Un plafond d'incorporation de l'éthanol à l'échelle de l'UE ?
Le Syndicat national des producteurs d'alcool agricole (SNPAA) propose un plafond d'incorporation d'éthanol appliqué à l'échelle de l'UE, pour permettre la montée en puissance dans les pays déjà proches de leur plafond national.

Le secteur de l'éthanol souhaite que le plafond d'incorporation des biocarburants issus de cultures alimentaires, qui est de 7 % par État membre, devienne un plafond mutualisé dans toute l'UE, au lieu d'être appliqué par pays. «Dans les discussions qui s'ouvrent aujourd'hui sur le paquet Fit for 55 (objectif de l'UE de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici à 2030), la France doit porter une demande de flexibilité qui permettrait aux pays avec une forte vocation agricole de produire plus, donc au-delà des 7 %», a indiqué Jérôme Bignon, président du SNPAA, aux huitièmes Rencontres du bioéthanol, qui se sont tenues le 23 septembre. Cela, «pour compenser les pays de l'UE qui ne veulent ou ne peuvent pas atteindre le 7 %». La moyenne européenne est d'environ 4 %. La filière française de l'éthanol pourrait ainsi poursuivre son expansion. La limite nationale empêche la France, qui est actuellement à 6,8 % d'incorporation, de produire beaucoup plus d'éthanol de première génération.
Faible risque de déforestation
Argument du SNPAA pour faire valoir cette mutualisation et la croissance de la production : l'éthanol européen présenterait un faible risque d'effet de déforestation, directe ou importée et, donc, d'effet de serre, une problématique qui suscite des débats houleux au niveau mondial (débats sur le changement d'affectation des sols, appelé «Iluc» en anglais). «Dans son acte délégué de 2019, la Commission a reconnu que ces matières premières (betteraves sucrières, blé, maïs) ne génèrent pas ou peu d'Iluc et ne contribuent donc pas à la déforestation», a précisé Jérôme Bignon. Leur utilisation réduit en effet «des deux tiers les émissions de GES comparées à l'essence», évitant le rejet «d'environ 1,5 million de tonnes de CO2 par an et l'importation de plus de 500 000 tonnes de pétrole».
«Nous revendiquons la possibilité d'accroître notre production», a appuyé Sylvain Demoures, secrétaire général du SNPAA. Valérie Corre, vice-présidente, a estimé, quant à elle, que la production française d'éthanol, actuellement de 12 millions d'hectolitres (Mhl), pourrait à terme s'accroître encore de 6 Mhl, les surfaces de cultures pour l'éthanol ne mobilisant que 0,6 % de la SAU française. «On est loin des 10 % que l'Union européenne veut mettre en jachère dans sa stratégie Farm to fork», a commenté Jérôme Bignon.
Réhausser le taux d'éthanol de résidus
Le plafond de 7 % limite la part des biocarburants de première génération dans la réalisation de l'objectif européen d'énergies renouvelables consommées dans les transports terrestres (10 % en 2020 dans la directive communautaire Red 1 sur les énergies renouvelables et 14 % en 2030 dans la directive Red 2). Mais il est aussi permis de prendre en compte, au-dessus du plafond de 7 %, l'éthanol produit à partir d'égouts pauvres de sucreries obtenus après deux extractions sucrières, et d'amidons résiduels obtenus en fin de processus de transformation de l'amidon, dans une limite qui évolue chaque année.
Pour 2023, cette limite est laissée inchangée à 1 % d'incorporation dans le texte du PLF 2022 du gouvernement. «La filière du bioéthanol n'est pas d'accord avec ce taux.» Elle va demander qu'il soit porté de 1 % à 1,2 % (soit + 0,2 point) en 2023, «pour accompagner la dynamique de croissance de l'E10 et du Superéthanol-E85». La demande de Superéthanol est activée par la commercialisation des boîtiers adaptant les moteurs à essence classiques à la conduite flexfuel, parfois avec l'aide des régions. Ainsi, la région Grand Est apporte une aide permettant de se procurer un boîtier à moitié prix. Le SNPAA aimerait que l'État mette aussi la main à la poche.
Les calculs de Bruxelles
Le syndicat des éthanoliers réitère surtout sa demande d'allègement de la TVS (Taxe sur les voitures de société) pour les voitures flexfuel, pour tenir des émissions de carbone renouvelable par kilomètre de ce type de véhicules. Il évalue à 40 % l'abattement qu'il faudrait appliquer sur le nombre de grammes de CO2 par kilomètre généré par les voitures flexfuel, pour que ne soient retenues que les émissions de carbone rajouté dans l'atmosphère par l'essence d'origine pétrolière.
La prise en compte du carbone rajouté dans la politique énergétique est demandée avec insistance par la filière du bioéthanol. «La Commission a introduit le concept de véhicule zéro émission en ne mesurant ces dernières que du réservoir à la roue ou de la batterie à la roue, sans tenir compte des émissions du puits au réservoir. Elle refuse de prendre en compte dans son approche du réservoir à la roue, le caractère biogénique du CO2 issu de la biomasse qui devrait avoir une valeur zéro», a reproché Jérôme Bignon.
Les importations en forte hausse
Les importations d'éthanol par l'UE ont fortement augmenté en 2020, malgré la consommation d'éthanol réduite du fait de l'effondrement du marché de l'essence pendant les confinements. Elles sont passées de 14,5 Mhl en 2019 à 17,5 Mhl, soit 3 Mhl en plus, en provenance des États-Unis et du Brésil. Elles étaient de 10 Mhl en 2018 et d'à peine 6 Mhl en 2017. «Les États-Unis sont la puissance dominante de l'éthanol. Leurs exportations totales excèdent la demande de l'UE», a indiqué Nicolas Kurtsoglou, responsable de la partie «carburants» au SNPAA. Les États-Unis ont en effet exporté 51 Mhl d'éthanol en 2020, alors que la consommation de l'UE en bioéthanol s'établissait à 48 Mhl. La filière s'oppose à la ratification du Mercosur, qui devrait élargir encore la brèche des importations.
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