1.651.356 hectares bio pour satisfaire la demande alimentaire
Du 30 juin et 1er juillet, l'évenement Terr'Eau Bio s'est installé dans l'Aisne. Cet événement est le reflet des pratiques, recherches et innovations en matière d'agriculture biologique. Une édition très attendue et très appréciée par les visiteurs.
Destiné à l'ensemble des acteurs de l'agriculture des Hauts-de-France, le salon Terr'eau Bio est considéré comme le carrefour de l'agriculture biologique. Cette édition s'est déroulée chez Emmanuel Woronoff, producteur bio et administrateur de l'association Bio Hauts-de-France. «Nous sommes très fiers d'avoir pu réaliser Terr'Eau Bio cette année.» exprime Christophe Caroux, nouveau président de Bio en Hauts-de-France. «Même en période de pandémie, nous aurons tout de même tenu cette édition, que ce soit en webinaire ou avec des gestes barrières plus stricts. Cette année, on propose près de 30 conférences, 60 témoignages-débats ainsi que des démonstrations. On remarque un réel intérêt pour l'agriculture biologique dans les Hauts-de-France», poursuit-il.
En effet, une conférence a particulièrement attiré les visiteurs, «Changement climatique et transition agricole : que produire et comment se nourrir en 2050 dans les Hauts-de-France ?».
Concernant l'empreinte spatiale, 1.651.356 hectares agricoles sont nécessaires pour satisfaire la demande alimentaire des résidents de Hauts-de-France. Les produits de l'élevage représentent 87 % de l'empreinte spatiale de l'alimentation en Hauts-de-France (dont 22 % de cultures pour l'alimentation animale). Cependant, la région comprend 2.123.160 hectares sur son territoire agricole. «Deux tiers de la surface agricole est utilisée par les trois principales productions : blé tendre, prairie permanente, betterave non fourragère. 13 % de la surface agricole est toujours en herbe. Avec ces chiffres, le territoire a globalement la capacité de répondre à la demande alimentaire locale car la surface agricole excède de 1,3 fois la demande locale» détaille Christophe Alliot, cofondateur du Bureau d'analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic).
Cependant, de nombreux facteurs ne permettent pas d'arriver à répondre aux besoins alimentaires de chacun. En effet, les paniers des ménages ne sont pas les mêmes, ainsi que la culture alimentaire «On retrouve dans notre société des groupes, des appartenances liés à ce que l'on mange. Les personnes qui mangent bio resteront dans ce groupe» souligne-t-il.
De plus, le potentiel agro-industriel est très hétéroclite mais n'ayant pas la même importance. «Ce n'est pas une nouvelle en Hauts-de-France, on fait beaucoup de pommes de terre et d'huile. Malheureusement, le potentiel de meunerie, de fromages et de volailles, par exemple,sont au plus bas. Il faudrait savoir rééquilibrer l'ensemble des agro-industries afin de les mettre au même niveau pour pouvoir alimenter la population mais aussi peser un poids important sur la scène internationale, avec les pays limitrophes, en terme de compétitivité.» ajoute-t-il.
Quel avenir souhaitable pour la région ?
Les habitants des Hauts-de-France doivent réduire leur consommation de produits d'origine animale importés au profit de produits animaux régionaux, favorisant les systèmes pâturants. Les consommateurs ont un rôle important à jouer. «Ces derniers donnent une place plus centrale à leur alimentation et le prix le plus bas n'est plus leur principal critère de choix. Les consommateurs se sont emparés des enjeux de santé liés à leur alimentation et se sentent capables d'agir en conséquence. Chaque collectivité territoriale accompagne l'évolution des pratiques alimentaires de ses habitants en s'appuyant sur son expertise et la culture culinaire locale», explique Christophe Alliot.
Outre la consommation alimentaire, la transformation est un enjeu à ne pas laisser de côté. En effet, les entreprises de transformation recréent des emplois de qualité attractifs dans la région. «On observe une montée en puissance et en compétence des artisans et un fort développement de l'entrepreneuriat pour répondre à la nouvelle donne agricole en matière de diversification des productions et d'introduction de nouvelles cultures (développement exponentiel des légumineuses dans les assolements). De plus, il faudra miser sur l'émergence de nouvelles activités comme les fromageries artisanales, la création d'ateliers de découpe et de transformation de volailles de chair. Et aussi l'émergence de nouveaux outils de transformation de taille intermédiaire, polyvalents, et en capacité de valoriser cette diversité renouvelée» détaille-t-il.
Cet entrepreneuriat se traduit par le développement des PME qui permet de réduire le niveau d'investissements étrangers dans les systèmes productifs agricoles et agroalimentaires régionaux. Dans la région, on peut observer une augmentation significative du taux de transformation des produits bruts. La concurrence avec les Pays-Bas et la Belgique se restreint grâce à une demande forte des consommateurs pour une alimentation «origine France».
Autre point à soulever, la production agricole. Il faudrait que de petits élevages, associés à la réimplantation de surfaces en herbe, se développement dans tous les départements de la région. Ce phénomène sera une réponse des producteurs régionaux pour faire face à la fragilité des facteurs de production importés et aux impasses agronomiques telles que la fertilité et l'érosion des sols.
D'une façon générale, tous les acteurs du système alimentaire régional doivent prendre conscience que l'autonomie à l'échelle des fermes ou des territoires est un facteur clef dans la résilience des fermes régionales. «Les recommandations du Plan national nutrition santé guident la politique d'installation en région où chaque producteur est incité à diversifier ses productions et à faire évoluer ses pratiques en résonance avec ce plan de santé publique. La taille des parcelles est réduite de 40 % suite à une action significative en matière de redécoupage parcellaire et la réintroduction d'infrastructures écologiques (haies, arbres, prairies)» souligne-t-il.
Selon lui, il faudrait également accélérer les évolutions de la restauration collective (en particulier scolaire) pour faire découvrir et adopter de nouvelles pratiques alimentaires, plus végétales et pauvres en aliments ultra-transformés, en amplifiant l'expérimentation issue de la loi Égalim.
Cette accélération se heurte cependant aujourd'hui dans certains cas à des difficultés liées aux règles de mise en marché/droit de la concurrence, sur lesquelles un travail reste à faire.
«Il faut améliorer l'information du consommateur sur les produits mis à sa disposition dans les étals en matière environnementale, voir sociale : outre le nutriscore, dont le succès en France conduit à en étudier la transposabilité à l'échelle européenne dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie De la fourche à la fourchette, l'affichage environnemental actuellement en développement est une demande forte de la Convention citoyenne pour le climat. De tels outils sont des clés non seulement pour faire évoluer les pratiques ; mais, en contribuant à mettre en scène un narratif positif sur l'existence d'une demande vertueuse, ils favorisent aussi une évolution de l'offre».
Si tous ces systèmes sont appliqués, les débouchés de l'agriculture seront plus équilibrés entre les marchés locaux, régionaux, nationaux et internationaux. Les métiers agricoles seront revalorisés, la rémunération augmentera et la pénibilité diminuera. On constatera aussi un engouement renouvelé et plus important pour les métiers agricoles.
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