Bilan de la campagne blé 2022: un bon cru mais précoce
Le groupe régional blé des Hauts-de-France dresse le bilan de l'année culturale écoulée, depuis les semis jusqu'à la récolte.
Quelques parcelles sont semées très tôt fin septembre dans le Sud de la région mais, suite aux pluies de début octobre (33 mm le 2 à Beauvais), généralement, les semis débutent réellement vers le 8 octobre avec 50% des surfaces implantées en bonnes conditions au 15 octobre et 90% des semis réalisés au 15 novembre.
Les derniers semis, derrière betterave et pomme de terre reçoivent, après l'implantation, des cumuls de pluies assez importants du 25 novembre au 10 décembre, avoisinant parfois les 100 mm selon les secteurs.
Quelques derniers semis reprennent mi-décembre. En moyenne, les semis sont centrés autour du 20 octobre.
L'automne-hiver est doux, avec des températures records sur le mois de décembre. Le mois d'octobre est le seul mois de la campagne affichant un cumul de pluie excédentaire, le cumul du 1er octobre au 31 mars étant en dessous de la normale avec 340 mm sur Abbeville du 1er octobre au 31 mars (contre 480 mm l'an passé), 277 mm sur Saint-Quentin (contre 373 mm l'an passé) ou seulement 233 mm à Beauvais (contre 295 en 2021).
Une campagne précoce
La sortie d'hiver 2021 est précoce, mais la végétation ralentit un peu et le stade épi 1 cm est centré fin mars, proche de la médiane pluriannuelle. Malgré les conditions plus froides de la première quinzaine d'avril, les stades continuent d'évoluer avec les mois de mai et juin chauds. Le stade dernière feuille étalée apparaît au 5-10 mai.
Le stade épiaison a finalement une dizaine de jours d'avance par rapport à la moyenne pluriannuelle Hauts-de-France, avec les premiers épis au 10 mai en situations précoces et au 25 mai en situations plus tardives.
Désherbage: bonnes efficacités voire excellentes
Une grande partie des parcelles est désherbée à l'automne : proche de 100 % pour les semis d'octobre à mi-novembre avec 1 à 2 applications selon les situations. Une importante proportion de semis de décembre désherbés au semis. Les conditions climatiques sont favorables avec une très bonne efficacité en général.
Dans quelques situations, on observe des manques de sélectivité, principalement pour des applications au semis autour du 25 novembre suivies de cumuls de pluie importants, et pouvant exceptionnellement aller jusqu'au retournement de parcelles.
Quelques créneaux sont favorables sur janvier à début février pour des applications sur semis tardifs à 1 feuille avec des produits d'automne. Des échecs sur matricaire et séneçons sont notés.
En secteurs maritimes, on observe de plus en plus de folle avoine en fin de cycle en absence de rattrapage au printemps et une problématique ray-grass toujours croissante, tout de même mois prégnante cette année sur l'ensemble de la région, avec la bonne efficacité des programmes d'automne.
Azote avec un printemps particulièrement sec
Les reliquats sont un peu plus élevés que la moyenne pluriannuelle avec un faible lessivage hivernal et une bonne minéralisation: 68 unités en moyenne, voire un peu plus de 70 unités dans l'Oise avec un cumul de pluies hivernal plus faible.
Le premier apport d'azote est réalisé tôt à partir du 15 février face au risque sécheresse déjà pressenti et se fait généralement en bonnes conditions. Les besoins des plantes peu développées à cette période sont néanmoins encore faibles (croissance assez lente). Ceux réalisés fin tallage vers le 20-25 février ou début mars n'ont pas toujours rencontré les conditions favorables pour être valorisés rapidement.
Mais le retour des pluies fin mars a permis de rattraper les choses et de bien valoriser les apports épi 1cm. Le printemps est ensuite particulièrement marqué par une absence des pluies du 9 avril au 15 mai, avec un retour des pluies au moment de l'épiaison.
Dans certaines situations, des pertes par volatilisation ont pu avoir lieu avec des pluies insuffisantes dans les 15 jours suivant l'apport. Cette année encore, l'intérêt du fractionnement de la dose et l'application des apports tardifs sont vérifiés.
Dans ces conditions stressantes, le risque de verse reste faible en raison du manque de pluies, des températures froides en fin de nuit et d'un ensoleillement important pendant la montaison.
Maladies: la rouille jaune domine
La pression rouille jaune est élevée sur les variétés sensibles. Le modèle Yello d'Arvalis-Institut du Végétal place l'année 2022 en risque élevé, inférieur à la référence haute de 2014, mais supérieur à l'année dernière. Les premières pustules de rouille jaune sont facilement observées en avril sur les variétés sensibles (Amboise, Campesino, Rgt Sacramento, Filon, Tenor, Complice...) mais les foyers, parfois très virulents, se développent plutôt sur le mois de mai.
Le traitement fongicide de dernière feuille étalée vise en général la rouille jaune plutôt que la septoriose qui ne se développe que très peu, et des relais fongicides sont parfois nécessaires 10 à 15 jours après l'application.
La progression de la maladie est parfois difficilement contrôlable lorsque le déclenchement de la protection s'est fait tardivement en situation de foyers déjà très développés et actifs en présence de vent.
La rouille jaune est également signalée sur des variétés dites peu sensibles (note > 6) telles que Advisor, Garfield, mais aussi Chevignon et KWS Extase à surveiller.
La nuisibilité maladies est estimée provisoirement à 10 q/ha en moyenne, allant de 3 q/ha pour des variétés peu sensibles septoriose/rouille jaune (KWS Extase, Chevignon) à 30 q/ha pour des variétés sensibles à la rouille jaune (Campesino, Complice) avec attaque effective.
Autres bio-agresseurs au cas par cas
Oïdium: présent en situations à risque dès la mi-avril, essentiellement sur tige et feuilles basses. Avec l'absence de pluie, la maladie progresse sur les étages supérieurs notamment en terres superficielles et/ou semis tardifs. Le seuil de nuisibilité est parfois atteint dans le département de la Somme. Un fongicide spécifique oïdium est donc parfois appliqué dans ces situations.
Septoriose: en absence de pluie, les contaminations au printemps sont très faibles et avec l'avancée rapide des stades, les conditions ne sont pas favorables à la progression de la maladie. La pression septoriose reste donc très faible cette année.
Le retour des pluies au moment de l'épiaison entraîne, en général, un traitement spécifique septoriose à cette période qui vise en même temps et surtout la rouille brune de fin de cycle.
Rouille brune: la maladie est discrète ce printemps. On observe quelques pustules sur le mois de juin mais sans incidence au final.
Symptômes physiologiques: ils sont souvent observés ce printemps notamment sur Campesino, KWS Extase, Crossway, Tenor... à partir de la mi-avril, suite aux amplitudes thermiques et au stress hydrique. Ne pas confondre ces symptômes avec de la septoriose ou de l'helminthosporiose tritici ou même encore des brûlures de rouille jaune sans pustules.
Ravageurs: la présence de pucerons à l'automne est faible. La présence de limaces est parfois signalée, mais sans conséquence nuisible.
Sur le printemps, très peu de ravageurs sont constatés. Quelques pucerons sur épis apparaissent début juin, mais très bien régulés naturellement par les auxiliaires (syrphes, coccinelles, forficule...). Le BSV ne mentionne aucune parcelle atteignant le seuil de nuisibilité. Quelques cécidomyies sont piégées fin mai-début juin, mais le sol sec limite les émergences et aucune parcelle n'atteint le seuil de nuisibilité.
Récolte: année record en précocité
La récolte des blés débute le 8 juillet en secteurs précoces. Elle est stoppée par les pluies du 19 juillet mais en secteurs précoces, la récolte est déjà bien avancée. La moisson se termine le 30 juillet sur la région.
Au niveau des composantes de rendement :
- le nombre d'épis est impacté essentiellement dans les terres superficielles et semis tardifs avec le climat sec du printemps, et dans la moyenne en terres profondes (531 épis/m², moins 4% par rapport à la moyenne pluriannuelle).
- la fertilité épis est assez élevée avec 43 grains par épi (+ ,6% par rapport à la moyenne pluriannuelle) grâce à un excellent rayonnement sur avril et mai, des températures pas trop élevées et un retour des pluies autour de dernière feuille étalée-épiaison.
- le cumul de pluie sur le mois de juin et les températures pas trop élevées sont favorables au remplissage des grains avec des PMG autour de 45 g, largement supérieur à l'an passé (+ 1,8 % par rapport à la moyenne pluriannuelle).
Les rendements en parcelle sont assez hétérogènes, allant couramment de 60 q voire moins à parfois plus de 120 q. Les semis après le 25 novembre, les précédents blés et les terres superficielles ont été plus impactés par le stress hydrique et ont déjà décroché quand les pluies reviennent autour de l'épiaison.
En terres profondes, en précédents riches, les rendements sont en général très bons, voire excellents.
Le rendement de la Somme et du Nord-Pas de Calais est estimé autour de 93 q/ha, celui de l'Aisne autour de 85 q/ha et pour l'Oise à 84 q/ha (selon Agreste, voire près de 90 q/ha en retour terrain adhérents de groupes).
Au niveau de la qualité, le PS moyen est très bon un peu au-dessus de 80 kg/hl avec quelques valeurs record à 88 kg/hl, un peu plus faibles dans les secteurs tardifs qui ont récolté d'avantage après la pluie. La teneur en protéines est hétérogène et se situe souvent autour de 10,5 à 11 %, avec un effet dilution pour les rendements élevés, ou les parcelles avec un apport de dernière feuille réduit face au coût de l'azote. La qualité des grains est excellente, sans mycotoxine, ni grain germé et sans dégradation du temps de chute d'Hagberg.
Pour le groupe régional blé Hauts-de-France: Élodie Gagliardi, Arvalis-Institut du végétal, et Francois Dumoulin, Chambre d'agriculture de l'Oise
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