L'Oise Agricole 09 août 2020 a 13h00 | Par Dorian Alinaghi

Julien Grégoire fait d’une bière deux coups

Julien Grégoire, jeune agriculteur à Thieux sur la ferme du Tilloy, fait partie des rares malteurs. Rigueur et précision sont les mots d’ordre de cet agriculteur pour produire une mousse paysanne, locale et verte.

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Julien Grégoire commercialise à partir de 2,5 € en 33 cl. Un prix qu’il a fixé afin de pouvoir se rémunérer. L’entrepreneur vend aussi son malt (en 1 et 25 kg) aux passionnés qui brassent dans leur cuisine ou à de petites brasseries sur son site internet : www.ferme-du-tilloy.fr
Julien Grégoire commercialise à partir de 2,5 € en 33 cl. Un prix qu’il a fixé afin de pouvoir se rémunérer. L’entrepreneur vend aussi son malt (en 1 et 25 kg) aux passionnés qui brassent dans leur cuisine ou à de petites brasseries sur son site internet : www.ferme-du-tilloy.fr - © D.

Fin 2015-début 2016, Julien Grégoire est la sixième génération à s’installer dans la ferme familiale à Thieux, dans l’Oise. Cette ancienne ferme de l’abbaye de Beauvais d’une superficie de 300 hectares, produit blé, orge et betterave. Julien Grégoire a brassé plusieurs formations pour devenir agriculteur mais aussi spécialiste de la fabrication de la boisson houblonnée. «J’ai suivi des études avec un BTS agricole à Genech, après le bac. J’ai continué en master en productions végétales et en industries agroalimentaires (PVIA) à l’UPJV d’Amiens. J’ai une formation scientifique orientée sur la sélection végétale avec des connaissances très élargies sur la microbiologie en général.» explique-t-il.

Cependant, suite à la moisson catastrophique de 2016, Julien Grégoire a décidé de se diversifier pour amener une valeur ajoutée à l’exploitation. «Cette moisson a marqué les esprits de tout le monde et j’espère que ça sera la dernière. Grâce aux modules à la fac, j’ai appris à brasser. Comme quoi, les études supérieures nous font aimer la bière (rire). Pendant mes stages, c’est un peu un concours de circonstances, j’ai rencontré des gens qui, durant leur temps libre, avaient la passion du brassage. Une chose en amenant une autre et à force d’être dans le sujet, il y a deux fils qui se sont connectés. Je me suis lancé à faire de la bière à la ferme.» ajoute-t-il.

De la terre à la chope

La genèse du projet est formidable et donne une plus value à l’exploitation. Cependant, Julien Grégoire allait manquer de matière première et doit acheter les produits nécessaires à son projet. «L’avantage, c’est que nous sommes semenciers et producteurs d’orge de brasserie. L’étape de la malterie manque, précise-t-il. Du coup, on a déroulé un projet malterie en voulant un produit 100 % fermier. Le marché de la brasserie est en pleine expansion, il faut avoir sa marque de fabrique, sa valeur ajoutée pour sortir du lot. Il y a tellement de richesse dans ce milieu et pour faire la différence, il faut exceller dans la rigueur et l’hygiène.» poursuit-il. Le seul produit qu’achète Julien Grégoire est le houblon d’Alsace, provenant d’une coopérative. Il cherche dans ce produit le goût du terroir indétrônable alsacien pour donner le goût tant recherché dans une bière.

De la bricole, de la débrouille et de l’huile de coude

Il aménage une brasserie de 80 m2 dans une ancienne bergerie. Il investit dans une cuverie pour produire 110 litres de bière par jour. «Pour la fabrication, j’étais assez autodidacte. C’est un processus qui existe depuis des milliers d’années et avec les tutoriaux, les forums sur internet, on peut apprendre à faire de la bière assez simplement» indique Julien Grégoire. Il décide de lancer sa propre production de malt, une activité que les agriculteurs pratiquent rarement du fait de sa complexité.

Cette étape consiste à faire germer le grain par trempage dans l’eau et arrêter ensuite sa croissance par un passage au four à haute température (jusque 300ºC). Le jeune agriculteur a confectionné ses propres outils, mais il a également acquis un four venant de la MAP France (société de four de boulangerie). «Ils ont accepté de travailler avec nous et de modifier totalement leur four de boulanger. Celui-ci n’est plus capable de cuire la moindre baguette, mais il est capable de faire du malt avec un logiciel totalement adapté. C’est plus dur de faire un bon malt que faire de la bonne bière.» détaille-t-il.

Un nouveau hangar de 180 m2 avec une nouvelle unité de production va faire surface dans l’année. L’objectif de base pour ce jeune agriculteur est d’atteindre 10.000 litres : «l’an dernier, on a produit 7.000 l» ajoute-t-il.

Il a décidé d’investir dans un outil de fabrication de 1.000 l avec deux cuves de brassage et une cuve tampon de 1.200 l pour rationaliser la production. L’étiquetage et l’embouteillage seront totalement automatisés. En période de croisière, il souhaite passer à 20.000 litres.

Bière qui mousse amasse la foule

Julien Grégoire s’occupe seul de la brasserie et de la malterie. «Je ne dis jamais non au petit coup de main (rire), surtout quand il faut faire l’embouteillage, les capsules ou remplir les bouteilles.» Sans le soutien des autres associés, ses parents, la brasserie n’existerait pas : «je ne pouvais pas gérer les 300 hectares de l’exploitation et la brasserie à moi tout seul». C’est un travail de tous les instants. À la moisson, il sélectionne l’endroit le plus adéquat dans le champ pour ses grains. Dorénavant, il assemble son malt, le houblon, la levure, l’eau, brasse et déguste sa bière. Ce jeune agriculteur produit sept malts différents. Blonde, ambrée ou brune, la Tils’Oise sait se décliner pour le plaisir de chacun. Sinon, laissez vous tenter par la Rhino cirrhose. Cette boisson n’est pas fatale, bien au contraire, elle est plutôt destinée à être servie en bar, grâce à son côté très rafraîchissant. Selon Julien Grégoire, une bonne bière est une boisson «qui donne envie d’en ouvrir une autre. Il faut qu’elle soit savoureuse, généreuse et rafraîchissante. Ce que l’on va retrouver dans nos bières, c’est le goût du malt. Le goût de la céréale va prédominer les aromatiques de la Tils’Oise. Je travaille donc moins le houblon et la levure.» précise-t-il.

Il insiste pour garder son statut d’agriculteur, la brasserie est une activité annexe à la ferme, avec tout de même de la création d’emplois. Il a des idées : les prochaines bières seront produites sans émission de CO2 grâce au miscanthus. Le résultat, ce sont des petits copeaux de paille qui serviront de combustible dans une chaufferie biomasse. L’avantage du miscanthus vient de sa capacité à capter du CO2 lors de sa croissance. Lors de sa combustion, il va rejeter autant de CO2 que celui capté. Ce qui produit une énergie des plus propres. Le miscanthus, c’est de l’énergie à l’état pur, 4,2 kw/kg de matière. Une tonne de matière représente plus de 400 litres de fuel domestique, sans la problématique pollution du fuel !

On peut retrouver ces bières tous les premiers vendredis du mois sur le marché du terroir de Saint-Just-en-Chaussée, tous les premiers samedis matin sur le marché du terroir devant la mairie de Breteuil. Sinon, elles sont disponibles tous les vendredis après-midi de 14 à 18 heures à la ferme. «Elles sont également vendues dans les magasins de producteurs dans un rayon de 10 à 15 kilomètres autour de la ferme du Tilloy. On est aussi en discussion avec les Gam vert et le caviste Nicolas.» affirme Julien Grégoire. La ferme du Tilloy est donc une exploitation qui produit de l’orge et du miscanthus. C’est une malterie avec une brasserie indépendante. La ferme produit de l’électricité photovoltaïque et elle a fait le choix, dans tous ses process de transformation, d’être autonome en énergie verte et écoresponsable. Quel exploit ! Santé !

Un site pour trouver partout une brasserie près de chez vous

Parce que cet été, les vacances seront différentes, c’est le meilleur moment pour sortir des sentiers battus. Tendance de fond initiée depuis quelques années, le tourisme local et patrimonial va connaître un véritable renouveau. Pourquoi ne pas partager une expérience avec un brasseur et soutenir la profession en même temps ?

Les Hauts-de-France comptent 131 brasseries en 2019 !

Il y a toujours une brasserie à proximité de son lieu de résidence ou de son lieu de vacances, ouverte à la visite du public pour faire découvrir les différentes étapes de fabrication de la bière. Chaque région a ses spécialités gastronomiques et la bière en fait évidemment partie ! Chaque brasseur possède un savoir-faire unique qui lui permet de proposer ses propres recettes créées avec des matières premières de qualité. Des matières premières (eau, orge malté, houblon, levure) naissent des milliers de recettes qui contribuent à la richesse et à la diversité du paysage brassicole français. C’est ce patrimoine et ce savoir-faire que proposent de partager les brasseurs en accompagnant le public sur leur site de production : découvrir les différentes variétés de houblon, les couleurs du malt, les techniques de fermentation, les meilleurs accords de leurs bières avec les produits de leur terroir.

En 2019, près d’un million de visiteurs ont franchi les portes d’une brasserie et ont ainsi pu se familiariser avec les techniques de fabrication de la bière, ainsi que son vocabulaire pour en parler : pétillance, amertume, astringence, douceur... déjà par les mots, tout un voyage ! Le site biere-tourisme.fr indique par région les différentes brasseries ouvertes au public, leurs coordonnées, leurs horaires d’ouverture, les animations et dégustations proposées. Cette année, les brasseurs se sont organisés pour accueillir le public en toute sécurité : respect de distanciation, port de masque, mise à disposition de gel hydroalcoolique à l’attention des visiteurs...

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