Comment une partie de l’agriculture du futur s’écrit à Estrées-Mons
À l’occasion des journées nationales de l’agriculture (JNA) 2022, fin de semaine dernière, la plateforme agro-environnementale d'Estrées-Mons de l’Inrae a ouvert ses portes au grand public… peu nombreux.
Que font les experts de l’Inrae Hauts-de-France sur les 166 hectares de la plateforme agroenvironnementale d’Estrées-Mons (80) ? Assurément «plein de choses» comme l’a souligné vendredi 17 juin sa responsable communication, mais c’est autour de quatre ateliers que les présentations se sont concentrées à l’occasion des Journées nationales de l’agriculture (JNA) : innovation variétale sur le pois protéagineux ; conduite d’essais pour réduire l’utilisation des pesticides en grandes cultures ; recueil de données dans le sol ou encore utilisation d’un drone pour la caractérisation des plantes…
Sélection variétale
Dire qu’une partie de l’agriculture du futur ou du futur de l’agriculture s’écrit dans ces parcelles ou ces laboratoires n’est pas une vaine expression car c’est ici par exemple que des techniciens et ingénieurs agronomes travaillent à la sélection de nouvelles variétés de pois. Début janvier 2022, après plusieurs années de recherche, l’Inrae a inscrit au catalogue officiel des variétés françaises une création née dans ses parcelles d’Estrées-Mons : Flambo. Les travaux de sélection de l’Inrae ont permis de sélectionner un pois d’hiver pouvant être semé relativement tôt, en réduisant le risque d’exposition à la sécheresse grâce à un développement tardif et un réseau racinaire développé. Ce pois est destiné tant à l’alimentation animale qu’humaine, et répond ainsi aux objectifs de développement des protéagineux pour réduire la dépendance aux protéines importées, dont le soja. Il y a une quinzaine de jours, une rencontre entre Agri Obtentions (filiale de l’Inrae), des organismes de collecte et des agriculteurs multiplicateurs a eu lieu pour présenter la nouveauté, dans l’objectif de multiplier la variété. «Le travail pour que cette variété soit disponible pour les agriculteurs n’est donc pas encore tout à fait fini», explique Eric Hanocq, directeur de l’unité expérimentale «grandes cultures» de l’Inrae.
Expérimentation sans pesticides
Autre lieu de la plateforme, autre expérimentation : l’Inrae d’Estrées-Mons participe au programme Rés0Pest. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un réseau expérimental dont le but est de produire des connaissances mobilisables pour la conception de systèmes de culture innovants en utilisant moins, voire pas du tout de pesticides. «Le but est de regarder comment on peut se passer des fongicides, des insecticides et des désherbants», rapporte Sébastien Darras, technicien d’expérimentation. La méthode ?
Combiner des techniques alternatives et valoriser les régulations biologiques. Pour cela, des bandes fleuries et enherbées ont été implantées au milieu de parcelles de grandes cultures ; «une manière de favoriser la présence d’auxiliaires», explique M. Darras. La rotation «classique» est la suivante : betteraves, blé, culture intermédiaire, pommes de terre, orge d’hiver, culture intermédiaire, haricot, colza, triticale et culture intermédiaire. Tout au long de la rotation, différentes techniques sont utilisées : labour, faux-semis, semis tardifs, mélange de cultures… Sans utiliser de pesticides, mais en ayant recours quand même à des engrais minéraux, l’objectif est d’atteindre 2/3 du rendement d’une culture conduite en agriculture conventionnelle. Depuis 2012, date de mise en place de l’expérimentation, Sébastien Darras constate que «les céréales sont globalement les cultures pour lesquelles la lutte contre les adventices est la plus compliquée». Les cultures sarclées, en revanche, s’en sortent mieux avec la possibilité d’utiliser plus facilement des outils de désherbage mécanique. Pour Sébastien Darras, la finalité des expérimentations conduites sur la plateforme n’est pas de les reproduire à l’identique chez les agriculteurs, mais «d’identifier des techniques qui fonctionnent». Depuis 2018 – et ce jusqu’en 2024 -, la pomme de terre a été intégrée à la rotation «pour aller plus loin», et d’une certaine manière se rapprocher des assolements présents dans la région Hauts-de-France.
Recueil de données et observations
Avant de conclure un (rapide) tour d’horizons des activités présentes sur le site d’Estrées-Mons par une démonstration de l’utilisation d’un drone dans la caractérisation des plantes, Guillaume Vitte a de son côté expliqué le fonctionnement de l’observatoire de recherche en environnement. Sa mission ? Grâce à des capteurs installés dans et sur le sol, il s’agit de mesurer l’impact de l’agriculture sur l’environnement en s’intéressant au carbone, à l’azote, sans oublier l’eau. Le dispositif de capteurs installé depuis 2009 permet désormais à l’Inrae de bénéficier d’une base de données «conséquente», dixit l’ingénieur d’études qui en a la responsabilité. Rien qu’en ce qui concerne le carbone, les enseignements tirés des observations réalisées à Estrées-Mons peuvent dérouter : «Fonction des pratiques agricoles, on arrive à comparer le stockage du carbone dans le sol, explique Guillaume Vitte. On constate par exemple qu’un système en non-labour ne va pas augmenter le carbone dans le sol, mais qu’il va permettre de le stocker plus en surface qu’un système classique».
Autre enseignement, l’implantation de switchgrass – une graminée que l’on peut comparer au miscanthus et qui fait l’objet d’études sur la station d’Estrées-Mons – permet d’augmenter «considérablement» la présence de carbone dans le sol. D’une manière plus générale, «on observe, on recueille des données et ensuite, on peut les partager avec des chercheurs de chez nous ou d’ailleurs pour qu’elles soient exploitées», indique Guillaume Vitte dont le propos finit de confirmer que l’Inrae inscrit ses actions dans une logique partenariale et de partage.
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