L'Oise Agricole 06 juillet 2023 a 08h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

«Grâce au travail collectif des partenaires, il est possible de rebondir»

L'association Réagir a tenu son assemblée générale dans l'Oise le jeudi 29 juin en présence de ses membres et partenaires. L'occasion de faire le point sur les agriculteurs en difficultés et l'accompagnement que réalisent les conseillers.

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Assemblée générale de Réagir à Beauvais.
Assemblée générale de Réagir à Beauvais. - © DLC

«Voilà sept ans que Réagir existe et, si 13 familles ont sollicité notre aide en 2017, elles sont 53 à avoir bénéficié de l'accompagnement en 2022. La demande ne cesse d'augmenter», annonce d'emblée François Mellon, le président de Réagir. Grâce à ses valeurs de bienveillance et confidentialité ainsi qu'à ses compétences et au travail mené avec les partenaires, l'association est légitime dans le département. Elle va d'ailleurs sans doute demander à être reconnue d'intérêt général afin de diversifier ses sources de revenus, comme avoir la possibilité de recevoir des legs. Même si on regrette l'augmentation des demandes, se pose la question des moyens à mettre en face pour pouvoir accompagner les agriculteurs en difficulté. Grâce à l'effort financier de ses membres, Réagir finit l'année 2022 à l'équilibre. Des subventions de la Région et du Département viennent conforter les cotisations des membres et, malgré le contexte inflationniste, les charges ont été maîtrisées.

«Cela peut arriver à tous»
En 2022, 22 nouvelles situations sont apparues avec un suivi total de 59 exploitations, ce qui représente plus de 100 personnes. «Les personnes viennent nous voir alors que leur situation est déjà extrêment dégradée», déplore Sylvie Douchet, directrice de Réagir. «Elles essaient de s'en sortir seules ou refusent d'accepter la situation. Elles sont aussi souvent honteuses et attendent le dernier moment pour nous contacter.»

Fait nouveau en 2022, l'arrivée d'agriculteurs bio. Après la crise Covid, la guerre en Ukraine a entraîné une forte inflation et l'agriculture bio, pourtant en pleine croissance, a connu un revers de manche. Cinq agriculteurs bio ont sollicité Réagir en 2022, auxquels il faut en ajouter deux depuis le début 2023 : trois en maraîchage, deux en lait, un en lait de brebis et un en poules pondeuses.
Le facteur accident de santé a concerné six agriculteurs sur les 22 nouvelles entrées. La production laitière représente 21 % des agriculteurs suivis. D'ailleurs, trois départs de cheptel entier ont été réalisés dans le cadre du suivi.

Les agriculteurs suivis ont en majorité entre 50 et 60 ans et sont concentrés dans le Nord-Ouest de l'Oise où a commencé la crise laitière. Mais tous les secteurs du département sont finalement concernés. «Ce qui est sûr, c'est que toutes les exploitations peuvent un jour ou l'autre se trouver en grandes difficultés. Chaque situation est unique et l'accompagnement doit être adapté à chaque personne».

Brigitte Henri-Maigniel, Christine Waffelaert, Nicolas Timmerman et Sylvie Douchet mettent leurs compétences au service des agriculteurs en difficulté et travaillent dans un partenariat indispensable avec les interlocuteurs des autres organisations professionnelles agricoles, avec le soutien de la DDT (Direction départementale des territoires ) et de la DDPP (Direction départementale de la protection des personnnes).

La MSA peut proposer une aide au répit, le Service de remplacement permet aux exploitants de le prendre hors de chez eux, l'équipe du tribunal, juges et mandataires, dégage des solutions dans un cadre judiciaire et avec bienveillance. Conseillers techniques des coopératives, des centres de gestion, de la Chambre d'agriculture et des établissements bancaires apportent une aide au bon fonctionnement de l'exploitation. Enfin, bien que ne connaissant pas le milieu agricole, accompagnants médicaux en hôpital psychiatrique, médecins et thérapeutes sont sollicités pour venir en aide aux personnes en grande détresse. «Nous demandons aussi aux élus d'appuyer certains dossiers et agissons auprès d'autres intervenants commes les vétérinaires, les gendarmes», détaille Sylvie Douchet. En 2022, 20 personnes sont ainsi sorties du dispositif, dont 15 positivement. L'association Réagir participe au comité plénier organisé par la préfète de l'Oise pour la prévention du mal-être et l'accompagnement des populations agricoles en difficultés et échange avec d'autres associations.

Que ce soit Antoine Niay, président de la MSA Picardie, ou Luc Smessaert, qui participe au réseau national, tous le martèlent : «c'est parce que nous travaillons ensemble que nous saurons plus vite repérer et mieux aider les personnes en difficulté.»

Reprendre confiance et imaginer l'avenir

Il a fallu du courage à Bernard*, accompagné de son épouse et d'une de ses filles, pour venir apporter son témoignage à l'assemblée. Agriculteur dans le Nord-Ouest, avec un élevage allaitant et un atelier lait, il avait repris l'exploitation familiale. Et quand les difficultés ont commencé à apparaître en 2015, Bernard n'a pas su faire face et a commencé à déprimer, s'est enfermé sur lui-même et s'est laissé déborder. Il a quand même pu appeler Luc Smessaert pour lui faire part de sa situation : «Luc est tout de suite venu me voir pour m'écouter», témoigne-t-il. Il a alors rencontré les conseillers de Réagir et deux solutions lui ont été proposées. «Mais je n'étais alors pas prêt à les entendre car le conseil du comptable était d'arrêter la ferme et j'ai donc continué.» En 2020, alors que ses dettes ont augmenté, Bernard revient vers Réagir et rencontre Nicolas Timmerman, conseiller. Pour le protéger, une procédure de redressement judiciaire lui est proposée. Bernard rencontre, grâce à Sylvie Douchet, le juge et le mandataire du tribunal. «J'ai alors compris que c'était la meilleure solution», reconnaît-il. Depuis, il a arrêté l'élevage allaitant, la ferme est à nouveau rentable et il a pu étaler ses dettes. «Grâce à cet appui et avec l'aide de ma femme et de mes filles, j'ai pu reprendre confiance en moi et je sais que je peux compter sur l'équipe de Réagir en cas de problème», confesse-t-il. Et motivation ultime, sa seconde fille lui a avoué qu'elle voulait depuis toujours reprendre l'exploitation, mais qu'elle n'avait jamais osé le dire vu le contexte. Elle a abandonné ses études d'esthétique pour s'inscrire à l'Institut Saint-Éloi de Bapaume. Quelle plus belle preuve de confiance en l'avenir ?

*le prénom a été modifié

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