L'Oise Agricole 23 juillet 2020 a 09h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé, Dorian Alinaghi

De fortes inquiétudes dans le Sud-Ouest de l’Oise

Les échos ne sont pas bons, même s’il est trop tôt pour faire des calculs définitifs. La coopérative Agora, qui collecte dans ce secteur, constate des rendements à la baisse, mais se refuse à tout catastrophisme à ce stade de la moisson.

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Les terres difficiles du Sud-Ouest ont souffert du manque d’eau qui a littéralement fait fondre les rendements.
Les terres difficiles du Sud-Ouest ont souffert du manque d’eau qui a littéralement fait fondre les rendements. - © Jean Charles Gutner

Pourtant, ils sont nombreux les agriculteurs du Sud-Ouest de l’Oise à faire part de mauvais résultats en cette récolte 2020. Que ce soit à Sérifontaine, où Claude Borgoo parle de rendements blé entre 50 et 70 q/ha ou au Coudray-Saint-Germer, avec Vincent Guérout qui n’a récolté que des colzas en moyenne à 31 quintaux, les inquiétudes sont fortes dans un secteur où les terres à cailloux sont nombreuses et où les précipitations ont été rares ces derniers mois. Ceux qui ont pu bénéficier des quelques orages ont sûrement fait de meilleurs rendements, mais c’est clairement la sécheresse la principale cause des résultats décevants de l’année.

Laurent Pollet, président de SEA du Pays-de-Bray, dresse un constat amer : «Et dire que l’automne et l’hiver avaient été particulièrement pluvieux, avec des conditions de semis difficiles et un mauvais enracinement des plantes. Sans compter sur la présence d’insectes à l’automne, sans doute à cause de la suppression des néonicotinoïdes en traitement de semences qui oblige à des traitements au champ moins efficaces. Il n’y a qu’à voir aujourd’hui les champs de betteraves envahis de jaunisse pour se faire une idée.»

Manque d’eau

La sécheresse persistante du printemps a entamé les espoirs d’une bonne récolte dans ces secteurs à faible réserve hydrique. Déjà, les éleveurs commencent à alimenter leurs animaux en prairie, comme Vincent Guérout dont la récolte de foin est de baisse de 30 %. «Les herbages sont secs et je distribue déjà de la paille. Quand je vois la hauteur de mes maïs semés derrière ray grass, qui n’ont reçu en tout et pour tout que 10 mm d’eau, je suis sûr de ne pas nourrir mes vaches laitières avec.»

Même constat pour Laurent de Koninck, agriculteur à Flavacourt et Ressons-l’Abbaye, qui a terminé sa moisson. Avec un escourgeon à 42 q, un colza à 26 q et sans doute moins de 60 q/ha en blé, il est particulièrement inquiet. C’est le manque d’eau qui a entamé le potentiel et, face à la sécheresse, il se demande comment il va pouvoir implanter ses couverts. «La terre est dure et on prend des risques à déchaumer. Hier, j’ai déchaumé avec un outil et, avec la chaleur et avec le frottement contre les silex, les dents étaient brûlantes. De quoi provoquer un incendie ! Et puis, semer des couverts alors qu’aucune pluie conséquente n’est annoncée dans les jours à venir, c’est aller à l’échec», se désole-t-il, sans compter les aspects économiques.

«Deux mauvaises récoltes en quatre ans, 2016 et 2020, cela fait beaucoup.»

- © Dominique Lapeyre-Cave

«Une année particulière depuis les semis jusqu’à la moisson»

C’est ainsi que Gérald Marier, agriculteur à Puiseux-le-Hautberger, dans le pays de Thelle, résume l’année culturale qui vient de s’écouler.

«On a eu trop d’eau à l’automne et des conditions de semis déplorables, suivies d’une longue sécheresse au printemps. Résultat : les systèmes racinaires ne se sont pas développés en hiver et les plantes ont souffert du manque d’eau», déplore-t-il. Premiers résultats de cette moisson démarrée fin juin avec des escourgeons dont le rendement moyen atteint 66 q/ha. «Et encore, je suis satisfait car ce sont des terres très moyennes», sourit-il.

Il fait la moisson avec deux collègues, Emmanuel Pigeon, de Bornel, et Hervé De Koninck, d’Andeville. Il y a un an, ils ont acheté une Case IH en commun, adaptée aux 300 à 350 ha qu’ils ont à battre en moyenne. C’est la troisième machine qu’ils achètent ensemble. Ils partagent la consommation de GNR en fonction des hectares de chacun et toute la paille est broyée. «Cela permet d’avoir une machine performante, de diminuer les coûts et cela sécurise les chantiers en terme de main-d’œuvre, notamment en cas de panne. C’est aussi plus agréable que de travailler chacun dans son coin. C’est Emmanuel qui conduit la machine, mais je commence à m’y mettre cette année.»

En polyculture sur 127 ha, Gérald Marier n’a pas encore commencé la récolte de ses colzas. Chez ses collègues, les beaux colzas ont fini à 35 q/ha, c’est un peu décevant. Ils espèrent que les siens, qui présentent moins bien, feront entre 30 à 35 q.

«Au manque d’eau, il faut ajouter du gel tardif pendant la floraison et des attaques d’insectes, pour lesquelles on a de solutions phytosanitaires de plus en plus limitées. Mais, bon, on n’est jamais déçu par un colza moche et on l’est parfois avec un beau !», philosophe-t-il.

Blés et orges de printemps pas mieux

Sur la totalité des trois exploitations, environ la moitié des blés étaient récoltés au 17 juillet. Là encore avec des résultants attendus mais décevants, entre 70 et 75 q/ha dans des bonnes terres du secteur. «Une des parcelles que j’ai récoltée finit à 60 q. J’ai semé dans des conditions déplorables, dans des terres gorgées d’humidité. Des semis pas optimaux, des pucerons et de la jaunisse nanisante de l’orge depuis la suppression des traitements de semences et une pluviométrie déficitaire, on sera entre 10 et 15 % en dessous de la moyenne cette année.»

Quant aux orges de printemps, Gérald Marier n’en attend pas des miracles. Elles ont été semées tard, dans des terres hétérogènes, ce qui a amené une levée en deux fois, à trois semaines d’intervalle, selon les types de sol. Une partie est mûre et une autre encore verte. Comme cette orge est destinée à honorer un contrat heureusement signé sur un engagement de surfaces et non pas de quantité, l’agriculteur aimerait quand même éviter le déclassement en orge de moûture.

Il livre sa production chez Agora, au silo du Mesnil-en-Thelle et se félicite de l’organisation des circuits sur le site pour le respect des règles sanitaires liées au Covid-19. «Toutes les précautions sont prises, ce qui est rassurant, même si on y perd un peu en convivialité avec les autres agriculteurs et le personnel du silo», reconnaît-il.

D’ici une bonne semaine, si le beau temps annoncé se confirme, les trois collègues devraient avoir fini la moisson. Une année qui, à plus d’un titre, restera dans les mémoires.

- © Dominique Lapeyre-Cave

«Malgré les conditions de l’année, je devrais être dans ma moyenne»

Installé avec ses associés au sein de trois structures à la ferme de Trémonvillers à Saint-Just-en-Chaussée, sur le plateau picard, Cyril Rousseau n’a commencé la moisson que le 12 juillet par des colzas. Pas d’escourgeon ni de pois d’hiver, pour «permettre aux deux salariés de l’exploitation de prendre des congés avant la grosse période de travaux». Les tiges étaient encore vertes, dures à battre, «le colza a oscillé entre 30 q/ha pour les cranettes et 52 q pour la meilleure parcelle qui n’avait jamais reçu de colza», s’étonne encore l’exploitant. Il lui reste quelques bordures de bois à battre, mais il espère finir à 38 q/ha en moyenne globale, malgré un semis en conditions sèches, un automne et un hiver trop pluvieux, suivis d’un printemps sec.

Il s’agit de colza oléique, destiné à l’alimentation humaine, qu’il sème avec des plantes compagnes, lentilles, fenugrec, trèfle et vesce. «Cela donne une vigueur au colza à l’automne, l’apport d’azote n’est pas négligeable, les insectes se reportent en partie sur les plantes compagnes et leur présence limite le développement des adventices, je fais des économies sur le poste désherbage», détaille Cyril Rousseau.

Des blés plutôt pas mal

Les blés se sont enchaînés directement derrière les colzas et, ce lundi 20 juillet, un peu de la moitié étaient déjà récoltés, dont 50 hectares avant le peu de pluie du 14 juillet. «J’ai été agréablement surpris avec un rendement de 92 q/ha sur des terres profondes. Pourtant, il manquait des talles et des épis, mais la fertilité a dû être bonne et tous les grains se sont remplis.»

Dans des parcelles de moindre qualité, le résultat est plutôt pas mal, autour de 70 q/ha, notamment en blé sur blé. «L’effet précédent a un fort impact sur le rendement. Avec l’allongement de la campagne betteravière, on sème des blés très tard, parfois dans des conditions d’humidité désastreuses comme cette année. Du coup, on peut avoir des rendements supérieurs sur des parcelles de moindre qualité mais semées dans de bonnes conditions. En tout cas, avec un précédent lin textile dont les racines structurent bien le sol, on n’est rarement déçu car le blé supporte mieux les excès ou les manques d’eau», analyse l’exploitant.

Il imagine finir à 86 q/ha en moyenne en blé, allant de 70 à 102 q/ha. Il produit les 3/4 de ses blés sous contrats, en multiplication de semences pour Grap (Noriap) et Saaten Union (rebaptisé Asur plants breeding), mais aussi pour la filière Lu Harmony avec, à chaque fois, des cahiers des charges sévères.

«C’est surtout en multiplication de semences que tous les matériels, depuis le semoir jusqu’à la moissonneuse-batteuse et les remorques, doivent être nettoyés et chaque variété est stockée à plat dans une travée de hangar pour éviter tout mélange.»

D’ici la fin de cette semaine, sauf incident, Cyril rousseau devrait avoir fini sa moisson (280 ha de blé, 30 ha de colza et 30 ha de pois) au volant de sa Claas Lexion 750. Il ne finira pas par le meilleur, en l’occurrence ses pois de printemps qu’il imagine autour de 20 q/ha.

«Ils sont en mauvaises terres essentiellement et devraient être faciles à récolter car ils sont restés bien droits. Pourvu que je les récolte avant les pluies qu’on nous annonce pour le week-end prochain». Malgré cette touche finale décevante, la moisson 2020 de Cyril Rousseau devrait être dans sa moyenne, et «vu l’année qu’on vient de vivre, je ne peux que m’en réjouir !», conclut-il.

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