L'Oise Agricole 21 décembre 2022 a 10h00 | Par Alix Pénichou

Les prix en hausse pour 2023 suffiront-ils à contenir l'hémorragie des surfaces?

Lors de l'assemblée générale de la Coopérative féculière de Vecquemont, ce 14 décembre, le groupe Roquette a annoncé ses prix pour 2023, qui équivalent à 120 EUR/t tout compris. Malgré cette hausse, les planteurs grognent. Ils estiment cette culture peu rentable.

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De dr. à g., Gwénolé Pasco et Patrick Poret, responsable des approvisionnements et directeur de l'usine Roquette,
présentaient leurs nouveaux prix 2023 à la coopérative féculière de Vecquemont (Olivier Brasset, son président,
et Bruno Poutrain, son directeur).
De dr. à g., Gwénolé Pasco et Patrick Poret, responsable des approvisionnements et directeur de l'usine Roquette, présentaient leurs nouveaux prix 2023 à la coopérative féculière de Vecquemont (Olivier Brasset, son président, et Bruno Poutrain, son directeur). - © AP

Avec l'annonce d'un prix toutes primes confondues de 120 EUR/t en 2023, les dirigeants de l'usine Roquette de Vecquemont espèrent contenter les planteurs de la Coopérative féculière de Vecquemont, réunis en nombre lors de l'assemblée générale du 14 décembre, à Salouël. L'ambiance est pourtant orageuse. Il faut dire que les planteurs cumulent les déceptions depuis quelques années, entre mauvais rendements et petits prix.

«En 2021, le rendement moyen frôlait les 50 t/ha, avec une rémunération totale de 70,60 EUR/t. Le chiffre d'affaires à l'hectare, de 3 486 EUR, s'est maintenu malgré une baisse de prix grâce à des rendements corrects. On remarque cependant de gros écarts de prix, suivant les bonus», résume Camille Deraeve, vice-président de la coopérative. 13 000 ha étaient emblavés en 2022, soit 1 000 ha de moins qu'en 2021. La fécule souffre de cultures plus alléchantes en termes de revenus.

Et ce n'est pas 2022, année particulièrement chaude et sèche, qui inversera la tendance. «On atteint à peine 40 t/ha. C'est le plus mauvais rendement français depuis 2001. Entre 2015 et 2020, on a perdu 20 % de rendement», regrette Olivier Brasset, le président. Ce faible volume, multiplié par un prix de 83 EUR/t (+ 2 EUR de prime journalière), ne joue pas en la faveur des pommes de terre fécule. «On craint une sérieuse baisse des surfaces encore cette année. Pourtant, son maintien est un enjeu pour la pérennité de la filière. Sans volume suffisant, l'usine ne sera plus rentable.»

Cette année, la campagne industrielle ne devrait pas dépasser neuf semaines, avec un arrêt de l'usine prévu entre le 30 décembre et le 2 janvier. Pour motiver les troupes, l'usine Roquette fait donc «des efforts». «En juin, on vous a annoncé un prix de base en hausse, à 85 EUR/ha, auquel s'ajoute une prime à l'hectare de 200 EUR/t et une prime de durabilité de 50 EUR/ha pour les exploitations certifiées HVE2. Mais on se rend compte, dans le contexte actuel, que ce prix n'est plus cohérent. On vous présente donc aujourd'hui un nouveau prix», présente Gwénolé Pasco, responsable des approvisionnements de l'usine. Le prix est construit comme tel : 102 EUR/t de prix de base, 200 EUR/ha de prime (soit environ 5 EUR/t), une prime de durabilité de 50 EUR/ha pour les exploitations certifiées HVE2, une prime de fidélité (basée sur le respect de l'engagement en termes de surfaces sur trois ans) de 200 EUR/ha, soit 111 EUR/t. «Avec les bonus 7,65 % de tare et la participation au transport, pour un rendement de 50 t/ha, cela reviendrait au total à 120 EUR/t», calcule Olivier Brasset.

Maintenir l'outil en place

«On espère que ces prix vont vous permettre de vivre correctement de cette production, et de pérenniser la filière. Car notre souhait est de maintenir l'outil industriel en place et même de le développer. Mais cela ne pourra pas se faire sans vous», confie Patrick Poret, directeur de l'usine. Un discours que les planteurs ont du mal à avaler. «Malgré les efforts, l'hémorragie va se poursuivre», lance un coopérateur. «On est sollicité de partout pour produire de la pomme de terre d'industrie à 175 EUR/t. J'ai fait le calcul. 2 500 EUR de marge brute à l'hectare de plus qu'en fécule. Vous n'aurez plus personne !», un autre.

«Quid de l'indemnisation du stockage ? Les 4 EUR/t que vous nous donnez ne permettent même pas de couvrir les charges», pointe un stockeur. Le groupe préfère de son côté «valoriser les prix» et non le stockage, aujourd'hui, peu utile en raison d'une campagne courte. «C'est la politique tenue le temps de passer la crise, puis repartir plus sereinement», justifie Gwénolé Pasco. «Mais quand vous aurez à nouveau besoin de nous, stockeurs, nous serons partis ailleurs», regrettent les planteurs. Enfin, ceux-ci soulèvent un manque de communication certain, d'encadrement technique et d'organisation dans les plannings d'enlèvement. Geoffroy d'Évry, président de l'UNPT (Union nationale des producteurs de pommes de terre), présent à l'AG, espérait tout haut «que ce prix annoncé aujourd'hui soit une base de travail et non une finalité» et souhaitait des négociations avec les producteurs. Ce à quoi les dirigeants de l'usine ont répondu par le silence

En congrès, le GIPT très insatisfait de l'action de Marc Fesneau

«Je ne peux que déplorer que le ministre de l'Agriculture ne soit pas là pour nous annoncer une bonne nouvelle», a déclaré Arnaud Delacour, le président du GIPT (interprofession de la pomme de terre), à l'occasion de son assemblée générale le 9 décembre. Depuis un an, les différentes organisations professionnelles de la filière «alertent» le gouvernement sur leurs difficultés, notamment les effets des sécheresses sur les rendements de cette culture très rarement irriguée. Dernière difficulté en date : la concurrence des autres grandes cultures, qui menacent d'entamer les surfaces implantées et de mettre en difficulté les outils industriels. Les professionnels demandent en particulier une aide couplée à 400 EUR/ha pour «passer le cap», a expliqué la vice-présidente du GIPT, Marie-Laure Empinet (Roquette).

«Les surfaces prévisionnelles pour l'an prochain sont en chute, autour de 16 000 ha, contre environ 20 000 ha cette année. C'est complètement insuffisant», glisse à Agra Presse le président de la coopérative de Vecquemont, Olivier Brasset. Au-delà de ces frustrations, les professionnels déplorent des soutiens publics contre la flambée de l'énergie mal calibrés pour la filière.

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