L'Oise Agricole 01 janvier 2025 a 07h00 | Par Vincent Fermon

La betterave, une culture au gros potentiel contrarié

Le congrès annuel de la Confédération générale des betteraviers (CGB), qui s'est tenu à Arras (62) le 10 décembre dernier, s'est penché sur les conditions de la pérennité de la culture de betteraves sucrières en France.

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Le potentiel de la betterave est contrarié par de multiples facteurs, ont rappelé les participants à une table ronde organisée à Arras, dans le cadre du congrès annuel de la CGB.
Le potentiel de la betterave est contrarié par de multiples facteurs, ont rappelé les participants à une table ronde organisée à Arras, dans le cadre du congrès annuel de la CGB. - © CGB

D'une table ronde où il devait être question des utilisations de la betterave en 2030, on est passé rapidement à un débat sur les conditions et recommandations à mettre en oeuvre pour tout simplement continuer à produire de la betterave dans les prochaines années. D'ici 2030, et bien que la consommation de sucre soit régulièrement vilipendée, on devrait continuer à en consommer. Ce qui devrait en revanche progresser, c'est la part de betteraves consacrées à la production d'alcool, en particulier pour la fabrication de carburants. Directeur «réglementation, advocacy et représentation» de Total Énergies, Pascal Manuelli l'assure : «La filière éthanol est dans un environnement porteur (...) On est dans un trend favorable qui doit nous permettre de développer les biocarburants.» Du côté de l'aéronautique, on parle aussi de transformer de l'alcool pour en faire du «jet fuel». Le problème néanmoins pour faire décoller ce débouché n'est autre qu'une contrainte réglementaire.

Compétitivité en défaut

La suite des discussions entre Xavier Astolfi (Cristal Union), Pascal Manuelli (TotalEnergies), Arthur Portier (Argus Media) et Guillaume Wullens (agriculteur) montrera que si les idées ne manquent pas, les freins sont nombreux. En effet, bien que les possibilités offertes par la betterave soient nombreuses, encore faudrait-il que les producteurs soient en mesure d'en exprimer le potentiel, ce qui n'apparaît pas de manière aussi évidente, mettant en cause un défaut de compétitivité. Pour le directeur de Cristal Union, l'avenir de la betterave passe en effet par «la compétitivité, le changement de pratiques agronomiques, de l'innovation, des investissements...» Malheureusement, regrette Xavier Astolfi, «on est accablé par des lourdeurs administratives, fiscales...» Et si la France apparait comme l'un des pays les plus pro-actifs en la matière, elle n'en porte pas seule la responsabilité, comme l'indique M. Astolfi : «L'Union européenne impose des contraintes, peut être naïvement en pensant que d'autres régions du monde le feront aussi, mais ce n'est pas le cas...»

Risque d'étouffement

Pour Arthur Potier, c'est la politique de l'UE en matière de commerce internationale qui est à remettre en cause : «Laisser entrer chez nous des produits qui ne sont pas soumis aux mêmes règles devrait choquer tout le monde», s'étonne-t-il. Consultant spécialiste de la consommation, Philippe Goetzmann considère pour sa part que la responsabilité des personnalités politiques française est conséquente : «Depuis vingt ans, on a des politiques qui jouent les gros bras en pensant faire plier les autres et l'on voit que ce n'est pas le cas...» Pour le journaliste, le niveau actuel des dépenses publiques est aussi un frein : «Tant que nous aurons des dépenses publiques plus importantes qu'ailleurs, pour un moindre résultat, on continuera à étouffer ce qui reste et qui n'est pas délocalisable, jusqu'à ce que cela disparaisse.» Et la filière betterave en fait partie.

Visibilité et revenu

Pour Guillaume Wullens, c'est l'étendue des moyens de production et le revenu qui conditionneront l'avenir de la betterave sur son exploitation : «Je veux pouvoir garder un panel large de cultures sur ma ferme, avec des rotations longues, mais je ne pourrai le faire que si j'ai de la rentabilité et de la valeur ajoutée.» Autres conditions selon le producteur, celles d'avoir «de la visibilité, un État fort et prévoyant, la prise de mesures urgentes pour nous permettre de garantir des moyens de production et des prix...» Et pourquoi pas aussi un ministre de l'Agriculture capable de défendre les intérêts de la France à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières, aussi ? Chiche !

Alexis Hache (CGB Oise) : «Les mêmes règles du jeu pout tout le monde»

À l'occasion d'une table ronde où quatre intervenants étaient invités à croiser leurs regards sur l'agriculture française, Alexis Hache, président de la CGB 60, n'a pas fait mystère des conditions nécessaires à la compétitivité de l'agriculture française : «Ce qui fait que l'on fait ce métier, c'est le sens qu'on lui donne, l'attachement au territoire, un héritage familial, mais aussi parce qu'on a envie de transmettre et pour cela, on doit avoir un cadre et des règles du jeu qui soient les mêmes pour tout le monde.» Des atouts, l'agriculture française en a, veut croire le responsable professionnel : «On a un système de traçabilité, des produits de qualité...». Ce qui manque ? Le soutien des politiques pour donner à l'agriculture un terreau plus favorable : «Si nos politiques pouvaient nous donner les mêmes moyens que ceux qu'ont nos voisins proches, on devrait y arriver (...) Les agriculteurs ne sont pas contre les transitions, mais encore faut-il avoir les moyens de les financer et ne pas vouloir aller plus vite que la musique.» Autre enjeu, et pas des moindres, celui du revenu : «Si on n'arrive pas à créer des filières qui permettent de générer du revenu, on n'emmènera personne avec nous... Créez de la valeur et vous verrez que le renouvellement des générations ne sera plus un problème.»

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