L'Atelier Honoré, artisan moutardier dans l'Oise
Christelle et Cyrille Vandroux se sont lancés dans l'aventure de la fabrication de moutardes traditionnelles et gastronomiques à Clermont, dans l'Oise. Ils participent au salon du Made in France pour la première fois ces 8, 9, 10 et 11 novembre au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris.
Pourquoi Honoré ? N'est-ce pas le saint patron des boulangers-pâtissiers ? «Mais si, absolument ! Cyrille et moi sommes enfants de pâtissiers-boulangers et Honoré fut le huitième évêque d'Amiens, ville chère à notre coeur. Ce nom a été pour nous un choix évident», confesse Christelle Vandroux, la cinquantaine. Car nos tout récents moutardiers se sont lancés dans cette fabrication alors qu'ils étaient déjà bien installés dans la vie, elle enseignante et lui banquier, métiers qu'ils n'ont pour l'instant pas abandonnés. «Nous avons tous les deux grandis entourés de professionnels de métiers de bouche et nous avons toujours rêvé de créer notre entreprise !»
Comme beaucoup, c'est lors du confinement en 2020 qu'ils ont progressé dans leur réflexion. «Depuis longtemps, je tenais un blog où je présentais des entreprises détentrices de savoir-faire unique, que j'avais développé pour une clientèle de tour operator dans le tourisme industriel, ce qui m'avait permis de rencontrer de nombreux artisans en France. Cette expérience a nourri notre idée d'entreprise. Le départ de la maison de notre deuxième garçon était peut-être le moment de nous lancer. Un ami qui tient une épicerie du terroir nous a conseillé la moutarde, il y a une clientèle à la recherche de produits naturels et authentiques», ajoute-t-elle.
Au sortir du confinement, le couple va à la rencontre de Ghislain Durand, un ancien chef de cuisine de Paul Bocuse qui a ouvert une moutarderie à Castelnaudary. «Nous avons alors découvert que la moutarde utilisée en France par les industriels vient essentiellement du Canada. Ghislain Durand avait réussi à se fournir localement et nous a conseillé d'adapter nos futures recettes en fonction des ingrédients que nous pourrions trouver localement.»
Autrefois, la moutarde était produite partout où il y avait du vin car elle est composée de graines de moutarde broyées, de vinaigre, d'eau et de sel. De la moutarde était ainsi produite dans l'Oise puisque des vignes y étaient installées.
Les Vandroux se documentent, vont passer une semaine chez un moutardier de l'Aveyron, se déplacent en Suisse à Montreux chez un autre et affinent leur projet. De retour dans l'Oise, ils cherchent de la graine de moutarde. «Tous les agriculteurs nous ont dit qu'il était difficile d'en produire, surtout ils cultivent déjà du colza. La Chambre d'agriculture de l'Oise nous a alors suggéré de faire passer une petite annonce.»
Et c'est Guillaume Roussel, agriculteur bio à Auxy-le-Château, dans la Somme, qui répond à leur annonce. Il produit de la moutarde qu'il transforme en huile et vend. «Cela a commencé comme cela. Nous lui avons acheté de la graine de moutarde blanche, la base de la préparation, nous avons trouvé de la graine de moutarde brune, pour le piquant, dans une coopérative bio en Nouvelle-Aquitaine, du sel naturel de l'île de Ré.» Ils choisissent de partir sur un vinaigre de cidre car il n'y a pas de production de vinaigre de vin locale. C'est Agathe Villefranche et Simon Lenoir, de la ferme bio des Evoissons à Bergicourt (80) qui le leur fournissent.
Christelle et Cyrille investissent 40.000 EUR pour un moulin à meule de pierre, un mélangeur puis une empoteuse professionnelle et installent leur laboratoire dans leur maison de Clermont au printemps 2022. Ils affinent leur recette de moutarde nature en situation réelle, réalisent des tests de stabilité du produit et commencent à produire en octobre. Parallèlement, ils ont entamé une procédure de certification bio et sont accompagnés par le réseau Approbio. «Au niveau sanitaire, c'est assez simple car il n'y a pas de cuisson ni de produit périssable. C'est une recette simple, bio, stable sans additif.»
Ils commencent à commercialiser en épiceries fines, dans des circuits courts, en magasins fermiers, «exactement ce que nous voulions faire». Avec succès.
En 2023, ils sont invités au Sia par la Région et proposent aux chefs présents sur le stand régional de cuisiner avec leur moutarde. «Leurs retours ont été précieux car ils nous ont permis d'améliorer notre fabrication. Il fallait ainsi broyer plus finement nos graines afin que notre moutarde soit plus facilement utilisable en cuisine.» Ils poursuivent les tests auprès de restaurateurs de la région, grâce au Comptoir du frais, un grossiste, qui distribue leur moutarde. «On a élargi la gamme en fonction de leurs demandes, on a quelque part co-construit nos produits avec nos clients», se réjouit Christelle.
Une gamme étoffée
En même temps que le réseau de distribution s'agrandit, de nouvelles recettes sont mises au point : au romarin, aux herbes de Provence en accompagnement des grillades estivales, thym-citron qui se marie avec poissons et viandes blanches, estragon, piment d'Espelette. Tous les ingrédients sont bio et sourcés ; les Vandroux se réjouissent de voir une production de plantes aromatiques se relocaliser dans l'Oise. En 2024, ils ont transformé deux tonnes de moutarde. «Nous lançons la moutarde à l'ancienne miel-romarin, élaborée avec le miel bio de la miellerie de la Divette, à Thiescourt».
Conditionnées en pots de 95 g ou de 195 g ou, pour les restaurateurs en format 1 kg, 2,5 kg ou 5 kg, les moutardes bénéficient d'un joli logo élaboré par une jeune graphiste et d'étiquettes en cohérence avec le produit. Le verre est français et les Vandroux aimeraient pouvoir le recycler, pour une démarche cohérente jusqu'au bout. La certification bio oblige à une traçabilité et aux respects de règles nombreuses, mais «pour des novice comme nous, cela nous a plutôt aidés dans nos procédés», concède Christelle Vandroux.
Les projets 2025
Des graines de moutarde brune devraient bientôt entrer dans la composition des moutardes car des jeunes agriculteurs du Pas-de-Calais ont contacté les moutardiers car ils vont se lancer dans la culture. «En 2025, on devrait avoir une moutarde 100 % Hauts-de-France». Pour continuer leur développement, les artisans ont embauché en apprentissage Marion Gate, 20 ans, étudiante en vente marketing e-commerce qui les aide et met en place le site de vente en ligne qui devrait être bientôt opérationnel. En attendant, tous préparent activement leur participation au salon du Made in France, avec des trios de petits pots de moutardes, parfaits en cadeau.
Avec une clientèle de tous les âges dont les plus jeunes les suivent sur les réseaux sociaux et des ventes en constante hausse, Cyrille et Christelle Vandroux réfléchissent à déménager leur laboratoire dans un local plus adapté, dans des bâtiments existants ou à construire. «On imagine construire en commun avec un autre artisan complémentaire. En tout cas, l'idée est de produire plus et de proposer des visites de notre atelier. Nous devrons alors sans doute abandonner nos métiers pour nous lancer totalement dans cette aventure». C'est tout le mal qu'on leur souhaite
Atelier Honoré à Clermont
atelier-honore.fr
facebook.com/moutardes.atelier.honore
Autour de 5 euros le pot de 95 g, 6 EUR celui de 195 g.
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