Le blé français exposé au retour en force du blé russe
FranceAgriMer envisage au second semestre «une arrivée massive» de blé russe à l'international. L'établissement a révisé en baisse les exportations de blé français.
«On attend une très forte présence à l'exportation» du blé russe, a souligné Marc Zribi, chef de l'unité grains et sucre, en conférence de presse le 14 septembre, à l'issue d'un conseil spécialisé de FranceAgriMer. Après son retard à l'allumage - les expéditions ont reculé en juillet/août «de l'ordre de 30 à 40 %» par rapport à l'an dernier -, une montée en puissance est prévue en deuxième partie de campagne, d'après lui. Cette concurrence accrue de la Russie conduit FranceAgriMer à réduire ses prévisions d'export 2022-2023 de blé français à 10 millions de tonnes (contre 10,3 millions de tonnes en juillet) vers les pays tiers. La situation apparaît toutefois «très évolutive d'ici la fin de l'année», avec l'arrivée des origines Hémisphère Sud (Argentine et Australie) et la présence marquée d'un acheteur, le Pakistan, victime d'inondations catastrophiques. «De nombreuses incertitudes» pèsent sur les marchés internationaux, estime Marc Zribi, citant pêle-mêle la guerre en Ukraine, la crise Covid en Chine, la flambée des prix de l'énergie, le retour de l'inflation, l'équilibre offre/demande en grains.
Essoufflement de l'export français ?
Le blé français aura au moins profité du manque d'offre de la mer Noire en début de campagne. Ses ventes à l'international n'ont jamais été aussi élevées lors des deux premiers mois, avait noté le 30 août la société de conseil Agritel. Avec 1,663 million de tonnes en juillet, 1,143 million de tonnes en août, les exportations connaissent un démarrage en trombe, selon les chiffres des douanes françaises communiqués par FranceAgriMer. Sont-elles en train de s'essouffler ? «On a pour l'instant peu de volumes sur septembre par rapport à ce qu'il a pu y avoir en juillet et août», reconnaît Paul Le Bideau, adjoint au chef de l'unité grains et sucre, au vu des données jusqu'au 9 septembre. «Il est un peu tôt pour analyser cette tendance», poursuit-il, relevant encore quelques volumes à destination de Cuba, de la Chine, du Maroc.
Si le blé russe est annoncé avec «des prix très compétitifs» en seconde partie de campagne, reste pas mal d'incertitudes, selon FranceAgriMer. La récolte est annoncée pléthorique, à 85,4 millions de tonnes (dont 41 millions de tonnes pour l'exportation), mais avec possiblement davantage de blé fourrager par rapport à d'habitude. «Des obstacles demeurent en matière de logistique, de coût du fret, d'assurances» liés à la guerre en Ukraine, considère Marc Zribi. Leur levée n'est «pas acquise» : «On peut comprendre les réticences (des affréteurs) à vouloir assurer des cargaisons dans un contexte de conflit international», d'après lui.
France et Roumanie veulent faciliter les exportations ukrainiennes
Dans le cadre des «Voies de solidarité», la France et la Roumanie ont signé le 12 septembre un accord pour faciliter l'export de céréales ukrainiennes par voie terrestre, selon une annonce du ministre français délégué aux Transports. Il s'agit de «permettre à l'Ukraine d'évacuer plus encore de céréales», avait indiqué la veille Clément Beaune sur France Inter. Ces céréales iront «vers l'Europe et vers les pays en développement, notamment en Méditerranée qui en ont besoin pour des questions alimentaires et presque de survie», a ajouté le ministre. La France mobilise pour cela son expertise technique en matière de logistique. Cette annonce intervient au surlendemain d'une déclaration du Kremlin selon laquelle le président russe Vladimir Poutine prévoit de parler avec son homologue turc Erdogan d'un accord permettant à l'Ukraine d'exporter ses céréales, de plus en plus critiqué par Moscou. Cet accord, conclu le 22 juillet à Istanbul, a permis de débloquer les exportations de blé et de maïs ukrainiens qui étaient jusque-là entravées par l'offensive militaire russe, suscitant la crainte d'une crise alimentaire. Mais la Russie affirme que ses propres exportations de denrées alimentaires et d'engrais continuent de pâtir des sanctions occidentales visant Moscou pour son intervention militaire. Le 7 septembre, le dirigeant russe avait affirmé que les exportations ukrainiennes allaient majoritairement vers l'Europe et non pas vers les pays pauvres. «Ça fait partie du récit russe, mais ça n'est pas vrai», a assuré M. Beaune : «M. Poutine a dit qu'il y avait seulement 3 % des céréales réexportées qui allaient vers les pays en développement, c'est beaucoup plus que ça, c'est plus d'un tiers.» Les mesures prises par les Européens ont permis de «retrouver quasiment les niveaux d'exportations de céréales que l'Ukraine avait avant la guerre, en trouvant des routes terrestres».
Les ministres de l'Agriculture des Vingt-sept devraient discuter une fois encore de l'enjeu des «Voies de solidarité» lors de leur réunion prévue le 26 septembre afin de trouver un accord sur de nouveaux investissements.
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