L'Oise Agricole 08 janvier 2023 a 10h00 | Par Pierrick Bourgault

Italie, l’autre pays de la gastronomie

La street food italienne bénéficie d’un succès mondial : les pizzas se vendent désormais dans des distributeurs 24 h/24 ! Or, il existe aussi une gastronomie italienne haut de gamme, puissante ambassadrice des produits agricoles et des vins.

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Margherita Sala, sommelière et Emmanuele Tamussi, chef de l’Enoteca (Paris).
Margherita Sala, sommelière et Emmanuele Tamussi, chef de l’Enoteca (Paris). - © P.B.

Toute la planète connaît la pizza, née dans la région de Naples, facile à préparer et bon marché, qui a débuté son essor avec l’arrivée de la tomate. Baptisée en hommage à la reine Marguerite de Savoie (1851-1926), la margherita aux couleurs de l’Italie - basilic vert, mozzarella blanche et tomate rouge - est devenue emblème national et a renversé les frontières. En 2017, le patrimoine mondial de l'Unesco sacre «l'art de fabriquer des pizzas napolitaines artisanales traditionnelles par les pizzaïolos napolitains».

Autre cliché, les pâtes. La cuisine française les sert en triste accompagnement de la viande - haricots verts, frites ou coquillettes - tandis que les chefs italiens en préparent d’innombrables formes, avec des sauces fraîches et des herbes. Mieux qu’une simple garniture, la pasta est un plat.

Historiquement, l’Italie fut un pays pauvre où la mamma d’une famille nombreuse réalisait une cuisine de partage, économique et pratique, à partir de produits de base, locaux et faciles à conserver : la farine, l’huile d’olive, des légumes du jardin, agrémentés d’un peu de viande à la manière d'un condiment. L’art de faire mieux avec moins. La viande grillée reste rare, tel le bistecca alla fiorentina des bourgeois de Florence. L’Italie n’est pas le pays du barbecue comme le Nouveau Monde aux troupeaux infinis.

Des millions de familles émigrèrent vers les usines et les chantiers du nord de l’Europe, vers les Amérique où leur cuisine prit son essor international. Ils ont transmis leurs recettes et leur philosophie alimentaire, sans oublier une esthétique qui ne les quitte jamais - l’histoire de l’art s’apprend tôt à l’école, mais aussi dans les églises, dans les rues anciennes semées de monuments.

Haute cuisine

Contrairement à une certaine cuisine française qui rassemble des produits rares et prestigieux - foie gras, homard, chapon - la gastronomie italienne cherche le raffinement des mets simples, les traditions locales et de qualité. Il n’est pas étonnant que le mouvement Slow Food soit né près de Turin. Le jeune chef Emmanuele Tamussi, originaire de Lombardie, assure avec son second les 80 couverts de l’Enoteca, restaurant intimiste et haut lieu de l’Italie gourmande. En antipasti (avant les pâtes), une jolie fricassée de champignons, crème de parmesan, œuf à 63°C, en accord avec l’automne. Cette recette rappelle que la gastronomie est le meilleur ambassadeur des produits agricoles - ici, le parmesan.

Les spaghettis aux palourdes, ail & persil illustrent bien la différence philosophique avec la cuisine d’Europe du Nord : au lieu d’une marmite de moules frites par convive, le chef utilise toute la puissance aromatique du mollusque, associée à l’ail, pour dresser un plat savoureux et orné de persil.

Autre exemple, tout aussi éloquent : raviolis farcis au potiron, amaretti et guanciale croustillant : Emmanuele Tamussi fabrique lui-même ses pâtes dans le laboratoire situé au sous-sol du restaurant, avec une fraîcheur inégalée et les ingrédients de son choix. Le guanciale, joue de porc salée, est poêlé pour le croustillant qui contraste avec le fondant des raviolis - crémeux et aux notes croquantes subtilement sucrées. Des feuilles de sauge parfument ce plat, saupoudré d’amaretti – biscuit réalisé à base de sucre, de blanc d'œuf, d'amande, parfois utilisé dans les recettes salées à la place du fromage râpé.

Les desserts d’Emmanuele Tamussi méritent le détour : aubergine confite dans un zeste d’agrumes et cannelle, panna cotta infusée au basilic et coulis de fruits rouges. Les tarifs à la carte sont ceux d’une adresse gastronomique (de 26 à 39 € le plat), mais la formule déjeuner avec entrée-plat ou plat-dessert et verre de vin ne coûte que 22 €.

Mets et vins

Margherita Sala, la sommelière, a travaillé dans les vignes d’Italie et y repart souvent : «Je vais voir les vignerons, la propreté de la cave, comment sont traitées les vignes. Je ne vais pas dans les salons, je préfère les échanges, pour transmettre en direct.» Le réchauffement climatique l’inquiète : «C’est la première fois que j’ai vu des raisins brûlés par le soleil, l’été dernier». Comment accorde-t-elle les vins à la gastronomie ? «Le chef peut cuisiner ce qu’il veut, nous avons de 300 à 350 références, et jusqu’à 25.000 bouteilles en stock. L’Enoteca a été élue meilleure cave de vins italiens».

Pour ces appellations et cépages souvent inconnus des Français, Margherita Sala pratique une approche intuitive : «Je demande aux clients s’ils ont une région en tête, celle de leurs vacances, par exemple, qui leur rappelle de bons souvenirs ; il faut faire rêver les gens. Ou alors : quels vins français aimez-vous ? Plutôt fruité, léger, tannique ?»

Lors de ce déjeuner, Margherita Sala a servi en apéritif Anima Rebelle, un Greco di Tufo de Campanie, blanc sec et fruité, un généreux Zabala rouge de Toscane et un Roero de Matteo Correggia (belle expression du cépage rouge nebbiolo). Au verre, 3 blancs de 7 à 10 € et 5 rouges, dont de grands crus tel un Brunello de Montalcino (18 à 20 €). Cette carte change chaque semaine, alternant cépages autochtones et grands crus, selon saisons et menus. La gastronomie est la meilleure ambassadrice des produits agricoles et des vins d’Italie, premier producteur mondial.

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