L’impatience monte chez les ONG
Il faudra attendre «novembre ou décembre» pour que le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume fasse ses annonces sur la castration, la caudectomie et le broyage des poussins. Un nouveau report qui agace et inquiète les ONG «welfaristes», qui l’ont rencontré le 29 octobre.
«La lassitude est en train de tourner à l’énervement.» C’est par ces mots que Frédéric Freund, directeur de l’OEuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir (OABA), résume le sentiment général chez les ONG après le nouveau report des annonces de Didier Guillaume sur le bien-être animal. Des annonces attendues depuis la fin de l’été et maintes fois décalées : le 30 octobre, au micro de France Inter, le ministre de l’Agriculture a finalement évoqué la période de «novembre ou décembre».
La veille, M. Guillaume avait reçu une dizaine d’ONG «welfaristes». L’occasion de leur confirmer les sujets posés sur la table : l’arrêt de la caudectomie (ablation de la queue) et de la castration à vif pour les porcs, ainsi que la fin du broyage des poussins. Mais pour ce qui est du calendrier, c’est une autre histoire. Sur Twitter, la Fondation 30 millions d’amis résume ainsi la rencontre avec Didier Guillaume: «J’avais promis de vous recevoir, donc vous êtes là. Mais vous allez être frustrés, je ne ferai des annonces qu’en novembre.» «Circulez, y a rien à voir...», conclut l’association, amère. Didier Guillaume n’est «pas le maître du temps», estime Frédéric Freund, qui évoque d’autres annonces d’Élisabeth Borne (Transition écologique) sur le bien-être animal, notamment dans les delphinariums. «On ne sait pas encore comment cela va s’articuler, s’il y aura une annonce par ministère ou une annonce commune faite par le Premier ministre, ce n’est pas encore calé», explique-t-il.
Castration : vers une «prise en charge de la douleur»
Autre explication possible au retard pris par les travaux : des discussions avec les professionnels qui s’éternisent. «C’est un peu tendu avec les professionnels du porc», explique M. Freund. D’après les ONG contactées par Agra Presse, la réunion du 29 octobre tenait plus du dialogue et de l’information que d’une réelle concertation. Didier Guillaume «avance avec les filières, pas avec les ONG», résume-t-on à l’OABA.
De son côté, Agathe Gignoux, chargée des affaires publiques chez CIWF France, trouve «regrettable que le ministre n’intègre pas les ONG comme parties prenantes des décisions publiques». En promettant depuis des mois des «annonces comme il n’y en a jamais eu», Didier Guillaume prend le risque de susciter autant de déception qu’il y aura eu d’attentes. Car la nature même des mesures à venir pourrait créer la déception.
«La castration à vif des porcelets, dans les mois qui viennent, ça va être terminé parce que le gouvernement va prendre des décisions», a-t-il encore lancé sur France Inter. «On s’oriente vers l’anesthésie ou l’analgésie obligatoire», explique Frédéric Freund. «Mais les éleveurs pourront-ils réaliser ces opérations? Aujourd’hui, juridiquement, ils ne le peuvent pas.» Même flou sur la caudectomie: «La réglementation nationale interdit la caudectomie de routine, mais le texte n’est pas appliqué et ça fait 20 ans que cette pratique est utilisée en routine.» Bref, pour l’OABA, «ces annonces entraînent plus de questions qu’autre chose et le ministre n’a pas toutes les réponses.»
«Reniement» d’un engagement de campagne
Pour le CIWF, les mesures envisagées ne vont pas assez loin. «Le ministre envisage plutôt une prise en charge de la douleur. Ce n’est pas suffisant, tranche Agathe Gignoux. On peut tout à fait se passer de castration.» Son association milite notamment pour l’étiquetage du mode de production et pour l’interdiction de vente des oeufs issus de poules en cage. Concernant ce second point, «en l’état actuel, il ne semble pas en être question. Ce n’est pas une surprise, mais c’est une énorme déception et un reniement de l’engagement du président de la République.»
Encore candidat, Emmanuel Macron s’était engagé sur Twitter le 9 février 2017 à «interdire d’ici 2022 de vendre des oeufs de poules élevées en batterie». Pour Agathe Gignoux, ces sujets pourraient être «renvoyés à un travail parlementaire», en référence à la proposition de loi sur laquelle travaille le groupe LREM, car le gouvernement «n’assume pas cette position». Pourtant, affirme-t-elle, «le marché est prêt, il y a une demande forte.»
Malgré leur impatience, les ONG affichent une satisfaction de voir avancer le dossier du bien-être animal. «On se réjouit que le ministre travaille enfin sur ce sujet, reconnaît Agathe Gignoux. ça fait deux ans et demi qu’on attend ça.» «Nous voyons le ministre tous les sept mois, explique Frédéric Freund. Il y a du progrès: avec ses prédécesseurs, c’était jamais.»
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