L'Oise Agricole 22 septembre 2019 a 12h00 | Par Etienne Grosjean

«La meilleure option pour le consommateur, c’est le bas carbone d’ici»

Le Gaec de la Croix Pomiers, à Saint-Martin-du-Mont, fait partie des trois exploitations pilotes du département de l’Ain qui ont réalisé leur bilan carbone et dégagé des axes de progression. Une expérience enrichissante pour pourrait bien se généraliser. Reportage.

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Florian Vieudrin, l’un des associés au Gaec de la Croix Pomiers, à Saint-Martin-du-Mont dans l’Ain s’est engagé à réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre de son exploitation d’ici 2025.
Florian Vieudrin, l’un des associés au Gaec de la Croix Pomiers, à Saint-Martin-du-Mont dans l’Ain s’est engagé à réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre de son exploitation d’ici 2025. - © Etienne Grosjean

A l’entrée du Gaec de la Croix Pomiers (voir encadré), au pied de la côte de Saint-Martin-du-Mont (Ain), un panneau trône à la vue des visiteurs. Ils peuvent y lire, entre autres, que cette exploitation participe au plan «Ferme laitière bas carbone», qui suppose l’engagement de réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre de l’exploitation d’ici 2025. L’aboutissement d’un travail de longue haleine, qui s’inscrit dans le cadre du projet Life Carbon Dairy. Un ambitieux programme de diagnostic et d’amélioration du bilan carbone des exploitations laitières, conduit dans six régions de France, dont Auvergne-Rhône-Alpes, où dix fermes pilote ont été suivies. Dans l’Ain, trois exploitations se sont portées volontaires pour cette expérience supervisée par l’Institut de l’élevage. Anne Blondel, ingénieure d’Acsel Conseil Elevage, référente régionale de la Fidocl* explique : «Il s’agissait d’analyser 4000 exploitations laitières de France, pour évaluer leurs émissions de carbone sur quatre ans et comparer les impacts environnementaux des différents systèmes. Acsel Conseil Élevage avait la charge de réaliser les diagnostics, de 2013 à 2017, grâce à l’outil Cap’2ER. Ces diagnostics permettent ensuite d’échafauder un programme d’amélioration des pratiques. Nous avons suivi 10 fermes qui peuvent nous servir d’exemple de mise en place de techniques innovantes.»

«On ne savait pas comment se situer»

Incité par son conseiller d’élevage, Florian Vieudrin, un des associés du Gaec, s’est investi à fond dans ce projet. «C’est un sujet sur lequel l’élevage est souvent pointé du doigt. Cela me paraissait intéressant d’essayer d’une part de calculer la quantité de carbone qu’émet notre exploitation ; d’autre part les quantités que l’on stocke pour pouvoir connaître notre réel bilan… J’avais aussi la curiosité de comprendre comment ce travail allait nous permettre de réfléchir globalement à notre fonctionnement et pas qu’en termes techniques». Les résultats de l’étude, qui suppose d’analyser des données chiffrées précises, (bilans comptables, ETP, répartition de la SAU, pratiques d’élevage…) ont confirmé la relative efficience du Gaec en la matière. «Le bilan s’exprime sous forme de kg de CO2 généré par litre de lait. Le bilan carbone net de notre exploitation est 0,6 eq CO2, là où la moyenne est comprise entre 0,9 et 1. C’est une bonne surprise, parce qu’on ne savait pas comment se situer.» Dans le détail, 50% des émissions est le fait de la présence des animaux sur l’exploitation. L’essentiel du stockage de carbone est garanti par la présence de prairies naturelles et de haies.

Agronomie, assolement, gestion du cheptel

Mais l’intérêt du diagnostic dépasse une simple soustraction. «Par exemple, on voit que la bonne gestion des assolements, qui permet de limiter l’apport d’intrants, a un impact très important. Le choix des couverts végétaux aussi.» Dans le cas du Gaec de la Croix Pomiers, basé sur un système essentiellement herbager, l’essentiel des points d’amélioration réside plus dans la conduite du troupeau que dans celle des cultures. «Un des sujets qui revient, c’est le temps de présence improductif des animaux. Cela peut vraiment grever un bilan. Dans notre cas, on a défini comme points d’amélioration de travailler sur l’âge du premier vêlage des génisses, les durées de tarissement, tout en gardant à l’œil l’importance de l’autonomie alimentaire et protéique de notre exploitation. En toile de fond, ce qui prévaut, c’est le nombre de litre de lait par jour de vie».

Un cercle vertueux qui lie l’environnemental et l’économique

L’analyse croisée des résultats est formelle, confirme Anne Blondel. «Plus le système est techniquement bien géré et autonome, meilleurs sont les bilans… On s’aperçoit aussi qu’il existe une corrélation entre le bilan carbone des fermes et les performances économiques du cheptel.» Un argument fort contre les réticences. «Parce que travailler sur le bilan carbone va permettre de mettre en valeur des points d’amélioration, qui, au final, vont se traduire par un impact économique sur le bilan de l’entreprise.» En clair : l’amélioration du bilan de carbone passe une conduite d’exploitation plus pointue, qui va permettre de dégager davantage de marge. Autre leçon de cette première expérience à grande échelle. «Il n’y a pas un système vertueux et d’autres qui ne le seraient pas. Quels que soient les systèmes, le lien entre émission de carbone et rentabilité ressort. On voit aussi que chaque système a des possibilités pour stocker et des améliorations possibles», note Florian Vieudrin. «Vous pouvez avoir des fermes qui émettent de grosses quantités de carbone, mais qui, dans le même temps, en stockent aussi beaucoup.»

Quelle valorisation possible ?

Ces bilans sont amenés à se généraliser dans les fermes laitières estime Anne Blondel. Et à s’étendre, dans un deuxième temps, aux exploitations en bovins allaitants et en chèvres laitières. Au-delà du levier de communication positive qu’offre cette expérience pour les fermes pilotes, «qui nous permet de montrer au grand public, chiffres à l’appui, qu’on ne faisait déjà pas si mal», comme l’analyse Florian, le «bilan carbone» pourrait bien, à l’avenir, discriminer des produits comparables dans les étals. «On commence à voir des transformateurs s’y intéresser et chercher à valoriser la minimisation de l’impact carbone auprès des consommateurs. C’est par exemple le cas de Danone.» De là à penser qu’un logo bas carbone deviendra demain, le sésame indispensable pour accéder aux grands marchés, il n’y a peut-être qu’un pas. Florian Vieudrin, s’interroge : «Est-ce qu’à l’avenir, nos produits ne serons pas vendus sur des critères environnementaux comme le bas carbone ? C’est une éventualité. J’espère déjà contribuer à faire prendre conscience au consommateur de la responsabilité qu’il porte quand il fait ses achats, et lui démontrer que la meilleure option, c’est le bas carbone d’ici.»

* FIDOCL : Fédération interdépartementale des entreprises de conseil élevage du Sud-Est.
En savoir plus: http://www.carbon-dairy.fr/

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