L'exode forcé des maçons de la Creuse
Au XIXe siècle, de nombreux maçons de la Creuse partent en exode vers Paris en raison de difficultés économiques et de conditions agricoles difficiles. Ils étaient tous, pour la majorité, des enfants de paysans et incarnaient des valeurs de courage, d'opiniâtreté et de travail acharné.
Le territoire creusois avait à l'époque un sol pauvre qui permettait difficilement au paysan de vivre. Il est notoire qu'en Marche, les terres y étaient légères, noires et maigres. On ne pouvait y récolter chaque année autant de grains qu'il était nécessaire pour la subsistance des habitants. En effet, constitué essentiellement de bocages, de moyennes montagnes et d'un sol granitique, le département de la Creuse manque de terres fertiles et de ressources naturelles. La légèreté de la terre nécessite même de laisser chômer un an sur deux les cinq sixièmes du sol labourable. Quant aux cultures alternatives, elles ne sont guère plus riches puisqu'on ne trouve pas de vigne, peu de fruits et la culture du froment reste difficile. Toutes ces contraintes affectent les revenus et la qualité de vie du paysan creusois. À ces terres peu productives, s'ajoutait une loi de succession interdisant la division d'une propriété. Alors, quand un parent mourrait, le fils aîné devait dédommager les puînés. Certains, faute d'argent, devaient se résoudre à vendre les terres, d'autres, endettés par le remboursement des quotes-parts (car à cette époque, les familles sont nombreuses) sont contraints d'émigrer afin de vendre leurs compétences. En 1860, 33 000 Creusois partiront en exode. Les maçons migrants partent principalement entre début mars et mi-avril pour un retour vers la mi-novembre ou mi-décembre. Ce sont donc les femmes et les aînés restés au pays qui assurent les travaux estivaux des champs et les récoltes.
Un développement citadin intensif
Au XIXe siècle, de nombreux chantiers se développent afin de moderniser et de restructurer l'espace urbain comme à Paris ou à Lyon. Ces transformations prennent leur plein essor au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Ces grands travaux vont requérir alors une importante main-d'oeuvre issue principalement des provinces. Depuis des siècles, la Creuse, et plus largement le Limousin, offre à tous ces chantiers une force vive et un savoir-faire reconnu. Les migrants creusois s'exilent dans de très nombreuses régions françaises. La majorité se rend vers Paris et la région parisienne, là où l'industrie du bâtiment est la plus active et la plus lucrative. Mais les migrants partent aussi vers Lyon ou Bordeaux. Selon les cantons creusois, la destination de la migration est différente, ainsi les migrants du nord-ouest du département se dirigent vers Paris. Les habitants des cantons d'Auzances et d'Évaux-les-Bains préfèrent se rendre à Lyon ou Saint-Étienne. D'autres vont vers les régions de l'Ouest, comme la Charente, les Deux-Sèvres, la Vienne ou la Vendée. Ces migrants avaient besoin d'un passeport intérieur jusqu'en 1890, car ils étaient considérés comme vagabonds.
Des bâtisseurs compétents
Les maçons de la Creuse ont préféré quitter une terre qui ne leur permettait pas de vivre décemment pour se rendre là où se trouvaient le travail et les perspectives d'un meilleur salaire. Ces hommes incarnent une identité creusoise réputée dans toute la France : celle des grands bâtisseurs véhiculant des valeurs de courage, d'opiniâtreté et de travail acharné. L'impact de la migration a été double. Les migrants, à leur retour hivernal, répugnent parfois à se livrer aux travaux agricoles, et consacrent une grande partie de leur temps aux relations sociales. Ils perdent le goût du travail agricole. Une exposition, proposée par les Archives départementales de la Creuse, intitulée « Les maçons de la Creuse au XIXe siècle, un exode vers Paris » raconte autour d'une scénographie originale cet exode. L'exposition, visible jusqu'au 14 janvier, a aussi le mérite de décrire minutieusement la vie parisienne des maçons, versant moins connu de l'histoire. Pour tous, la vie était précaire.
En filigrane, la figure tutélaire de Martin Nadaud
Martin Nadaud est une figure creusoise incontournable par son histoire, ses deux bras cassés pour être tombé d'un échafaudage en 1830, son avenir politique, jusqu'à la rédaction de ses mémoires de Léonard, au soir de sa vie en 1895. OEuvre majeure avec ses témoignages culturels et politiques. Il mourut en 1898 et est enterré à Soubrebost, son village natal. Reste aussi un hymne dans les mémoires creusoises : la chanson des maçons de la Creuse, écrite par Jean Petit dit Jan Dau Boueix. «Quand revient le printemps, ils quittent leurs chaumières : adieux amis, parents, enfants, pères et mères».
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