L'Oise Agricole 16 juin 2022 a 09h00 | Par M.N.

Le prix du blé n'ira pas plus haut selon le rapport Cyclope

Le prix mondial du blé n'a pas de raison de monter plus haut, parce que la Russie, qui attend une moisson abondante, n'a guère d'autre choix que d'exporter, a indiqué François Luguenot, un des auteurs du rapport Cyclope sur les marchés mondiaux de matières premières, présenté le 8 juin.

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Le principal exportateur de blé qu'est la Russie «a besoin viscéralement d'exporter des matières premières», d’après François Luguenot, analyste sur les marchés céréaliers.
Le principal exportateur de blé qu'est la Russie «a besoin viscéralement d'exporter des matières premières», d’après François Luguenot, analyste sur les marchés céréaliers. - © Pixabay

Un des éléments ressortant de la présentation, le 8 juin, du rapport Cyclope, ouvrage annuel de 65 auteurs sur les marchés mondiaux de matières premières, est que le blé n'a pas de raison de monter plus haut qu'actuellement. Une détente n'est pas exclue. En effet, a indiqué François Luguenot, analyste sur les marchés céréaliers, le principal exportateur de blé qu'est la Russie «a besoin viscéralement d'exporter des matières premières». Les prévisions de moisson russe 2022 «sont bonnes». En Australie, elles sont «excellentes». Au total, ces perspectives devraient plus que compenser les moins bonnes récoltes prévues en Inde et aux États-Unis, selon François Luguenot.

Le problème du marché du blé en cette conjoncture marquée par la guerre d'Ukraine «n'est pas un déficit de quantité de blé, mais la capacité des pays à le payer». L'économie de plusieurs nations d'Afrique du Nord parvient à grand-peine à payer le blé aux niveaux de prix actuels, a-t-il expliqué. En Tunisie, l'industrie touristique post-Covid reste à la peine faute d'une desserte aérienne suffisante, le Maroc n'exporte que des phosphates, le budget égyptien s'épuise en subventions pour le pain. «Le problème numéro un des conséquences de la guerre en Ukraine sur les marchés céréaliers n'est donc pas quantitatif, mais économique», a résumé François Luguenot.

L'inconnue de la demande chinoise

Quant au marché du maïs, «son facteur déterminant n'est pas l'offre (autrement dit l'absence de l'Ukraine) mais l'inconnue de la demande chinoise», a-t-il complété. Tout dépend si Pékin achètera 2 millions de tonnes (Mt) de maïs sur le marché mondial ou 15 Mt, «et cela on ne le sait pas». Les raisons pour lesquelles la Chine importe tant de céréales (62 Mt en 2021, maïs notamment) «demeurent obscures».

La Chine a acheté 100 millions de tonnes de soja en 2021. Cet ordre de grandeur n'a rien d'exceptionnel. «C'est une tendance lourde», a commenté Philippe Chalmin. Pékin n'est pas près de diminuer ses importations de soja. En effet, «la viande, c'est du grain (de la céréale et surtout du soja, pour sa richesse en protéines) sur pied, et les Chinois aspirent autant à consommer de la viande qu'à rouler en voiture», a justifié Jean-Paul Simier, analyste économique sur le marché de l'agriculture au Crédit agricole d'Ille-et-Vilaine et auteur de Cyclope pour le marché de la viande. Les classes supérieures chinoises commencent à consommer de la viande de boeuf et le pays en achète sur le marché mondial depuis deux-trois ans. «La Chine ne pourra pas s'autosuffire en viande. Elle n'est pas la seule à développer sa consommation carnée : tous les pays voisins s'y mettent (Philippines, Vietnam, Thaïlande, Malaisie). Et demain ce sera l'Afrique, où déjà une classe moyenne émerge et aspire à consommer de la viande», a-t-il poursuivi.

Un manque structurel de soja

La consommation de viande progresse principalement dans les pays émergents, alimentée par le commerce et non par la production locale. La Russie, de son côté, est en train de reconstituer son potentiel productif de viandes. Alors qu'elle était importatrice à l'ère de l'URSS, elle avance vers l'autosuffisance.

Face à cette perspective de demande de matières premières pour l'élevage, la production de soja ou d'autres plantes riches en protéines est difficilement extensible. Le Brésil, premier producteur mondial, ne cesse d'accroître ses surfaces. Aucun pays d'Afrique ne semble en mesure de prendre le relais du Brésil pour l'instant pour la culture du soja, selon Jean-Paul Simier. «On peut se demander si l'insuffisance des approvisionnements en soja ne va pas finir par casser l'expansion de la production de viande», a-t-il avancé.

Cyclope 2022, 722 pages, 139 €, Éditions Economica. Versions électroniques et possibilité d'acheter les chapitres individuellement. www.cercle-cyclope.com

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