L'Oise Agricole 30 mars 2023 a 09h00 | Par Hélène Grafeuille

Stockage et valorisation du carbone, occasion de changer les pratiques ?

Une table ronde sur le thème «Carbone et biodiversité : opportunité pour les agriculteurs des Hauts-de-France ?» a été organisée par la FRSEA des Hauts-de-France. L'occasion de faire le point pour les agriculteurs sur le dispositif label bas carbone.

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Parmi les participants à la table ronde sur le carbone organisée par la FRSEA Hauts-de-France à l'occasion de son assemblée générale, Justine Lamerre et Annie Duparque (AgroTransfert), Laurent Degenne, Pascale Nempont (chambre d'agriculture), Samuel Vandaele (FCAA), Hervé Lapie (FNSEA, symbiose Marne).
Parmi les participants à la table ronde sur le carbone organisée par la FRSEA Hauts-de-France à l'occasion de son assemblée générale, Justine Lamerre et Annie Duparque (AgroTransfert), Laurent Degenne, Pascale Nempont (chambre d'agriculture), Samuel Vandaele (FCAA), Hervé Lapie (FNSEA, symbiose Marne). - © FRSEA Hauts-de-France

L'agriculture peut contribuer à l'atténuation du changement climatique, mais carbone et biodiversité, est-ce une opportunité pour les agriculteurs des Hauts-de-France ? Cette thématique a été abordée lors de la table ronde organisée à l'occasion de l'assemblée générale de la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles des Hauts-de-France (FRSEA), le jeudi 23 mars, à la Cité de l'Agriculture à Saint-Laurent-Blangy (62). Pour en parler, deux représentantes d'Agro-Transfert, centre régional de transfert d'innovation au service de l'agriculture, dont les «sols et agrosystèmes», notamment le stockage du carbone, est l'un des axes de travail.

Mesurer la matière organique dans les sols

Le projet GCEOs (gestion et conservation de l'état organique des sols) a ainsi été mené entre 2004 et 2011. «C'est parti d'une demande des agriculteurs, explique Annie Duparque, chargée de mission sols et agrosystèmes. La pression de la société et le changement climatique étaient déjà en filigrane de cette problématique, même si ce n'était pas de manière aussi prégnante qu'aujourd'hui.»

Ce projet a permis la création de l'outil SimEOS AMG, un simulateur de l'état organique des sols. Il permet de simuler l'évolution des teneurs et stocks en matière organique du sol sous l'effet des pratiques culturales. «Il est capable de comptabiliser les entrées de carbone organique et les sorties du CO2», poursuit-elle. Un outil utile à l'agriculteur et à son conseiller pour améliorer la fertilité des sols sur le long terme. Mais pas seulement... Le carbone est pointé du doigt comme étant intégré à un gaz à effet de serre responsable, en partie, du dérèglement climatique : le CO2. «Le secteur agricole et sylvicole émet 20 % des émissions de gaz à effet de serre françaises, cela représente 80,9 millions de tonnes équivalent CO2», souligne Justine Lamerre, chargée de projets «Agriculture bas carbone». Le secteur doit donc limiter son impact et s'adapter.

Si la neutralité carbone n'est pas atteignable en agriculture, il existe plusieurs leviers pour réduire les émissions, tout en augmentant l'absorption. Et c'est justement cette possibilité de stocker le carbone qui peut intéresser d'autres secteurs d'activité qui ne parviendraient pas à la neutralité carbone. Ils ont la possibilité d'acheter des crédits carbone aux agriculteurs via le label bas carbone.

Un dispositif porté par l'État

Ce dispositif, porté par le ministère de la Transition écologique, propose un cadre méthodologique pour quantifier des crédits carbone générés par des projets locaux de réduction et/ou séquestration des gaz à effet de serre avec une volonté de récompenser les pratiques vertueuses. «Un certain nombre d'entreprises doivent réaliser une comptabilité carbone, c'est-à-dire quantifier toutes les émissions de gaz à effet de serre engendrées par leur activité. Elles mettent ensuite en place des actions pour réduire ces émissions. Une fois ce travail réalisé, elles peuvent compenser les éventuelles émissions résiduelles en achetant des crédits carbone afin d'atteindre leur neutralité carbone. Les agriculteurs sont donc au milieu de cela et ont une carte à jouer», assure Justine Lamerre. D'autant que les Hauts-de-France sont une grande région agricole : «Nous nous plaçons en neuvième position en termes de nombre d'exploitations en France, et à la septième place en termes de superficie agricole», rappelle Pascale Nempont, chef du service stratégie et prospective de la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Et d'ajouter : «Nous avons donc un bon potentiel de stockage de carbone.» Mais Justine Lamerre et Annie Duparque insistent : cette possibilité ne doit pas être vue seulement comme une opportunité de gagner de l'argent, mais surtout comme une manière de financer un changement de pratiques vers plus d'agroécologie.

Pour vendre des crédits carbone, l'agriculteur doit, aussi, changer ses pratiques. «Dans le projet que l'agriculteur va déposer, il doit projeter un changement de pratiques. Leur bilan humique et gaz à effet de serre doit être plus positif que leur système actuel, un effort doit donc avoir été fait. Cela permettra de générer une partie des crédits», précise Annie Duparque. C'est un projet qui prend plusieurs années, il faut compter au minimum cinq ans pour les grandes cultures : «Le but n'est pas de chercher à pouvoir stocker du carbone pour vendre du crédit carbone mais d'en profiter pour faire de l'agronomie, améliorer la fertilité des sols. L'argent récupéré grâce à la vente de crédit carbone doit être vu comme une manière de financer la transition agroécologique. Celle-ci a un coût, le système va être déséquilibré et doit pouvoir évoluer vers un nouvel équilibre. Il peut également y avoir dans un premier temps une perte de rendement ou encore une baisse de qualité, mais on ne peut plus passer à côté, la pression du changement climatique change la donne, cette transition est nécessaire pour être plus résilients», conclut-elle.

Les crédits carbone, combien ça rapporte ?

Que les choses soient claires : ce n'est pas les crédits carbone qui permettront aux agriculteurs de s'enrichir ! France carbon agri associés est une entreprise qui structure le marché pour la profession agricole «pour ne pas faire du label bas carbone une machine à cash pour d'autres start-up», avance Samuel Vandaele, son président. L'entreprise a déjà porté trois projets, permettant la compensation de 2 millions de tonnes de CO2, «ce qui représente 90 % du label bas carbone», précise Samuel Vandaele. Aujourd'hui, la tonne de carbone se vend 40 EUR : «32 EUR reviennent à l'agriculteur, 5 EUR vont aux porteurs de projets et 3 EUR pour France carbon agri. C'est un marché naissant, il faut qu'on arrive à massifier l'offre pour attirer les entreprises à compenser sur la biodiversité locale.»

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