L'Oise Agricole 07 juillet 2023 a 09h00 | Par Stéphane Lefever

Impôts: les outils du fisc pour débusquer les fraudeurs

Après «le foncier innovant», voici «Big Brother» le nouveau dispositif pour lutter contre la fraude fiscale des particuliers. La fraude est estimée entre 80 et 100 milliards, alors que les contrôles ont élucidé plus de 15 milliards d'impôts et de pénalités non payés en 2022. L'exécutif va intensifier ses contrôles au cours des prochains mois.

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- © AAP

Le datamining et les réseaux sociaux sont les nouveaux outils pour démasquer les fraudeurs.
La lutte contre la fraude fiscale est une priorité des pouvoirs publics. Pour la mener à bien, le fisc utilise aujourd'hui l'intelligence artificielle pour identifier les contribuables qui tentent de se soustraire à l'impôt, et il peut aussi les démasquer sur les réseaux sociaux.
Ces contrôles ont permis d'encaisser 7,8 milliards en 2020,
10,7 milliards en 2021 et 10,6 milliards en 2022.


Le datamining au centre des contrôles
Bercy a engagé de lourds investissements pour optimiser le contrôle fiscal, notamment avec le recours aux algorithmes. Ils sont capables d'explorer la masse de données numériques présente sur la toile (datamining), et de repérer les incohérences susceptibles de révéler une fraude. Les robots du fisc analysent désormais chaque jour des millions d'informations issues de centaines de sources différentes (déclarations fiscales, comptes bancaires, fichier cadastral, Urssaf...). Un achat sans rapport avec vos revenus, un logement vendu au rabais, un compte bancaire alimenté en liquide... Rien ne leur échappe et dès que le croisement des données révèle un cas douteux, une alerte se déclenche.
Ce ciblage redoutable est de plus en plus performant. En 2021, près de 67 % des contrôles fiscaux ont été issus de l'intelligence artificielle et de l'exploitation des données issues du datamining. C'est pourquoi, Bercy mise davantage sur le datamining en matière d'identification de la fraude fiscale.
L'objectif est de porter d'ici à 2027 à 50 %, soit la même proportion que pour les entreprises, la part des contrôles fiscaux particuliers initiés grâce au datamining. À cette échéance, les contrôles doivent augmenter de 25 %. Cet effort portera sur les gros patrimoines, à préciser Bercy.


Utilisation des réseaux sociaux
Depuis 2021, un décret autorise les agents des services fiscaux à expérimenter pendant trois ans la collecte des données personnelles en accès libre sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram...) et les plateformes de services entre particuliers (Airbnb, BlaBlaCar...).
En clair, photos, vidéos, annonces et commentaires postés sans filtre sont désormais utiliser pour repérer les fraudeurs. Seules vos publications privées restent protégées. Celles visibles de tous peuvent en revanche justifier de lourdes pénalités si elles révèlent un train de vie supérieur à vos revenus, une activité non déclarée ou une fausse domiciliation à l'étranger.
Les variations de revenus et un train de vie incohérent sont très ciblés. Des revenus très différents d'une année sur l'autre doivent être très précisément justifiés afin d'anticiper un contrôle fiscal. En cas de variation importante de vos revenus, l'administration fiscale vous adressera quasi systématiquement une demande d'éclaircissement. Les agents des impôts font des recoupements entre les revenus et le patrimoine des contribuables.

Et ils étudient s'ils sont en cohérence. La cohérence du train de vie est elle aussi scrutée à la loupe. Les signes extérieurs de richesse qui ne sont pas en adéquation avec les revenus déclarés sont repérés via les réseaux sociaux désormais, en plus de la presse ou des recoupements de déclarations. Aujourd'hui, plus de 30 % des contrôles font suite à l'identification d'un manque de cohérence entre le niveau de vie et les revenus déclarés. L'impôt sur la fortune immobilière (IFI) est souvent minoré au-delà de ce qui est acceptable. C'est pourquoi, le fisc est particulièrement attentif lorsqu'il y a mise en vente ou transmission d'un bien. Il est conseillé d'invoquer le droit à l'erreur lors d'une sous-valorisation à l'IFI avant de se séparer de son bien. Erreur avouée, permet d'éviter les pénalités.


Bases de données
Ces diverses informations sont compilées dans une base de données unique «sur laquelle nous faisons tourner nos requêtes informatiques, selon un calendrier précis et thématisé, qui sortent des listes de dossiers présentant des anomalies fiscales, explique Stéphane Créange, sous-directeur du contrôle fiscal à la DGFIP. En effet, au fur et à mesure des remontées des agents de terrain, les requêtes informatiques sont enrichies, elles sont abandonnées si elles ne conviennent pas, et sont conservées si elles fonctionnent», poursuit la DGFIP.
Parmi les sources d'incohérences les plus recherchées figure notamment l'immobilier avec la taxation des plus-values et la déclaration d'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Il n'est pas possible de prendre une décision uniquement sur la base des algorithmes. Une décision qui a des conséquences pour la personne concernée ne peut être prise sur ce seul fondement.
«Ensuite, après un contrôle de cohérence, nous envoyons tous les deux à trois mois des listes de dossiers aux services fiscaux territoriaux pour qu'ils puissent, si nécessaire, engager un contrôle», détaille le sous-directeur du contrôle fiscal. L'intervention humaine est toujours nécessaire pour justifier une action.
Aujourd'hui, il faut relativiser, les services de gestion des services fiscaux, les services de publicité foncière et d'enregistrements ne sont pas toujours à jour au moment voulu, elles accusent du retard, mais elles sont toujours fiables.


Tracfin, Ficoba, Ficovie pour surveiller vos comptes
Certains moyens plus conventionnels sont tout aussi efficaces pour chasser la fraude. La Direction des finances publiques gère notamment l'organisme Tracfin de lutte contre la délinquance financière et les fichiers nationaux des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), celle des contrats d'assurances-vie et de capitalisation (Ficovie) et la base de données Patrim sur les biens immobiliers ou encore la base nationale des données patrimoniales alimentée par les actes notariés.
Le premier reçoit des déclarations de soupçons de nombreux professionnels (banques, assureurs, notaires, experts-comptables, etc.) sur les transactions et les opérations susceptibles de provenir d'une fraude fiscale.
Le second recense toutes les informations relatives aux comptes et aux assurances-vie ouverts en France. Les renseignements qu'ils transmettent permettent de mettre à jour de nombreuses fraudes : manipulations d'espèces, activités occultes ou illicites, donations non taxées, comptes à l'étranger non déclarés.
Le troisième permet de vérifier les déclarations d'impôt sur la fortune immobilière et de croiser les ventes faites par les particuliers.
En outre, les services fiscaux ont obtenu un accès aux données de la douane, de l'Urssaf, ainsi qu'à certaines bases de données en «open source» comme Infogreffe, qui recense les documents légaux des sociétés inscrites au registre du commerce et des sociétés, ce qu'indique le rapport d'information sur la fraude et l'évasion fiscale du Sénat en octobre dernier.

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