Le préfet de région à l'écoute des demandes syndicales
La Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles (FRSEA) des Hauts-de-France a organisé une rencontre sur le terrain avec le préfet de région, Georges-François Leclerc, et les services régionaux.
C'est Pascal Foucault, éleveur laitier à Songeons, qui a accueilli l'imposante délégation sur sa ferme. Le directeur de la Draaf, Björn Desmet, ses adjoints, Jean-Michel Poirson et Michel Guillou, mais aussi le président de la fédération régionale des MFR, Guy Martelle, et pour les services de l'État dans l'Oise, la préfète, Corinne Orzechowski, Claude Soulier, directeur de la DDT, et Agnès Cochu, cheffe du service Économie agricole, avaient chaussé les bottes pour la circonstance.
En face, la FRSEA Hauts-de-France alignait une équipe presque complète avec Laurent Degenne, le président, Charlotte Vassant, présidente de l'Usa (Union des Syndicats agricoles) de l'Aisne, Jean-Christophe Rufin, secrétaire général de la FRSEA. Les Jeunes Agriculteurs étaient en renfort avec Édouard Brunet, Fabien Housez, Gwenaëlle Desrumaux, Guillaume Clop et Luc Smessaert représentait la FNSEA. Côté invités, Olivier Dauger, président de la Chambre régionale, Denis Pype, conseiller régional, Martine Borgoo, conseillère départementale, Fabienne Cuvelier, présidente de la communauté de communes de la Picardie Verte et Jean-Claude Baguet, maire de Songeons.
Préserver la SAU
Dès son arrivée, Georges-François Leclerc a voulu rassurer les représentants agricoles quant à la nécessité de protéger le foncier agricole, particulièrement soumis à la pression foncière dans le Nord et le Pas-de-Calais. «Je me bats par conviction et, à chaque projet qui prive l'agriculture de terres, je me pose la question de la balance des intérêts. Oui pour un projet d'intérêt général qui bénéficiera au plus grand nombre, comme un équipement collectif. Non à un projet particulier», assure-t-il. Les préfectures contrôlent les documents d'urbanisme et c'est à ce titre qu'elles peuvent mettre en oeuvre le zéro artificialisation des terres agricoles. Mais les surfaces préservées ne suffisent pas, encore faut-il qu'elles aient une valeur économique. «L'élevage est une pratique vertueuse en terme de séquestration carbone mais si des exploitants arrêtent le lait, ce sont aussi les outils de transformation qui vont quitter la région, craint Laurent Degenne. Il faut que l'administration nous aide si nous voulons garder cette richesse. Aidez-nous sur le dossier prairies, sur le chargement pour la Pac 2023, sur les cahiers des charges des MAE pour que les éleveurs puissent y souscrire.» Le préfet se veut rassurant sur cet aspect qu'il n'avait pas totalement appréhendé, annonce-t-il.
Sur le sujet des panneaux photovoltaïques sur bâtiments agricoles dont la rentabilité dépend de la distance au poste de raccordement, le préfet se dit prêt à trouver un budget qui puisse permettre de baisser les coûts de raccordement et donc d'installer plus de panneaux dans les fermes. «Par contre, pas d'aide à mettre pour des panneaux qui seraient au sol», prévient-il.
Autre dossier, et pas des moindres, les ZNT (zones de non traitement) et l'obligation de prévenir les riverains lors d'un traitement. «Je plaide pour une information loyale et collective et surtout montante. C'est-à-dire que les voisins doivent pouvoir trouver en ligne les plans des parcelles agricoles qui les jouxtent, les cultures qui y sont pratiquées et l'itinéraire technique envisagé. C'est à eux d'aller chercher l'information. J'ai demandé aux Chambres d'agriculture de proposer une application sur leur site internet qui puisse mettre à disposition ces informations. Avec le gyrophare allumé sur le tracteur pendant les interventions, cela devrait satisfaire toutes les parties. Personne ne met en cause les chartes départementales qui ont été bâties collectivement de façon intelligente. Tout ne dépend de la préfecture, mais c'est dans cette direction qu'il serait bien d'aller», affirme le préfet. De quoi rassurer les représentants agricoles qui ont calculé qu'un mètre de ZNT, ce sont 1.000 ha en moins à cultiver dans un département en moyenne, et 10.000 ha pour une ZNT de 10 mètres. Un sacré manque à gagner, doublé d'un gaspillage !
Contrôles Cipan-SIE
Les représentants agricoles voulaient aussi trouver avec les services régionaux des modes de fonctionnement pour faire avancer les dossiers en cours, notamment les sujets qui fâchent. Parmi ceux-ci, les contrôles Cipan-SIE qui bloquent le versement des aides à des agriculteurs qui se retrouvent en difficulté. «Nous défendons auprès de vous des exploitants qui ont bien fait leur travail d'implantation des couverts, mais dont la levée a été pénalisée par les conditions météorologiques de la fin d'été. D'un côté, les exploitants mettent des moyens et c'est seulement ce que demande la réglementation européenne. De l'autre, des contrôleurs qui viennent juger d'un résultat qui, s'il n'est pas probant, entraîne une pénalisation», détaille Laurent Degenne. Charlotte Vassant rappelle tous les documents que doivent fournir les contrôlés : photos, factures, constats d'huissier... en vain. «Ces refus de l'administration créent un malaise chez les exploitants.»
Björn Desmet, le Draaf, convient qu'il faudra trouver un compromis pour les dossiers 2021 comme il en a été trouvé un pour ceux de 2020 : «nous devons continuer notre dialogue entre Draaf, DDT, ASP et responsables syndicaux tout en apportant des preuves de la bonne volonté des exploitants». «C'est exactement ce que nous demandons : de la fluidité, pour une méthode de travail plus efficace. Nous voulons refaire des réunions de concertation sur ces contrôles», rebondit Laurent Degenne. Une rencontre qui aura permis de trouver des points de convergence et d'afficher une volonté commune. À suivre.
L'élevage laitier en sursis ?
Pascal Foucault a largement insisté sur la problématique de l'élevage laitier dans le secteur de la Picardie verte. «Ces dernières années, quatre de mes voisins ont arrêté et je ne suis pas sûr qu'il y ait encore des vaches sur ma ferme dans trois ans. Si on ne nous aide pas à valoriser les prairies,cela va devenir impossible entre Danone qui nous donnera ce qu'il voudra quand il aura fini ses négociations avec la grande distribution, l'augmentation récente des charges, la contrainte administrative qui est une véritable charge mentale. Comment donner envie aux jeunes de continuer dans ces conditions ?», expose l'éleveur.
Même inquiétude pour Édouard Brunet, jeune éleveur de la Somme, qui se demande s'il poursuivra derrière ses parents, «usés par le travail et qui n'ont jamais pris de vacances de leur vie».
La mise sous cloche des prairies permanentes signe l'arrêt de l'élevage pour beaucoup et l'empêchement de nombreux projets. «Monsieur le préfet, protéger la SAU, c'est bien. Mais redonner de la valeur économique aux herbages est nécessaire pour que les éleveurs continuent à se tuer au travail. Danone me paie le lait à l'équivalent de 7 euros de l'heure, 5 euros à certains producteurs, c'est inadmissible.»
Georges-François Leclerc reconnaît qu'attendre la fin des négociations avec la grande distribution pour payer les éleveurs est contraire à l'esprit de la loi Égalim 2 qui promeut la construction du prix en marche avant. De même, il sait bien l'intérêt de garder des herbages dans les Hauts-de-France à des fins de séquestration du carbone.
Pascal Foucault et les responsables syndicaux pointent également la future Pac 2023 et les éco-régimes qui conditionnent les aides à un chargement en deça de 1,4 UGB/ha. «Les exploitations laitières des Hauts-de-France sont souvent au delà car nous avons la chance d'avoir des prairies productives. Il faut que les cultures fourragères soient prises en compte dans le calcul du chargement car les surfaces en prairies permanentes sont faibles dans la région», plaident les élus de la FRSEA. Un argument entendu par les représentants de l'État.
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