soumis à concertation locale. Cela est très gênant car nous risquons d'avoir des différences importantes entre les programmes d'actions d'un territoire à l'autre.

Concernant les retenues d'eau, les dispositions prévoient une approche très restrictive qui conduit :

- d'un côté, à interdire la création de retenues d'eau si ces dernières ne sont pas systématiquement intégrées, soit dans un PAGD (plan d'aménagement et de gestion durable), soit dans un PTGE (projets de territoire pour la gestion de l'eau) en ZRE (zone de répartition des eaux) et secteur dont l'équilibre est fragile ;

- de l'autre, à imposer des périodes précises de remplissage.

Ces dispositions visent à imposer de nouvelles règles de droit par une formulation relevant du principe de conformité et non de compatibilité comme cela devrait être le cas.

Or, le Code de l'environnement ne permet pas aux Sdage d'imposer de nouvelles règles aux projets de retenues soumis à déclaration ou autorisation au titre de la loi sur l'eau.

Qu'est-ce qui vous inquiète et qui vous choque le plus dans ce projet de Sdage ?

Malheureusement, le projet de Sdage Seine-Normandie oublie totalement les réalités économiques agricoles. Quand on veut imposer la couverture de la moitié des aires d'alimentation de captage en cultures à bas niveau d'intrants, notamment en agriculture biologique d'ici 2027, est-ce économiquement réaliste ?

J'ai participé à toutes les réunions et je regrette sincèrement que les Agences de l'eau n'aient qu'une vision purement environnementale des choses. On veut nous imposer de pratiquer telle ou telle culture mais encore faut-il qu'il y ait un marché solvable ! Imposer aux agriculteurs d'implanter telle ou telle culture est un non-sens économique, c'est une atteinte à la liberté économique !

Comment le Sdage peut-il imposer de pratiquer telle ou telle culture dans les Bac (bassin d'alimentation de captage) ?

L'AESN (Agende de l'au Seine-Normandie) a trouvé un biais pour réglementer les pratiques agricoles pour lutter contre les pollutions diffuses en utilisant la réglementation sur les périmètres de protection des captages d'eau et les règles d'urbanisme.

D'une part, la réglementation sur les périmètres de protection des captages ne s'applique qu'aux pollutions ponctuelles (stockages, aires d'alimentation, bâtiments, épandages) et non aux pollutions diffuses qui relèvent d'une autre stratégie et qui reposent jusqu'alors sur une politique volontariste. D'autre part, la réglementation d'urbanisme n'est pas faite pour réglementer les pratiques (utilisation des produits phytosanitaires, modes de culture...) et les systèmes agricoles, mais l'usage des sols. J'admets que le PLU (plan local d'urbanisme) règlemente l'usage des sols, mais je refuse qu'il s'ingère dans l'économie de l'entreprise agricole.

Si le projet de Sdage est appliqué dans la forme actuelle, cela signifie par exemple que le PLU pourra imposer la généralisation du bio au sein des périmètres de protection des captages, l'implantation des prairies, toute autre forme de cultures à bas niveau d'intrants... cela n'est pas acceptable. Cette mesure est d'autant plus dangereuse qu'il est prévu que les périmètres de protection des captages pourront être dimensionnés à l'échelle des aires d'alimentation des captages. Poussées à l'extrême, de telles mesures pourraient potentiellement toucher 25 % de la SAU dans notre département. Cela est inacceptable !

Comment les agriculteurs peuvent-ils réagir ?

Il faut qu'ils se fassent entendre massivement en déposant leur contribution sur une plateforme dédiée dédié des agences de l'eau avant le 1er septembre que vous pouvez retrouver sur le site de l'AESN : http://www.eau-seine-normandie.fr/domaines-d-action/sdage. Concernant les exploitants situés sur le périmètre du Sdage Artois Picardie, le lien est le suivant : https://www.eau-artois-picardie.fr/consultation-du-public-sur-la-gestion-de-leau-et-des-inondations. Dans l'avis qu'elle a émis, la Chambre d'agriculture de l'Oise a relevé que le préambule sur la qualité des cours d'eau était orienté, qu'il manquait d'objectivité et ne rendait pas compte des réalités. Elle a demandé en conséquence des modifications en reprenant textuellement les éléments de l'état des lieux de 2019.

Elle relève qu'à la page 81 du projet de Sdage 2022-2027, il est indiqué que «le nombre de cours d'eau dégradés par les nitrates et par le phosphore diffus a doublé depuis l'état des lieux de 2013».

En reprenant la lecture du rapport sur l'état des lieux de 2019 du bassin de la Seine-Normandie et des cours d'eaux côtiers Normand, il est précisé en bas de la page 46, «qu'à l'échelle du bassin, les masses d'eau en bon état représentent 41 % du total avec les règles utilisées précédemment et ne représentent que 32 % avec les règles applicables en 2019» telles que définies - lit-on plus haut - dans l'arrêté du 27 juillet 2018. En effet, cet arrêté a introduit deux évolutions majeures : la modification des polluants spécifiques et le changement d'indicateur pour les macro-invertébrés. Page 47 de ce document, nous pouvons comparer l'état écologique des cours d'eau selon les règles d'évaluation de 2015 et celles de 2019. Nous constatons en effet que ces nouvelles règles ont un impact défavorable sur le classement des masses d'eau.

Ce même rapport précise par ailleurs que «le fait de baser l'évaluation de l'état sur le critère du paramètre déclassant (un paramètre déclassant suffit à déclasser toute la masse d'eau) contribue à masquer les progrès».

Page 45, le graphique démontre ce progrès manifeste des masses d'eau avec une évolution positive de l'état écologique des masses d'eau par une progression des masses d'eau en bon état écologique de 8 % ! De même l'état des lieux démontre que l'état chimique des cours d'eau est stable et non défavorable comme le projet de Sdage semble l'évoquer.

Hervé Ancellin.
Hervé Ancellin. - © DLC

Hervé Ancellin, président de la Chambre d'agriculture de l'Oise

«On a émis un avis défavorable à ce projet»

Je remercie Bruno Haas pour l'énergie déployée à défendre l'agriculture dans le cadre des discussions sur le Sdage Seine-Normandie. Je sais que les échanges ont été âpres et nous regrettons que nos remarques et nos propositions n'aient pas été toujours prises en compte. La Chambre d'agriculture de l'Oise a émis de son côté un avis défavorable sur ce projet de Sdage lors de sa session du 21 juin. Il revient maintenant à chacun de s'exprimer pour dénoncer, protester contre ce projet de Sdage dans le cadre de la consultation publique qui vous est proposée. Nous comptons sur vous.

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