L'Oise Agricole 08 novembre 2022 a 09h00 | Par Stéphane Lefever

Acquisitions d'immeubles ruraux par les fermiers

Les achats de terres et bâtiments loués par bail par les preneurs bénéficient sous certaines conditions d'une taxation réduite du droit d'enregistrement fixé à 0,715% au lieu de 5,80%. Il convient d'en rappeler le formalisme.

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- © JC Gutner

Que les parcelles soient louées à un fermier n'empêche pas la vente du bien, et ce, à n'importe quel moment au cours du bail. Seul le droit de préemption du locataire prévaut et il doit être respecté. Bien souvent, le propriétaire qui a conclu un bail à ferme se sent souvent engagé et estime qu'une vente n'est pas possible, en pensant qu'il faut attendre la fin du bail, pour la réaliser.

Si le propriétaire envisage la vente de son fonds loué, il peut décider de le vendre à n'importe quel moment du bail. Peu importe qu'il s'agisse d'un bail de neuf ans ou à long terme, qu'il s'agisse du bail initial ou d'un bail renouvelé. En matière de prix, le vendeur est également libre de le déterminer.

 

Droit de préemption

Pour pouvoir exercer son droit de préemption, le fermier doit: détenir un bail rural en cours, qu'il soit verbal ou écrit; avoir exercé l'activité professionnelle d'exploitant agricole pendant au moins trois ans et avoir exploité lui-même ou par sa famille, le bien mis en vente. En cas de donation, le droit de préemption ne peut pas être exercé par le fermier en place. Le droit de préemption est exercé selon une procédure particulière.

D'abord, le notaire du bailleur chargé de la vente notifie au fermier le projet de la vente du bien loué, par lettre recommandée avec accusé de réception ou éventuellement par acte d'huissier. Cette lettre mentionne les conditions demandées et liées à la vente : prix, charges, modalités et délai. Le manque de l'un de ces éléments ne fait pas courir le délai de réponse. À réception de cette lettre recommandée, le fermier dispose de trois options possibles: celle d'accepter l'offre dans un délai de deux mois aux conditions fixées dans la lettre recommandée, dans ce cas où l'offre est acceptée, l'acte notarié doit être réalisé dans un délai de deux mois à compter de l'envoi de la réponse; accepter sous conditions de faire fixer par le tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR).

Dans ce cas, le juge assisté des assesseurs fermiers et bailleurs fixent la valeur vénale des terres et les conditions de la vente après enquête et expertise. Cette assignation devant le tribunal est souvent réalisée dans le cas où le fermier estime que le prix et les conditions demandées de la vente sont exagérées de la part du bailleur. Dans ce cas, il doit saisir le tribunal dans le délai de deux mois.

Aucune des parties n'est forcée à conclure après cette estimation, le propriétaire comme le fermier reste libre d'accepter le prix proposé par le juge. Si le preneur refuse le prix fixé par le tribunal, le bailleur peut vendre son bien à une tierce personne aux prix et conditions initialement proposés.

Et dernière option, refuser l'offre ou garder le silence. Dans ce cas, le bailleur peut vendre le bien loué à un tiers mais le fermier gardera son droit d'exploiter dans les conditions fixées dans le bail initial ou renouvelé. La réponse du preneur intervient dans les mêmes conditions que l'envoi fait par le notaire. Le fermier doit envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception, soit par exploit d'huissier à destination du propriétaire ou du notaire s'il a reçu un mandat spécifique. La réponse doit intervenir avant le délai de deux mois.

La vente réalisée au profit d'un tiers doit être notifié au fermier dans les dix jours, pour lui permettre de connaître son nouveau propriétaire et de faire valoir ses droits éventuellement en cas de violation de son droit de préemption. Dans le cas d'une vente faite au mépris du droit de préemption, le fermier titulaire de son droit de préemption a six mois à compter du jour où il a connaissance de la vente pour exercer l'action en nullité de celle-ci. Le preneur qui préempte à l'obligation d'exploiter personnellement le bien préempté pendant au moins neuf ans en qualité de propriétaire.

 

Exceptions

Le droit de préemption du fermier ne peut s'appliquer, lorsque la vente réalisée par le bailleur se fait à l'un de ses parents ou alliés jusqu'au troisième degré inclus: grands-parents, parents, enfant, frère et soeur, oncle et neveu. Autre exception, le fermier ne doit pas posséder en propriété la valeur à trois fois la surface minimale d'installation (SMI). Le droit du fermier s'efface aussi devant celui de l'État, des collectivités publiques et des établissements publics.

Le droit de préemption de la Safer ne s'applique que sur les biens vendus par un fermier, son conjoint, ses ascendants, ou ceux de son conjoint, qui exploitant le bien depuis moins de trois ans. Et pour les parcelles inférieures à vingt-cinq ares, le fermier ne peut faire valoir son droit de préemption sauf si la parcelle a fait l'objet d'un bail rural écrit avec les modalités du statut du fermage. Dans le cas d'une vente de moins de vingt-cinq ares avec un corps de ferme, la Safer peut exercer son droit de préemption.

Enfin, en préemptant, le preneur s'engage à exploiter personnellement, ou son conjoint ou son descendant pendant neuf ans au moins. À défaut, une condamnation en dommages et intérêts pourra être retenue contre lui.

 

Application du tarif réduit

Le régime de faveur est susceptible de bénéficier, sans limitation de superficie, à tout immeuble rural. Il s'applique à toute vente de propriété, d'usufruit ou de nue-propriété passible du droit de vente et aux soultes d'échange. L'application du taux réduit de 0,71498% au lieu de 5,807% (pour les immeubles en général) est soumise à deux conditions : au jour de l'acquisition, les immeubles doivent être exploités en vertu d'un bail consenti depuis deux ans au moins, soit à l'acquéreur lui-même, soit à son conjoint, à ses ascendants ou aux descendants ou à la personne morale acquéreur et l'acquéreur ou son descendant si l'acquisition est faite pour son installation doit s'engager, pour lui-même et pour ses ayants-cause à titre gratuit, à mettre personnellement en valeur les immeubles acquis pendant un délai minimal de cinq ans à compter du transfert de propriété.

À défaut, et sauf exception, le preneur encourt la déchéance du régime de faveur. Lorsque les immeubles sont loués à plusieurs exploitants ayant chacun la qualité de co-preneurs, l'acquisition par l'un d'entre eux bénéficie du taux réduit pour le tout. Acquisition par une société Le régime de faveur peut s'appliquer dès lors que toutes les conditions sont réunies. En revanche, il n'est pas applicable en cas d'acquisition par l'associé d'une société civile loués à celle-ci.

L'acquisition par une société d'un immeuble rural pris à bail par un de ses associés ne peut pas bénéficier non plus du régime de faveur, toute autre condition étant remplie, en cas d'acquisition de biens ruraux dont il était précédemment locataire, même si l'engagement de mettre personnellement en valeur ces biens est réalisé par l'intermédiaire de la société. Le régime de faveur est applicable aux acquisitions par les EARL des immeubles qu'elle exploite en vertu d'un bail. En clair, le bénéfice du taux réduit profite qu'au détenteur du bail, si c'est le cas pour une société, elle seule, peut bénéficier du taux réduit à condition de respecter l'engagement des cinq ans.

 

Régime de déchéance

Ce régime de faveur pourra être remis en cause, sauf cas de force majeure, s'il y a cessation de l'exploitation personnelle dans le délai de cinq ans ou si les biens sont revendus totalement ou partiellement dans ce même délai. Toutefois, la revente du bien par l'acquéreur à un descendant ou au conjoint de celui-ci n'entraîne pas la déchéance du bénéfice du taux réduit, si le sous-acquéreur s'engage à poursuivre personnellement l'exploitation jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter de la date du transfert de propriété initial.

En cas de déchéance, l'Administration est en droit de rappeler les droits d'enregistrements au taux du droit commun, soit 5,807% soit un différentiel de 5% auquel s'ajoute une pénalité de 1% et les intérêts de retard. Pour un achat de 30.000 EUR de foncier en 2020, par exemple, et suite, à sa revente en 2022, le coût du redressement serait de 1.800 EUR auquel s'ajoute les intérêts de retard, soit une pénalité quasiment de 2.000 EUR, pour n'avoir pas respecté son engagement de cinq ans. Ce qui signifie, qu'en cas d'achat, si on est sûr de ne pouvoir respecter le délai de cinq ans, mieux vaut payer le taux plein au moment de l'acquisition chez le notaire.

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