Un plaidoyer pour un choc de compétitivité et de simplification
Face à l'effritement des positions françaises en matière agricole et alimentaire, Dominique Chargé, président de La Coopération agricole, appelle de ses voeux un choc de compétitivité pour restaurer la souveraineté alimentaire.
«La souveraineté alimentaire re-cule depuis vingt ans», a déploré Dominique Chargé, président de La Coopération agricole, lors de la conférence de presse de rentrée, le 5 septembre, à Paris. En effet, l'excédent agroalimentaire de notre balance commerciale, s'effrite d'année en année, les importations progressent alors que les exportations régressent, y compris celles de vins, fleuron de notre agroalimentaire. «30 % des viandes consommées en France sont importées, pour le poulet c'est un sur deux et 80 à 90 % dans la restauration collective», a précisé le président. Les causes sont connues : la crise sanitaire du Covid, le conflit en Ukraine ont engendré une instabilité à la fois sur leur disponibilité et sur les prix et perturbé les circuits commerciaux. Conséquence : l'inflation a fait son retour alimenté par le doublement du prix de l'énergie en deux ans et par l'envolée des coûts de production dans la chaine alimentaire (engrais, phytosanitaires, salaires...). «Pour les consommateurs, observe Dominique Chargé, l'alimentation est devenue la variable d'ajustement à côté de la flambée des prix du logement et des transports qui frappent également le budget des ménages.» Face aux prix alimentaires qui ont également dérapé, les consommateurs se précipitent sur les premiers prix, les promotions, les produits d'entrée de gamme. Sans parler de la précarité alimentaire qui frappe de plus en plus de Français. En témoigne le cri d'alarme lancé par les organisations caritatives.
Le piège de la montée en gamme
La France qui a fait le choix de la montée en gamme se trouve piégée. Ses industriels ne sont pas en mesure de satisfaire les achats des consommateurs sur ces produits d'entrée de gamme dans lequel se sont engouffrés les pays étrangers : l'Ukraine et les pays d'Europe orientale pour le poulet standard par exemple. Alors que les ateliers français de poulet label sont vides. «Il faut être compétitif sur les produits d'entrée de gamme et réarmer notre tissu productif», plaide Dominique Chargé. Ce choc de compétitivité passe un allège-ment des contraintes administratives, l'abandon en France de la tendance à surtransposer les règles communautaires, le choix de la réciprocité des normes et la mise en place de clauses miroir et un accès facilité à l'eau pour la production agricole. «Pas d'inter-diction sans solution», insiste-t-il également face au retrait des néonicotinoïdes dans la production de sucre, ou celle du diméthoate pour les cerises, interdictions qui remettent en cause la capacité de production de la ferme France et plombent le moral des agriculteurs et des entreprises.
Lourds investissements
L'occasion pourrait être saisie dans le cadre de la planification écologique annoncée par les pouvoirs publics. «L'agriculture fait partie des solutions» par la production de biomasse qu'elle soit destinée à l'alimentation, l'énergie ou les matériaux bio-sourcés. Les coopératives sont prêtes à s'y engager en participant à la stratégie de décarbonation. Sur les quelques 69 millions de tonnes de CO2 émises par les filières coopératives, les entre-prises seraient en mesure de les réduire considérablement par le remplacement des énergies fossiles par des énergies vertes dans les processus de transformation à l'image de ce qui a été réalisé par la filière luzerne et ce qu'on commencer à réaliser les filières sucre et laitière très gourmandes en énergie fossile. Dominique Chargé estime à 1,45 milliard d'euros les sommes que devraient mobiliser les coopératives en investissements pour parvenir à la neutralité carbone, soit en réduisant les émissions de CO2, soit en améliorant sa séquestration dans les exploitations agricoles et les forêts. Encore faut-il que l'État consente à les aider à s'engager dans cette voie.
Autre levier : le Pacte et la loi d'orientation agricole et alimentaire pourrait apporter des réponses. «Il n'y aura pas de souveraineté sans agriculteurs», insiste Dominique Chargé. La loi étant l'outil idéal pour mettre en chantier une série de dispositions destinées à favoriser l'attractivité et l'accès au métier, le renouvellement des générations, les compétences requises face aux défis qui nous attendent, et à restaurer la confiance entre producteurs, consommateurs et citoyens, si nécessaire aujourd'hui. Même s'il est symbolique, le président de la Coopération agricole propose d'insérer dans le préambule de la loi, et donc dans le Code rural un objectif de souveraineté alimentaire, qui aurait le mérite d'engager les pouvoirs publics en la matière.
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