L'Oise Agricole 29 octobre 2020 a 09h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé, Dorian Alinaghi

Le débat sur le foncier inachevé à cause du couvre-feu

C’est contraint par le couvre-feu de 21 heures dans l’Oise que s’est déroulé le débat régional sur la Pac autour de l’accès au foncier lors de l’installation, limitant les échanges autour d’un sujet qui aurait dû amener plus de propositions.

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La soixantaine de participants a dû travailler en groupes autour de propositions pour améliorer la transmission et l’installation.
La soixantaine de participants a dû travailler en groupes autour de propositions pour améliorer la transmission et l’installation. - © Dominique Lapeyre-Cave

Les membres de la Commission nationale du débat public et notamment sa vice-présidente et animatrice du débat de ce lundi 26 octobre, Ilaria Casillo, ont dû s’adapter rapidement à un contexte sanitaire qui a amputé le débat, frustrant sans doute la soixantaine de participants réunis à la maladrerie Saint-Lazare de Beauvais. Parmi eux, beaucoup d’agriculteurs, des responsables syndicaux régionaux, FDSEA, Coordination rurale et Confédération paysanne, et des salariés d’organisations ou d’administrations en lien avec l’agriculture.

Le débat était organisé en quatre temps. D’abord, une présentation de l’installation et de la problématique foncière au travers des interventions de Thierry Dupeuble, directeur adjoint de la Draaf Hauts-de-France, de Bertrand Coly, membre du Conseil économique social et environnemental (Cese) où il représente le MRJC (Mouvement rural de la jeunesse chrétienne), d’Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, et de Rémi Duponchel, jeune installé. Le constat était ainsi dressé du vieillissement de la population agricole, du taux de renouvellement qui n’est que de 70 %, de l’augmentation des installations en bio et de la nécessité de réussir son installation, d’avoir les compétences et la possibilité d’acquérir les moyens de productions. Bien que l’installation soit très encadrée, force est de constater que les outils peinent parfois à jouer leur rôle, qu’il est difficile de trouver des financements et que de nouveaux dispositifs pourraient être mis en place. Une grande loi foncière, protégeant les terres agricoles et permettant le contrôle des cessions de parts d’exploitations sous forme sociétaire, est attendue afin d’installer plus de jeunes.

Ensuite, les participants, répartis autour d’une dizaine de tables, devaient choisir parmi les propositions d’amélioration émises par le Cese ou issues de la plateforme internet, celles qui leur paraissaient les plus opportunes. Parmi celles-ci : relever les retraites à 85 % du Smic, supprimer les aides Pac au delà de 70 ans, favoriser le droit à l’essai, doubler le volet «nouvel installé» de la Pac, mieux encadrer les permis de construire...

Enfin, chaque table était invitée à faire de nouvelles propositions et à en échanger. Par exemple : créer un fonds de garantie pour les jeunes installés, plus d’abattements fiscaux pour ceux qui transmettent à un jeune, soutenir l’installation progressive, inciter les propriétaires à vendre à des jeunes, remettre en place des dispositifs qui ont été abandonnés comme le Pidil, plafonner les aides Pac... Le statut de l’agriculteur professionnel a aussi été évoqué pour avoir de véritables agriculteurs et pas seulement des porteurs de parts sociales.

Au final, peu de temps pour confronter ces idées et des participants parfois frustrés. «On était hors sujet avec la Pac et le foncier et on n’a pas abordé le fait qu’un agriculteur est d’abord un chef d’entreprise», déplore Charlotte Vassant, secrétaire générale de l’Usa de l’Aisne. Édouard Brunet, président de JA HDF, regrette que l’on en soit resté à des généralités, «mais qui étaient compréhensibles pour ma voisine de table, une personne hors du monde agricole.» Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, trouve important que les agriculteurs aient été présents à ce rendez-vous, «même si on n’a pas attendu, au sein de la FNSEA et de JA, ce débat pour réfléchir à l’installation. Il était bien de rappeler que la Pac, ce ne sont pas que des aides, mais aussi une contribution à l’installation et à la souveraineté alimentaire». Enfin, Denis Bully, président de la FDSEA 80, devant la complexité du sujet, insiste sur la nécessité d’un volet social dans la Pac pour accompagner les projets d’installation «qui remettent de la valeur ajoutée dans les territoires.»

La vice-présidente de la CNDP s’est engagée à mettre en ligne dans les deux mois un compte-rendu neutre avec l’intégralité du débat de ce jour consigné.

- © D.

«Il n’y a pas une, mais des agricultures»

Après avoir été suspendu en raison de la crise sanitaire, le débat Impactons a repris le 1er septembre avec la réouverture de la plateforme participative. Les débats sur le terrain ont repris le 26 octobre en soirée à Beauvais (voir ci-dessus).

Dans l’après-midi, sur l’exploitation de Pascal Foucault, à Songeons, la FDSEA 60 et les Jeunes Agriculteurs de l’Oise ont accueilli les membres de la Commission nationale des débats publics, histoire de faire passer quelques messages. «Nous sommes ouverts à toutes les discussions, notre métier se modélise en fonction des demandes sociétales, mais il nous faut des règles strictes et carrées pour que l’on puisse bien faire notre métier» explique Gwenaelle Desrumaux, présidente des Jeunes Agriculteurs de l’Oise.

L’agriculture, ce sont des producteurs, des produits, des marchés, des consommateurs, mais aussi des formations spécifiques, des appareils connectés, du matériel agricole de pointe, des nouvelles semences, de nouveaux services numériques, de la génétique… Mais les problématiques sont nombreuses. «Le niveau de revenu des agriculteurs constitue un réel enjeu pour la profession. Il peut varier considérablement en fonction des filières et des territoires et dépend beaucoup de la volatilité des prix, tout comme de la chaîne de valeur agroalimentaire. Sans parler du changement climatique, nous subissons des distorsions de concurrence avec les pays européens, c’est très difficile d’être agriculteur aujourd’hui», souligne Pascal Foucault.

Le débat public engagé autour de la Pac est un dispositif de démocratie participative et délibérative en amont des décisions. Et les agriculteurs souhaitent le «bien vivre ensemble» et «vivre en harmonie avec leurs voisins». Pour preuve, en 2017 dans l’Oise, une charte de bon voisinage a été signée, permettant à la profession agricole et à l’ensemble des acteurs du monde rural de mieux se connaître afin de mieux se comprendre pour mieux se respecter.

«Grandes exploitations, petites fermes, production conventionnelle, agriculture biologique, à Haute valeur environnementale (HVE), agriculture raisonnée, agriculture intensive, agriculture extensive, agriculture durable, agriculture de conservation, agro-écologie, permaculture… chaque type de production (laitière, bovine, maraîchère, etc.) a sa particularité, ses dynamiques, ses contraintes, ses territoires, ses impacts mais elles forment cette belle complémentarité en France. Nous devons communiquer là-dessus et ce genre de débat public permet d’informer le grand public», ajoute Régis Desrumaux, président de la FDSEA 60 à l’attention d’Ilaria Casillo, vice-présidente de la CNDP.

Le débat sur la Pac

Le débat public est une procédure du Code de l’environnement qui permet la participation de tous au processus d’élaboration d’une politique publique à forts enjeux. C’est la première fois que le sujet de la Pac est ouvert aux citoyens au travers quatre espaces de débat :

- débat en un clic sur : jeparticipe.impactons.debatpublic.fr

- assemblée citoyenne sur l’agriculture qui s’est réunie en septembre : 140 citoyennes et citoyens ont débattu à partir d’informations objectives qui leur ont été données

- débats publics dans chaque région de France sur des thèmes différents, dont le foncier à Beauvais

- kit de débat maison téléchageable sur le site impactons.debatpublic.fr.

Pour rappel, la Commision nationale du débat public est une autorité indépendante et neutre qui recueille le point de vue des citoyens et fait émerger leurs interrogations sur les projets ou politiques publiques impactant leur vie ou leur environnement.

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