L'Oise Agricole 31 juillet 2021 a 10h00 | Par Alison Pelotier

«Jardiner ensemble et créer du lien social, la vocation des jardins partagés»

Les jardins partagés ont vu le jour en France le siècle dernier. Ils ont évolué, prenant des formes différentes et répondant à des besoins et objectifs spécifiques selon les projets. Le Passe jardins, centre de ressources et de formation à Lyon (Rhône), accompagne les jardins partagés de la région. Précisions avec Ariane Catala, responsable opérationnelle au sein de l'association.

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Un jardin partagé est un outil de développement social. Quelle que soit sa forme, il permet de passer des temps conviviaux.
Un jardin partagé est un outil de développement social. Quelle que soit sa forme, il permet de passer des temps conviviaux. - © Agence de presse

Quelle est l'origine des jardins partagés en France ?

Ariane Catala : En France, les jardins ouvriers, les précurseurs des jardins partagés, ont vu le jour pendant la révolution industrielle dans les années 1900, sous l'impulsion de leur fondateur, l'abbé Lemire. À cette époque, des lopins de terre sont proposés aux ouvriers pour leur assurer un patrimoine et leur permettre de cultiver des légumes. Lors de la Première, puis de la Seconde guerre mondiale, les besoins alimentaires augmentent et l'apparition des jardins ouvriers explose, permettant aux familles de cultiver ce qu'elles ne trouvaient plus en magasin. Il s'agit de parcelles individuelles familiales regroupées au sein d'un grand espace collectif partagé.

En 1995, avec l'aide de la Fondation de France, un groupe de jardiniers, animateurs sociaux et militants français se rend en Amérique du Nord pour découvrir une nouvelle approche du jardinage qui se veut collective et citoyenne. Ils participent à l'assemblée générale des jardiniers de Montréal. Ici, les jardins ouvriers (community gardens, NDLR) portés par les Green Guerrillas (mouvement militant pour défendre le droit à la terre, NDLR) se sont développés en 1970 en pleine crise économique pour se réapproprier et végétaliser les espaces urbains laissés en friche. De retour à la maison, les Français lancent la charte du Jardin dans tous ses états (JTSE) qui regroupe des valeurs communes de partage et des objectifs tels que la gestion participative des projets, le respect de l'environnement, l'intégration paysagère des jardins et leur animation.

De cette charte émane la création de Passe jardins en 1998. Notre association accompagne les projets de jardins partagés en Aura. On en recense 446 dans la région.

Quels sont les différents types de jardins partagés ?

A.C. : Il existe plusieurs types de jardins partagés. Les jardins familiaux sont des lotissements de parcelles de potagers mises à disposition par une collectivité ou un bailleur social, moyennant une cotisation annuelle. Chaque famille a son petit morceau de terrain, son cabanon, ses outils et cultive pour son loisir et ses besoins dans le respect d'un fonctionnement commun. Par exemple, le jardin de la Balme à Vaulx-en-Velin (Rhône) accueille 27 parcelles individuelles, tout en instaurant des temps conviviaux et le partage d'un composteur. Un collectif d'habitants peut aussi se monter en association pour pouvoir gérer l'espace sur des parcelles collectives et/ou individuelles dans une commune ou un quartier. On retrouve ensuite les jardins d'insertion sociale gérés par un animateur ou une animatrice. Il peut accueillir des foyers sociaux, des institutions médicales ou éducatives, des personnes en difficulté dans un triple objectif : réduire les factures d'achats de nourriture, sortir de l'isolement et retrouver l'estime de soi. Le maraîchage collectif est une autre forme de jardin partagé qui passe par la rémunération d'un maraîcher sur une terre partagée par plusieurs habitants constitués en groupe. Le potager est cultivé par le jardinier avec l'aide des adhérents qui donnent quelques journées par an pour cultiver, récolter et garnir des paniers dont ils bénéficient. Les jardins éphémères ou jardins nomades se pratiquent sur des secteurs en transition urbaine. Ils permettent d'investir la ville de manière temporaire en la «débitumisant» pour créer des jardins de quartier et occuper un espace inutilisé, en attendant la construction d'un projet immobilier. Derrière ce type de jardin, il y a souvent des volontés politiques de création de couloirs de biodiversité. Restent les jardins d'entreprise à destination des salariés et les jardins pédagogiques dans le but d'initier les enfants à l'éducation à l'environnement.

Quelles sont leurs missions ?

A.C. : Un jardin partagé est un outil de développement social. Quelle que soit sa forme, il permet de passer des temps conviviaux. Il apprend la vie en collectif. Comment organise-t-on le travail à plusieurs ? Comment partage-t-on les récoltes ? Comment prend-on des décisions communes ? Tous les jardins partagés n'ont pas d'objectif nourricier, mais apprennent à devenir conscient de l'environnement qui nous entoure. Il y a aussi une question de santé publique car un jardin partagé fait redescendre la température dans les villes et permet d'identifier les sources de pollution en réalisation des analyses d'hydrocarbures et de métaux lourds dans les sols. À chaque fois qu'un jardin partagé s'installe, l'histoire du terrain refait surface et donne souvent accès à de nouvelles informations importantes pour sa pérennisation. Parfois, nous partons d'une friche ou d'un lieu où nous allons devoir prévoir de gros travaux avant de mettre en place le jardin. C'est le cas d'un jardin à Rillieux-la-Pape (Rhône) construit à la place d'un ancien stade de foot.

De quelle manière Passe jardins accompagne-t-il les porteurs de projet ?

A.C. : On accompagne les porteurs de projets dans la conception de leur jardin selon leurs propres envies et objectifs. Nous ne donnons pas de projet clé en main, mais nous imaginons ensemble ce qu'il va être possible de planter et de récolter chaque année, quels temps collectifs nous pourrions mettre en place, quels acteurs nous pourrions associer, quels outils il va falloir prévoir... Nous les sensibilisons aussi à une notion très importante, le fondement même des jardins partagés : le terrain reste un bien commun. Quand un adhérent/bénévole impliqué dans un jardin partagé est présent sur son site, le portail reste ouvert, tout le monde peut y rentrer. Ces espaces partagés doivent pouvoir profiter à tous, sans appropriation personnelle de terrain. Évidemment, chaque collectif établit son propre règlement intérieur pour se protéger d'éventuelle dégradation inopinée. La règle de base reste néanmoins que ce lieu soit un espace de partage et de lien social, ouvert à tous.

 

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