Éco-régimes de la Pac : «Un équilibre a été trouvé»
Sébastien Windsor, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, revient sur les derniers arbitrages de la négociation de la future Pac et de sa déclinaison française.

Le trilogue vient de valider le principe des Maec forfaitaires, auxquels Julien Denormandie a promis de consacrer 22 ME. Que souhaitez-vous en faire ?
Nous sommes actuellement en cours de rédaction d'une dizaine de mesures types. Les arbitrages en trilogue européen ont validé le principe de Maec forfaitaires. Il ne s'agira pas d'accompagner individuellement la prise de risque, mais de compenser les pertes encourues de manière forfaitisée. L'exercice est donc de montrer que certains types de projets amènent statistiquement des pertes. Nous sommes très satisfaits que le ministre de l'Agriculture ait accepté de les inscrire alors que nous sommes encore en train de les écrire. Nous souhaitons dépasser les 22 millions annoncés. Mais il faut d'abord amorcer le système. Nous ne désespérons pas de faire évoluer l'État et les Régions en vue des arbitrages qui devront être rendus d'ici la fin d'année. Il faudra gérer des équilibres au sein de l'enveloppe des Maec.
Quelles sont les mesures types sur lesquelles vous travaillez ?
Nous sommes en phase de construction d'une Maec stockage de carbone, et il nous faut donc prévoir comment ces pratiques peuvent engendrer des pertes. Il existe une porte d'entrée évidente avec le coût d'évaluation, l'audit carbone par une société extérieure, par exemple. Et puis il existe des pertes : dans certains cas, il faut passer le broyeur sur des intercultures quand celles-ci n'ont pas été détruites par le gel ; ou quand on subit des salissements importants qui conduisent à décaler un semis.
Les Régions auront la main sur ces mesures. Quelles sont vos exigences ?
Notre souhait est d'écrire ces mesures avec l'association des Régions de France et le ministère de l'Agriculture, afin qu'il n'y ait pas de grands écarts entre régions. Notre crainte, par exemple, c'est que la mesure carbone contienne des exigences en matière d'IFT dans une région, et pas dans l'autre. C'est d'ailleurs dans leur intérêt étant donné l'ingénierie qu'il faut fournir pour construire chacune de ces mesures. Il faudra aussi articuler ces Maec forfaitaires avec les aides à l'investissement. La mesure de stockage de carbone peut, par exemple, engendrer l'achat d'un rouleau Faca pour le broyage, ou l'achat d'un semoir spécifique.
Vous souhaitiez que la «mesure de transition» puisse soutenir des projets qui ne soient pas forcément environnementaux, mais simplement de développement économique. Est-ce possible ?
Nous souhaitons toujours que la mesure intègre une exigence économique et qu'elle ne soit pas destructrice de valeur. L'élément nouveau, c'est que le volet environnemental sera obligatoire. Il faudra donc trouver un équilibre. Dans le cas des circuits courts, on peut imaginer des projets qui amènent de la diversification des cultures, ou de l'élevage à l'herbe.
Une autre de vos demandes était la création de Maec destinées aux agriculteurs des zones intermédiaires. La mesure est ouverte, qu'y aura-t-il à l'intérieur ?
Nous sommes très satisfaits que 30 ME aient été affectés à ces Maec. Là aussi, nous entrons dans une phase de rédaction et de discussion. Ces Maec ne sont pas affichées comme réservées aux zones intermédiaires, pour éviter les effets de bordure des zonages, avec des agriculteurs exclus à un kilomètre près. L'idée est de cibler les mesures vers des agriculteurs aux rendements faibles. Nous proposons d'amener plus de légumineuses et de protéines dans ces exploitations, afin d'apporter une amélioration de la rotation, de permettre de retrouver de la fertilité dans les sols, et de limiter les problèmes de parasitisme.
Plus généralement, quel est votre regard sur les derniers arbitrages de la Pac, à Bruxelles et en France ?
Je salue la mise en place d'un droit à l'erreur arraché par le ministre ; même s'il faut encore le décliner ; et la limitation de l'octroi des aides Pac à l'agriculteur véritable, avec l'idée de fixer une barre au-delà d'un certain âge. Concernant les éco-régimes, je salue les efforts réalisés pour assouplir le volet «diversité des cultures», ainsi que leur ouverture à la certification environnementale (de niveau 2 +) qui est une étape intéressante pour mettre en dynamique les agriculteurs, sans placer la barre trop haute. Il reste un nombre important d'agriculteurs pour lesquels les éco-régimes constitueront une marche significative, pas simple à franchir. Je pense qu'un équilibre a été trouvé.
Les chambres d'agriculture seront fortement mobilisées sur ce dossier pour faire le point avec les agriculteurs, choisir une des voies d'accès, et enclencher des actions, afin que l'on ne se retrouve pas dans la situation où un agriculteur découvre en 2023 qu'on va lui retirer 75 E d'aide à l'hectare. Je me réjouis que des moyens d'accompagnement aient été trouvés. L'ouverture de l'aide protéines à l'élevage est une mesure significative quand on voit actuellement les difficultés qui existent à s'approvisionner en protéine non OGM.
L'équilibre entre le lait et la viande est-il le bon ?
Je n'ai pas à me positionner, mais il faut regarder l'ensemble, en intégrant l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), et les effets de la convergence sur les régions de l'ouest. Le coup de pouce léger mais significatif qui a été donné vers le lait n'est pas incohérent. Il évite à certaines zones de production laitière de ne pas trop souffrir des effets de la convergence. Et c'est une bonne chose que ce coup de pouce puisse bénéficier aux laitiers des zones intermédiaires, ce qui permet de limiter la déprise. La priorité reste de reconquérir les prix, et je salue à cet effet l'ouverture des programmes opérationnels à de nouvelles filières, comme la viande.
La Pac et le Green deal obligent à faire davantage pour le climat, la santé, la biodiversité, mais les incitations (protection verte aux frontières, taxe carbone...) ne tardent-elles pas à venir ?
Dans le cas de la révision de la politique commerciale européenne et de l'interdiction du recours à des produits interdits en UE dans nos importations, le compte n'y est pas, puisque la Commission européenne ne s'est pour l'instant engagée qu'à produire un rapport. Le ministre de l'Agriculture française s'est bien battu, mais ce n'est pas encore suffisant. Sur le carbone, nous nous structurons. Nous sommes très actifs dans les audits, et des expériences sont assez avancées notamment en Pays-de-la-Loire autour de la rémunération des plantations de haies. J'espère qu'on arrivera très vite à une source de revenu complémentaire.
Les éco-régimes, en chiffres
- 2023-2027 La Pac de 2023 à 2027 se veut «plus verte», en conditionnant une partie des aides directes à des pratiques plus environnementales, ce qu'on appelle donc les éco-régimes.
- 25 % des aides Pac seront conditionnées à ces pratiques environnementales. C'est le compromis qui a finalement été trouvé entre les députés, la Commission et le Conseil européen.
- 79 % des surfaces de grandes cultures françaises sont dans les clous, selon le ministère de l'Agriculture. 13 % en sont exclus, mais pourraient y entrer en modifiant 5 % de l'assolement.
- 18 % de surfaces cultivées en bio d'ici 2027, c'est l'ambition affichée de la France, soit de doubler ces surfaces.
- 1 objectif principal affiché : la souveraineté alimentaire. C'est ce que met en avant le ministre dans l'élaboration de son plan stratégique.
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