L'Oise Agricole 23 décembre 2020 a 16h00 | Par M.R.

Quelques piques dans un rapport réconfortant

Dans un rapport présenté à l’Assemblée nationale le 16 décembre, plusieurs députés, dont l’ancien ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, confortent le rôle des chambres d’agriculture – dont celui de l’échelon départemental – mais proposent de réviser la gouvernance, les conditions salariales et la distribution des financements du réseau.

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Remise à l’Assemblée Nationale du rapport sur les chambres d’agriculture
et leur financement par ses co-rapporteurs, Stéphane Travert et Marie-Christine Verdier-Jouclas.
Remise à l’Assemblée Nationale du rapport sur les chambres d’agriculture et leur financement par ses co-rapporteurs, Stéphane Travert et Marie-Christine Verdier-Jouclas. - © Stéphane Travert - Twitter

Après plusieurs mois de travaux lancés alors que le réseau consulaire était menacé de restrictions budgétaires, les députés de la mission d’information sur les chambres d’agriculture ont présenté, le 16 décembre, leurs trente propositions en commission des Finances. Certes attendues, les premières recommandations vont dans le sens du réseau : elles portent sur le budget que les députés souhaitent voir «sanctuarisé», et sur la régionalisation, qu’ils souhaitent à géométrie variable. «Il faut tenir compte des spécificités régionales», a plaidé le président de la mission, Jean-Pierre Vigier (LR). «Les fonctions métiers doivent rester proches des agriculteurs, ce qui ne veut pas dire que la régionalisation soit dénuée d’intérêt», étaye la co-rapporteure, Marie-Christine Verdier-Jouclas (LREM).

Mais plusieurs de leurs propositions sont plus piquantes pour le réseau. Les députés recommandent notamment «d’ouvrir une discussion sur le mode de scrutin et les collèges des chambres d’agriculture», afin d’en «raviver la gouvernance démocratique», a expliqué son co-rapporteur Stéphane Travert (LREM). L’ancien ministre de l’Agriculture constate que «la composition des collèges fait la part belle aux agriculteurs» et que le mode de scrutin «favorise la sur-représentation de la liste syndicale arrivée en tête». Il propose d’«associer davantage la société civile au délibéré» et d’«ouvrir les travaux du bureau aux organisations minoritaires». Par ailleurs, constatant la faible part de femmes présidentes de chambre (8 %), il demande au réseau de «renforcer significativement ses efforts pour atteindre la parité».

L’APCA ouverte à un «comité des parties prenantes»

Réagissant à ces propositions, le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), Sébastien Windsor se dit ouvert à la création d’un comité des parties prenantes, incluant des ONG ou des entreprises de l’aval, d’abord au niveau national, puis aux échelons plus locaux. Mais il se dit toutefois opposé à leur intégration dans les sessions de chambres, pour «éviter les effets de tribune» et préserver leur rôle de «gouvernance et de pilotage par les agriculteurs».

Concernant une plus grande représentation des minoritaires, le président de l’APCA s’y oppose. «Comme dans d’autres instances démocratiques, la prime au vainqueur permet de gouverner sans être sans cesse dans le compromis et les jeux d’alliance, estime-t-il. On voit d’ailleurs que les chambres qui doivent gérer ce type d’alliances à leur tête sont prises dans des situations tétanisantes, n’arrivent pas à déployer de stratégie.»

En commission, Marie-Christine Verdier-Jouclas a aussi souligné la faiblesse de l’Assemblée des chambres d’agriculture dans la gouvernance du réseau : «Ni le Code rural, ni l’histoire n’ont fait de l’APCA une tête de réseau.» Pour son président Sébastien Windsor, des avancées ont été accomplies ces derniers mois : «Dans notre plan d’orientation stratégique, aucun axe n’est optionnel pour les chambres régionales, et elles nous ont toutes remonté ce qu’elles allaient faire pour atteindre ces objectifs chiffres. C’est nouveau. Tout comme, le fait d’avoir établi ensemble une «carotte financière pour les chambres qui atteindront les objectifs stratégiques.» Sébastien Windsor se dit ouvert à une modification des statuts de l’APCA dans le Code rural, mais il prévient : «Notre rôle, c’est d’emmener le réseau par la conviction, pas par des décrets.»

Des recommandations pour les salariés

La mission recommande par ailleurs «une augmentation du salaire médian» des salariés des chambres et un «rapprochement significatif» des deux statuts existants, public et privé. Leur coexistence est «difficilement lisible et justifiable». Le président de l’APCA se dit «favorable à une réforme du statut des salariés, y compris celui des directeurs», pour «aller vers un statut privé». À l’inverse d’une augmentation du salaire de base, il se dit plutôt favorable à la possibilité de mettre en place des primes collectives.

Les députés proposent également de simplifier la distribution des enveloppes budgétaires issues de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) allouées au réseau. Au lieu que les chambres départementales collectent cette taxe, et les redistribuent par la suite, notamment aux chambres régionales, les députés proposent qu’une administration centrale du ministère des Finances, la DGFip, se charge de la collecte et de la redistribution, sans changer la clé de répartition. Une proposition bien reçue par le président de l’APCA : «Ça sera plus simple pour tout le monde, et ça évitera beaucoup de tracasseries.»

Des chambres engagées sur le numérique

Mi-décembre, les chambres d’agriculture, via leur tête de réseau (APCA), ont fait un point sur leur implication dans l’univers du numérique avec l’objectif de rester leader dans l’accompagnement numérique des agriculteurs. Accompagner les agriculteurs dans le numérique est un des axes stratégiques des chambres d’agriculture. «Peu de gens le savent, mais les chambres d’agriculture sont leader dans l’accompagnement numérique des agriculteurs grâce à la plateforme MesParcelles, qui totalise à ce jour plus de 40 000 utilisateurs», déclare Christophe Hillairet, secrétaire général de l’APCA. Il est vrai qu’aujourd’hui, les exploitations sont en grande partie numérisées quels que soient les modes de production : grandes cultures, élevage, arboriculture, etc. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Agriculture qui datent de 2016, 79 % des agriculteurs utilisaient Internet, un chiffre supérieur à la moyenne française. Ils étaient 46 % (en 2013) à être équipés de GPS et huit agriculteurs sur dix reconnaissaient l’utilité des nouvelles technologies pour l’agriculture. Aujourd’hui, le numérique a encore plus investi les exploitations, faisant émerger de nouveaux questionnements comme la propriété des données, leur transmission, la gestion des consentements, la standardisation, l’interopérabilité, etc.

Gagner du temps

Dans ce domaine, la plateforme MesParcelles, mise en place il y a une quinzaine d’années, contribue à réaliser une grande partie de ces objectifs. Carole Chevalier, responsable commerciale à la Chambre régionale des Pays de Loire, constate que les agriculteurs qui utilisent MesParcelles y voit un «outil simple, instructif. Les retours sont très positifs», explique-t-elle. Des agriculteurs se sont abonnés pour sécuriser leur démarche de certification Haute valeur environnementale et cet outil «leur permet de sécuriser plusieurs points, dont la conditionnalité Pac, la directive nitrates, le plan prévisionnel de fumure, le cahier d’épandage ou encore le registre phyto», explique-t-elle.

Benoit Dumet, responsable innovation à la Chambre d’agriculture du Grand Est précise que «l’application Keyfield, peut être agrégée à MesParcelles. Elle est capable, grâce à la positon GPS, de tracer le déplacement du tracteur, sans avoir à ressaisir le parcellaire, avant d’afficher sur l’écran du smartphone son compte-rendu en fin de chantier, que l’utilisateur n’a plus qu’à valider pour le retrouver automatiquement enregistré sur le portail». L’objectif est de fournir à l’agriculteur un outil simple qui lui permette de gagner du temps en évitant de ressaisir plusieurs fois les mêmes données. Si MesParcelles est opérationnel sur les grandes cultures et la vigne, l’application le sera dans les prochains mois sur l’élevage, «avec une dimension "carbone" sur laquelle on travaille», assure Christophe Hillairet. «C’est notre devoir d’organisme de conseil que de se focaliser sur toutes les applications susceptibles de générer de la valeur ajoutée», ajoute-t-il.

Vers une souveraineté numérique en agriculture ?

L’agriculture de demain sera-t-elle «paysanne» comme le souhaitent certains tenants d’un retour en arrière ou bien «numérique» comme le suggèrent la plupart des agriculteurs, en tête desquels, les jeunes qui s’installent ainsi que les dirigeants européens ? En effet, la Pac et la nouvelle stratégie européenne «De la ferme à la table» veulent accompagner la transformation du modèle agricole vers une agriculture 4.0, vers une agriculture qui met en avant et valorise l’innovation numérique et la robotique. Or, cette agriculture 4.0 reste encore dépendante des systèmes numériques mis au point par les puissances étrangères, principalement les États-Unis et la Chine. C’est pourquoi les organisations agricoles, avec la FNSEA en tête, et les instituts techniques agricoles, commencent à construire ce qui doit garantir l’indépendance numérique de l’agriculture française : la FNSEA a initié Data-Agri, une charte encadrant la valorisation et la sécurisation des données des exploitations. Puis est arrivé Api-Agro, plateforme d’échanges de données au bénéfice des producteurs agricoles. Enfin Agdatahub, lancé en février 2020, entend «répondre aux besoins des agriculteurs et des filières, en déployant une infrastructure technologique mutualisée et souveraine».

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