L'Oise Agricole 23 octobre 2022 a 14h00 | Par Pierrick Bourgault

La «sécurité sociale alimentaire» selon Thierry Marx

Pour Thierry Marx, chef multi-étoilé, le prix des produits agricoles n'est pas une charge, mais un investissement en santé publique : «Il faut payer l'agriculture correctement afin que l'alimentation soit de qualité, sinon le coût social et sanitaire sera élevé.» Porte-parole de l'association Bleu-Blanc-Coeur, il est également ambassadeur du Grand Repas du 20 octobre.

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Le chef Thierry Marx présente le Grand Repas.
Le chef Thierry Marx présente le Grand Repas. - © Pierrick Bourgault

Chef des restaurants de la tour Eiffel, la tête dans les étoiles de la gastronomie, Thierry Marx garde les pieds sur terre. «La France compte 10 millions de personnes qui reçoivent l'aide alimentaire et il ne faut pas que la variable d'ajustement soit le low cost. On sait que l'obésité s'est développée dès 1970 avec l'arrivée de la malbouffe. On connaît le coût de la santé lié à une mauvaise alimentation, en particulier l'obésité avant 15 ans et le diabète de type II. Aux États-Unis, la boîte de médicaments pour soigner ce diabète vaut 1.000 $. En France, on a la chance d'avoir une sécurité sociale, mais qui bientôt ne pourra plus faire face à ces dépenses.»

La solution : circuits courts et produits locaux de qualité, mais leur coût est supérieur et en forte croissance dans le contexte actuel, inaccessible aux cantines scolaires, d'entreprises, d'hôpitaux. Thierry Marx poursuit son argumentaire : «Ce n'est pas un coût, mais un investissement en santé publique. C'est un combat politique, au sens noble du terme, pas la volonté d'être élu, mais une action utile à tout le monde. C'est plus important que de planter des fleurs sur les ronds-points ! L'agriculture est un investissement, car on devient ce que l'on mange.» Voilà la «sécurité sociale alimentaire» que propose le chef pour diminuer, à long terme, les dépenses de santé. Concrètement, Thierry Marx suggère «trois entrées au lieu de cinq, trois plats au lieu de cinq, mais de meilleures qualités».

La démarche Bleu-Blanc-Coeur, qu'il suit depuis une vingtaine d'années, lui semble un bon exemple «pour la qualité des sols, de l'élevage, des repas». On ne parle pas de gastronomie, mais de repas qui crée du lien social, car manger mieux est une approche globale.

Le Grand Repas

Thierry Marx s'est exprimé le jeudi 20 octobre, lors du lancement de l'opération Grand Repas dont il est ambassadeur avec le chef du restaurant du palais de l'Élysée, Guillaume Gomez. «Je défends les mêmes valeurs que Thierry Marx : partage, vivre ensemble, éducation au goût... L'ancrage territorial valorise les acteurs locaux : cuisiniers, artisans, producteurs et celles et ceux qui, par leur travail au quotidien, permettent cette transmission du savoir-faire et de ce modèle alimentaire français que l'on souhaite conserver. Avec une alimentation plus engagée, en termes d'environnement, de santé et de gourmandise.»

Qu'est-ce que le Grand Repas ? Le concept est simple : une fois l'an, le même jour (cette année, jeudi 20 octobre), le même menu est partagé par les citoyens d'un même territoire. Chaque menu est élaboré et conçu par une marraine ou un parrain chef local, a? partir de produits locaux et de saison. L'association Le Grand Repas coordonne et met en oeuvre une série d'initiatives locales, régionales et nationales, pour sensibiliser au patrimoine gastronomique et le transmettre.

Tous les lieux sont concernés : cantines scolaires de la maternelle à l'université, restauration collective publique ou privée, restaurants traditionnels, associations caritatives, Ehpad, centres hospitaliers...

C'est aussi une occasion de signaler au niveau national des initiatives locales, illustrations d'une alimentation responsable. Ces enjeux essentiels des circuits courts, de la lutte contre le gaspillage, de l'éducation au goût, de la santé et du bien-être s'incarnent avec la présentation d'acteurs locaux, des agriculteurs aux chefs. En 2021, le Grand Repas avait été servi à 280.000 convives.

Les chefs locaux

Bien sûr, un menu identique ne saurait être proposé de Perpignan à Dunkerque. Pour cette journée du mieux manger, qui rêve d'acquérir la notoriété de la Fête de la musique, les parrains des territoires sont les chefs en région qui concoctent un menu à partir d'ingrédients locaux, en tenant compte des contraintes de budget et de fabrication, en particulier dans les cantines des hôpitaux.

Pour l'Ain et le Pays de Gex, le parrain est Julien Thomasson, chef du restaurant de l'hôtel La Mainaz, dans l'Ain, à la frontière du Jura et de la Suisse, une étoile Michelin. Les Alpes-de-Haute-Provence sont représentées par Julien Assaud, professeur de cuisine au lycée hôtelier de Sisteron. Lionel Giraud (Aude) est le parrain du terroir narbonnais. Pour la Bretagne nord, c'est Florian Michel, formateur à l'Ifac de Brest. Chef d'une cuisine collective, Lakhdar M'krem parrainne la Bretagne sud. Le Centre a pour ambassadeur Ambroise Voreux, qui cuisine les poissons d'eau douce de la Loire.

Fille et petite-fille d'agriculteurs, Cécile Briaud-Richard dirige La Pierrevue (elle parraine les Charente et Charente-Maritime) et Alexandre Prestat Le Sentier des Saveurs à Parthenay (parrain des Deux-Sèvres et Vienne). Drôme et Ardèche sont représentées par Olivier Samin, chef du Carré d'Alethius, une étoile, et Christian Mouktarian, responsable fabrication en cuisine collective. Christophe Dovergne, chef consultant crée le menu des Hauts-de-France, Christophe Marguin (Le Président, Lyon) celui du Rhône et de l'Isère, et Jacques Marcon, de la table qui porte le nom de sa famille, celui de Loire et Haute-Loire. Enfin, la Réunion, avec Kevin Minatchy, chef des Dina Morgabine.

De la restauration pénitentiaire aux étoilés, les auteurs des menus de ce Grand Repas incarnent des rapports bien différents à la nourriture.

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