L'Oise Agricole 01 janvier 2025 a 07h00 | Par Christophe Soulard

Une mauvaise année agricole 2024 selon l'Insee

L'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a rendu publiques le 12 décembre, ses premières estimations du compte prévisionnel de l'agriculture pour 2024. La production agricole chuterait de 7,5 %.

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Selon la FNSEA et les JA, «la situation de certains agriculteurs, notamment les plus touchés par les intempéries ou les maladies vectorielles (FCO, MHE...), est alarmante et devient insoutenable».
Selon la FNSEA et les JA, «la situation de certains agriculteurs, notamment les plus touchés par les intempéries ou les maladies vectorielles (FCO, MHE...), est alarmante et devient insoutenable». - © ChatGPT

Ce n'est pas une surprise. C'est surtout une confirmation. Les comptes prévisionnels de l'agriculture diffusés par l'Insee sont, cette année encore, dans le rouge. Déjà l'an dernier, le résultat de la branche agricole (hors subventions) avait cédé - 1,5 % dans un contexte mondial de retombée des prix des céréales et des matières premières qui avaient fortement progressé en 2021 et 2022.

Érosion du cheptel

Cette année, la chute est plus accentuée, notamment en raison des conditions météorologiques qui ont pénalisé les cultures. La valeur de la production végétale est, selon les premières estimations, en recul de - 13,1 % «sous l'effet d'une diminution conjointe des prix (- 6,8 %) et des volumes (- 6,8 %)», analysent les statisticiens. Ils viennent confirmer les premiers chiffres de leurs collègues d'Agreste (ministère de l'Agriculture) qui ont déjà pointé une réduction des volumes de - 23 % sur le vin. Pour l'Insee, cette chute ne serait que de - 20,5 %. L'Institut confirme les mauvaises récoltes en céréales : - 27 % pour le blé tendre, - 11,5 % pour les oléagineux et - 22,4 % pour les protéagineux qui «diminueraient davantage encore sous l'effet supplémentaire de la réduction de la surface cultivée (- 15,4 %)», précise l'étude de l'Insee. Si encore la chute de la production était compensée par la hausse des prix...

Cependant, à l'exception des fruits, légumes frais et du champagne, tous les autres cours ont chuté. «En 2024, les prix de la production (hors subventions) diminueraient pour les produits végétaux (- 6,8 %). En 2023, le prix des céréales avait chuté de 30 % en France, à la suite d'une récolte mondiale à un niveau record. Il baisserait encore de 4,9 % en 2024», rapporte l'étude de l'Insee. Le prix des fourrages chuterait de - 34,6 % et la hausse des protéagineux (+ 16 %) serait loin de compenser les pertes en volume. Dans cet état des lieux morose, ressortent cependant quelques bonnes nouvelles, comme la baisse (trop lente) des charges : engrais, produits phytosanitaires, électricité... Les prix des engrais et amendements chutent égale-ment de 35,5 % après une explosion en 2022 et 2023. Le prix du gasoil non routier est également en baisse de 13,4 %. La hausse de certains cours comme celui des ovins et des bovins, mais au prix d'une érosion continue du cheptel, accentué par les crises sanitaires (MHE, FCO...). «Les prix des produits animaux avaient augmenté de 23,8 % en 2022 puis de 6,8 % en 2023», rappellent les statisticiens. Au total, la valeur de la production agricole française ne devrait atteindre que 89,3 mil-liards d'euros, avec une baisse de la valeur ajoutée brute de - 6,6 % et une réduction de - 7,4 % de la production au prix de base. En conséquence, le revenu des agriculteurs diminuera de manière mécanique.

Crise profonde et durable

«La situation de certains agriculteurs, notamment les plus touchés par les intempéries ou les maladies vectorielles (FCO, MHE...), est alarmante et devient insoutenable», ont réagi la FNSEA et Jeunes agriculteurs dans un communiqué commun. Les deux syndicats dénoncent aussi «le manque d'ambition politique à la fois pour favoriser la compétitivité des exploitations, notamment par le besoin de disposer des moyens de production adaptés, mais aussi pour rémunérer dignement les agriculteurs, ce qui impose de faire respecter les lois EGalim». La FNSEA et JA laissent cependant paraître une pointe d'optimisme en saluant la décision de la ministre (démissionnaire) de l'Agriculture, Annie Genevard, «la mise en oeuvre concrètes des prêts de trésorerie bonifiés*».

De leur côté, les Chambres d'agriculture s'inquiètent que l'agriculture française traverse «une crise profonde et durable». «Nous sommes face à une crise structurelle dont l'issue nécessite-ra de mettre les moyens en adéquation avec l'ampleur des défis à relever. Avec un solde disponible de moins de 30 000 EUR, on ne peut pas demander aux agriculteurs d'investir dans les transitions. Il y a urgence à redonner de la compétitivité à nos exploitations», a déclaré Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France dans un communiqué.

* Les agriculteurs qui ont perdu plus de 20 % de leur chiffre d'affaires cette année pourront ainsi emprunter un montant plafonné à 50 000 EUR, sur une durée de deux à trois ans, à un taux d'intérêt maximum de 1,50 %pour les jeunes installés, et de 1,75 %pour les autres grâce à un effort partagé par les banques et par l'État.

Le vague à l'âme des agriculteurs

Concomitamment à la publication des chiffres prévisionnels de l'Agriculture 2024 par l'Insee, la FNSEA a fait réaliser par l'institut de sondage Ifop une enquête sur la situation économique des agriculteurs. Cette dernière vient corroborer, presque en tous points, les résultats des chiffres de l'Insee.

La FNSEA a publié, mi-décembre, les résultats d'un sondage d'opinion sur la situation économique des agriculteurs, de celle du pays ainsi que sur le jugement qu'ils portent sur l'action gouvernementale. Comme il fallait s'y attendre, ce n'est pas l'optimisme béat qui s'est invité dans les cours de ferme. Réalisée entre le 23 octobre et le 8 novembre, auprès d'un échantillon de 1 509 exploitants agricoles, représentatif des exploitations agricoles professionnelles françaises, cette enquête note qu'«après une stabilisation en juin 2024, la situation économique des exploitations agricoles semble se détériorer à nouveau fortement : 40 % des agriculteurs indiquent que la situation économique de leur exploitation est mauvaise (+ 7 pts)». Ils ne sont que 2 % des sondés à juger leur situation financière «très bonne», 16 % «bonne» et 41 % «acceptable». Selon l'Ifop, la situation est plus favorable pour les secteurs horticoles, maraîchers, arboricoles et les exploitants de moins de quarante ans. En revanche, le sentiment de dégradation économique a davantage touché les éleveurs de porcins, de volailles ainsi que les grandes cultures. Surtout, «la moitié des exploitants agricoles font état de difficultés importantes au cours des trois derniers mois, une proportion qui n'avait pas été observée depuis huit ans», sou-ligne l'Ifop. Les épisodes sanitaires, les intempéries, l'augmentation des charges, mais aussi les réglementations environnementales et sanitaires et le contexte politique et international jouent sur les résul-tats économiques et le moral des agriculteurs.

Défiance

Si une immense majorité des personnes interrogées (79 %) n'en-visage pas de cesser l'activité agricole dans les douze prochains mois, ils sont tout de même 19 % à émettre cette possibilité. En tête des préoccupations exprimées : les difficultés financières trop lourdes à supporter pour l'exploitation (+ 7 points en un trimestre). D'une manière générale, les agriculteurs interrogés sont guère optimistes sur l'avenir. Ils sont ainsi près de six sur dix à être pessimistes sur la pérennité de leur activité et «37 % pressentent une détérioration de la situation économique de leur exploitation au cours des deux à trois prochaines années», remarque l'étude. Ils estiment en outre que les politiques ont une part de responsabilité dans leur situation actuelle. Ils ne sont que 9 % à trouver «que les actions du gouvernement sur l'économie leur inspirent confiance» : 57 % ne font «pas du tout confiance» et 30 % «plutôt pas confiance». Preuve supplémentaire de ce désamour politique : «89 % des agriculteurs estiment que leurs préoccupations d'exploitants agricoles ne sont pas prises en compte». C'est sept points de plus qu'au dernier sondage remontant au 2e trimestre 2024. Dans un contexte politique flou, plus de la moitié des agriculteurs estime qu'aucune personnalité politique n'est à même de défendre leurs intérêts. Parmi les personnalités politiques, celle qui leur inspirait le plus confiance était... Michel Barnier, qui a été censuré le 4 décembre dernier et remplacé depuis par François Bayrou, qui n'apparaît pas dans ce sondage. Le président de la République, Emmanuel Macron, devant Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont les trois personnes en qui ils nourrissent le plus de défiance. Comme l'a résumé le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, à nos confrères de La Tribune Dimanche : «Le contexte politique extrêmement anxiogène, avec le changement climatique, est source d'incertitudes sur l'avenir.»

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