DNC: démêler le vrai du faux
Alors que les blocages des abattages dans les foyers touchés font grand bruit, les vétérinaires, Groupements de défense sanitaire et les élus de la FNSEA appellent à la raison. Les abattages de troupeaux sont présentés comme «un mal nécessaire» à l’éradication de la maladie et à la «survie du métier d’éleveur» en France.

Dans un entretien accordé à notre confrère Sud-Ouest le 14 décembre, la ministre de l’Agriculture a assuré qu’«il n’y a aucun foyer actif de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) sur le territoire français». Elle a également confirmé que le gouvernement allait débloquer les sommes nécessaires pour faire vacciner un million de bovins supplémentaires, en plus du million déjà vaccinés. Cette mesure doit permettre la mise en place d’un cordon sanitaire sur l’ensemble de l’arc pyrénéen.
Il faut espérer que cette stratégie sera efficace, car certains agriculteurs ont clairement affirmé qu’ils ne joueraient pas le jeu, quitte à se mettre «hors-la-loi», comme l’a déclaré sans ambages un agriculteur du Gers à France Info. Or, les scientifiques alertent sur les risques que ces comportements font peser sur l’ensemble de la filière.
Jeanne Brugère-Picoux, vétérinaire, professeure honoraire de l’École nationale vétérinaire d’Alfort, membre de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie vétérinaire de France, a dénoncé, le 13 décembre sur France Info, «le non-respect des mesures sanitaires» et «les déplacements illicites d’animaux contaminés qui ont fait tous ces petits foyers».
Le président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, Jacques Guérin, a lui aussi rappelé que «dépeupler un troupeau est un acte traumatisant pour l’éleveur et pour celui qui le réalise, mais indispensable : c’est par ce sacrifice-là que nous allons protéger tous les cheptels bovins de France», a-t-il déclaré à nos confrères de l’AFP.
Maladie A
La DNC est arrivée en Europe en 2014 avant de provoquer une vaste épizootie dans les Balkans et en Grèce entre 2015-2017 entraînant le dépeuplement des élevages. Puis, elle a disparu avant de réapparaître en Sardaigne en juin dernier. Cette maladie non transmissible à l’homme est hautement contagieuse pour les bovins. Elle entraîne de la fièvre, des chutes de lactation, la constitution de nodules à l’intérieur et à l’extérieur du corps. Elle est mortelle dans plus de 10 % des cas. Les animaux contaminés qui parviennent à survivre conservent d’importantes séquelles : infertilité, amaigrissement, avortements spontanés… «Ils souffrent énormément», a rappelé Kristel Gache, directrice du réseau des GSD France au quotidien Le Monde.
Maladie classée A par l’Union européenne, c’est-à-dire comme «maladie à éradication immédiate» la DNC est transmise par des insectes piqueurs (taons, stomoxes, tiques). Le réchauffement climatique favorise leur maintien plus longtemps pendant la période automnale. À ce jour, il n’existe pas de traitement antiviral spécifique.
Animaux asymptomatiques
Le vaccin dont disposent aujourd’hui les vétérinaires français, répliqué à plusieurs millions de doses pour les zones réglementées, est produit par un laboratoire sud-africain, Onderstepoort Biological Products. Il est efficace à 85 % et n’atteint son plein effet qu’après vingt et un jours suivant la vaccination. Or, le temps d’incubation de la DNC est de vingt-huit jours.
Des animaux peuvent donc être infectés, puis vaccinés, et développer malgré tout la maladie tout en la transmettant. «Si on ne faisait que des dépeuplements partiels, il faudrait analyser toutes les bêtes de tous les élevages tous les jours (…) Si l’on épargne les animaux sans symptômes, on ne va jamais arrêter le cycle», a expliqué Éric Cardinale, directeur scientifique de la santé animale à l’Anses.
Menaces et désinformation
Vacciner l’ensemble du troupeau français est une option exclue, ont répété le ministère et plusieurs organisations agricoles, dont la FNSEA et les JA. La France serait alors considérée comme un pays non indemne de la maladie et, par conséquent, les exportations d’animaux vivants seraient stoppées, entraînant une perte de revenus importante. «Le souci aussi, c’est que les animaux peuvent présenter des symptômes importants après la vaccination», a expliqué Cécile Contal, éleveuse de charolaises en Seine-et-Marne.
Sur leur compte X, les Jeunes agriculteurs ont relayé le témoignage de Bastien Chappet, jeune éleveur de Haute-Savoie touché cet été par la DNC : «Pour éradiquer la DNC, il est nécessaire de respecter le triptyque dépeuplement, vaccination, interdiction de mouvement, comme nous l’avons fait en Savoie», a-t-il affirmé. «Face à la désinformation sur les réseaux sociaux ou dans les médias, il ne faut pas avoir peur de prendre la parole et de dire la vérité sur ce sujet», a-t-il ajouté.
«Irrationalité et pseudo-sciences»
À la contestation et à la désinformation d’une minorité d’agriculteurs s’ajoute une vague de menaces, dénoncée par le président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, Jacques Guérin : «Vous avez des appels à brûler des cliniques sur les réseaux sociaux, des vétérinaires agonis d’injures sur leurs standards. Celui du Conseil national de l’Ordre est submergé d’appels de personnes complotistes, antivax, anti-tout, qui déversent des tombereaux de bêtises à l’encontre de la profession. Cela finit par impacter fortement le moral des vétérinaires», a-t-il déclaré à l’AFP. Il a également confirmé qu’il «n’hésiterait pas, s’il le faut, à engager des actions en justice dès que des actes malveillants seront perpétrés».
Pour le président du CNOV, ce protocole — dépeuplement, vaccination, interdiction de mouvement — a fait ses preuves depuis plus de soixante-dix ans. Il «a permis de lutter contre les grandes maladies des cheptels. Il repose sur la défense de l’intérêt collectif et exige une certaine discipline (…) Il y a parfois des choix dramatiques à faire pour certains élevages, mais c’est à ce prix-là que l’on protège les 16 millions de bovins du pays», a-t-il confié à nos confrères du Parisien.
Lors d’une conférence de presse le 12 décembre, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a appelé l’État à prendre ses responsabilités et à mobiliser ses services pour accompagner humainement les éleveurs. «L’abattage d’un troupeau est un choc terrible pour les éleveurs, mais c’est malheureusement la seule manière de lutter. Il faut éradiquer la maladie pour préserver le plus de vaches possible et ainsi garantir les revenus des éleveurs.»
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