Les industriels alertent sur la flambée des coûts
La reprise économique sur fond de pandémie de Covid-19 entraîne de fortes perturbations sur les marchés des matières premières, tant agricoles qu’industrielles. Les entreprises agroalimentaires lancent l’alerte.
Après avoir consulté ses entreprises adhérentes, l’Ania (industries agroalimentaires) «alerte sur la flambée du prix des matières premières et les fortes tensions sur les approvisionnements». Dans une note de conjoncture du 8 juin, la fédération explique que «la crise de la Covid-19 bouleverse les équilibres économiques mondiaux et génère, en sortie de crise, d’importantes tensions sur le prix et la disponibilité des matières premières agricoles, alimentaires et industrielles sur fond de forte reprise et d’aléas climatiques».
Cette situation conjoncturelle demande, selon les entreprises alimentaires interrogées par l’Ania, un besoin de hausse tarifaire de 9 % en moyenne. Les industriels rapportent en effet des hausses de prix des matières premières alimentaires de 22 % et de 14 % des matières premières industrielles (carton, transport, plastiques, etc.). 70 % de ces entreprises indiquent être aujourd’hui pénalisées par l’allongement des délais de livraison, multipliés par deux voire trois, dans un contexte où les stocks des industriels sont actuellement au plus bas.
«Pour le secteur agroalimentaire, cette situation doit être prise au sérieux : les conséquences de ces tensions en approvisionnement pourraient affecter les capacités de production du secteur sur l’ensemble de l’année 2021 et ébranler le rebond des activités industrielles en sortie de crise», alertent les industriels.
Les filières s’alarment
De nombreuses filières se font écho de la situation. Le SVFPE, Syndicat des fabricants de produits végétaux frais prêts à l’emploi (salades en sachet, etc.), s’alarme d’une «hausse généralisée» des coûts de production. Dans un communiqué du 7 juin, il évoque une hausse «record» des coûts d’emballage en plastique et en carton, ainsi qu’une «flambée des tarifs liés au transport». Des surcoûts qui s’ajoutent aux «lourds investissements» engagés dans la transition agroécologique et l’économie circulaire (notamment agriculture bio, réduction des phytos et adaptation au changement climatique), ainsi qu’au manque à gagner lié à la fermeture de la RHD depuis le début de la crise sanitaire.
Les industries des corps gras et des sauces condimentaires ont également alerté le 9 juin sur «l’explosion du coût des huiles de tournesol, colza et lin» qui les affecte. «L’inflation des huiles qui composent majoritairement les margarines et autres matières grasses associées est plus que palpable : + 130 % sur l’huile brute de tournesol, des prix multipliés par deux sur l’huile brute de colza» en glissement annuel, selon les Huileries et margarineries de France et la FICF (condiments). En cause, une faible récolte mondiale et une hausse de la demande des pays importateurs, expliquent les deux organisations.
Appel aux distributeurs
Les industriels laitiers alertent aussi sur la hausse des coûts de fabrication qu’ils subissent. «Il y a une hausse des coûts industriels sur le transport, l’énergie et les emballages. Nous avons quelques sueurs froides», explique Jehan Moreau, directeur de la Fnil, lors de son assemblée générale le 3 juin. «Nous courons derrière les conteneurs maritimes pour exporter», illustre-t-il. Alors, les industriels appellent la grande distribution à prendre en compte cette hausse des coûts. «Si notre industrie est dans l’incapacité de répercuter de manière raisonnable une partie de ces inflations, nos ambitions communes pour une alimentation plus sûre, plus saine, plus durable et une meilleure rémunération de nos agriculteurs, sont en danger», avertit l’Ania.
La réponse de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) qui représente une partie des enseignes françaises de grande distribution n’a pas tardé. «Merci à l’Ania pour sa franchise. La non-négociabilité des tarifs qu’elle revendique, ce serait immédiatement 9 % de hausse des prix!», ironise sur Twitter son président Jacques Creyssel en faisant planer la menace d’une baisse de pouvoir d’achat si une telle mesure devait être mise en place dans le cadre de la proposition de loi Egalim 2.
Grégory Besson-Moreau, rapporteur de la PPL Egalim 2
Egalim 2 : «Cette loi sera une des grandes lois
du quinquennat»
L’examen de la proposition de loi (PPL) «visant à protéger la rémunération
des agriculteurs», aussi appelée
Egalim 2, a débattu le 15 juin
en commission des Affaires économiques avant de se poursuivre dans l’hémicycle le 24 juin. Malgré les critiques que la première version avait pu soulever, notamment de la part des industriels, son auteur et futur rapporteur, le député marcheur Grégory Besson-Moreau, assure qu’il a, depuis, rassuré les différents maillons de la chaîne alimentaire.
Comment appréhendez-vous l’examen par le Parlement de votre proposition de loi ?
J’aborde cet examen avec beaucoup d’envie car c’est l’aboutissement d’un cycle de travail qui a duré près de trois ans. Cela a commencé par la commission d’enquête sur Lactalis [qui a fait suite au scandale du lait infantile contaminé à la salmonelle, ndlr] dont j’ai été rapporteur ; puis la loi Egalim et son suivi ; et, enfin, la commission d’enquête sur les pratiques de la grande distribution dont j’ai également été rapporteur. Cela a été trois années de travail commun avec les agriculteurs, mais aussi avec les industries agroalimentaires et la grande distribution, trois secteurs intimement liés.
Les réactions ont été vives du côté des industriels à la suite du dépôt de votre PPL. Sans renforcement du tarif fournisseur, ils prédisent un «affaiblissement du maillon industriel». Que leur répondez-vous ?
Quand nous proposons une loi, il peut y avoir des incompréhensions, des craintes face au changement, mais je les ai rassurés. Nous avons travaillé sur des propositions d’amendements pour faire en sorte que le texte de loi soit moins contraignant tout en gardant l’objectif de meilleure transparence pour une meilleure rémunération des agriculteurs en sécurisant le secret des affaires. Nous avons trouvé un équilibre entre la grande distribution, l’agroalimentaire et l’agriculture. Lors de la loi Egalim, nous avons privilégié le contrat de confiance. Maintenant, l’idée est d’y ajouter un peu de contraintes législatives. C’est un texte extrêmement attendu. Cette loi sera une des grandes lois du quinquennat. Mais attention, il ne s’agit pas d’une loi Egalim 2 car la loi Egalim touchait à un très grand nombre de sujets comme le bien-être animal, la sécurité alimentaire, etc.
À quels ajustements du texte peut-on s’attendre si vos amendements sont adoptés ?
Nous sommes encore dans la phase de consultation sur ces amendements. Le monde agricole verra des réglages. Nous travaillons pour plus de transparence au- près de la grande distribution, plus de protection dans la construction du tarif pour les industriels et pour le monde agricole, pour plus de protection lorsqu’il souhaite saisir le médiateur.
L’article 1er de la PPL fait des contrats écrits et pluriannuels la norme en matière de contrats de vente de produits agricoles entre un producteur et son premier acheteur. Il prévoit également des dérogations. Quels secteurs pourraient être concernés ?
Les secteurs hors contractualisation seront définis par un décret. C’est le ministre qui l’écrit. Je pense malgré tout qu’il doit y avoir une réflexion intelligente sur les céréales. Sur les fruits et légumes frais, c’est sûr qu’il peut également y avoir des difficultés à contractualiser. À côté, le vin est une filière qui est construite complètement différemment de ce qui se fait ailleurs. À l’inverse, quand on voit les difficultés des betteraviers, la filière sucre, qui ne faisait pas partie de la loi Egalim, doit entrer dans ce schéma de contractualisation.
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