Les industriels et les distributeurs ont amorti la hausse des prix
En 2022, les industriels et les distributeurs n'ont pas répercuté l'intégralité des hausses de prix qu'ils ont subi sur leurs achats et ont contribué à freiner l'inflation des produits alimentaires. Les agriculteurs ont amélioré leurs marges.
«Les deux maillons de l'industrie et de la distribution ont écrasé la hausse des prix», a observé Philippe Chalmin, le président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM), en présentant son rapport 2022, le 22 juin à Paris. En effet, alors que les prix agricoles à la production ont augmenté en moyenne de 20,9 % en 2022 par rapport à 2021, les prix des produits de l'industrie alimentaire n'ont progressé que de 16,7 % sortie usine, et les prix alimentaires à la consommation de 7,4 %, selon l'Insee.
Autre observation qui confirme le rôle d'amortisseur de l'industrie alimentaire et de la distribution, l'évolution du taux de marge brute des différents maillons de la filière. Il est passé de 26 % à 25 % pour les industriels de l'alimentaire et de 32 % à 29 % dans la grande distribution entre 2021 et 2022, alors que les agriculteurs ont reconstitué les leurs. Enfin la part de la matière première agricole dans les produits finaux suivis par l'OFPM a augmenté : elle est passée de 42 % à 46 % sur cette période.
Plusieurs facteurs conjugués
Au niveau de la production agricole, l'augmentation des prix observée l'an dernier est issue de la convergence de deux phénomènes, selon Philippe Chalmin. Le premier renvoie à la hausse des prix des céréales et des oléagineux sur les marchés mondiaux consécutive à la guerre en Ukraine. Mais pas seulement. Celle du blé tendre avait démarré dès 2021 à cause des achats chinois, celle du blé dur et du colza également à la suite de la canicule au Canada, à l'été 2021.
Parallèlement en Europe, les prix du porc, de la viande bovine et du lait ont été «boostés» par la décapitalisation des cheptels et les abandons de production. Ainsi le prix du porc à la production a progressé de 25,3 % en moyenne entre 2021 et 2022 (de 1,50 EUR/kg à 1,88 EUR/kg), la viande bovine de 32,9 % (de 3,68 EUR/kg à 4,89 EUR/kg en moyenne). Ont également augmenté significativement à la production les prix du lait et du blé.
Pour la plupart des produits ces hausses ont été écrasées aux différents stades de la transformation et de la distribution. Par exemple le jambon cuit en libre-service. Ainsi en décomposant son prix entre les différents maillons de la filière l'Observatoire révèle que la part producteur a augmenté de 27,9 %, la marge brute de l'abattage/découpe et de la charcuterie salaison est restée quasi stable (- 0,4 %) et celle du distributeur a baissé
(- 18,4 %). Ici, c'est la distribution qui a amorti le choc, le prix au détail n'ayant progressé que de 1,7 %. Autre exemple le steak haché. La part producteur a progressé de 35,8 % dans la valeur finale, l'industrie a vu sa marge rogner (- 11,4 %), comme celle du distributeur, mais dans une moindre mesure (- 6,1 %). Quant au consommateur il a vu le prix de son steak progresser d'un niveau moindre de 11,2 % en moyenne entre 2021 et 2022.
Gagnants et perdants
Pour la baguette de pain, les meuniers ont amputé leurs marges alors que les distributeurs ont conservé la leur. Au bout du compte, on peut dire que l'augmentation du prix du blé à la production a été répercutée au consommateur, mais pas celle de l'énergie et autres charges. Si bien qu'en 2022, le blé contenu dans la baguette de pain représente près de 11 % de sa valeur contre 8,1 % en 2021.
Quant aux pâtes alimentaires, elles sont le produit dont le prix a progressé le plus au détail (+ 26,3 %), l'augmentation de la matière première, de l'énergie et des emballages ayant été répercutée en grande partie par les différents stades de la filière jusqu'au consommateur final. Idem pour les légumes. Alors que les fruits constituent la seule famille où les prix sont restés stables au détail entre 2021 et 2022.
Selon Philippe Chalmin, cette situation pourrait ne pas perdurer en 2023. Les prix agricoles ont amorcé une décrue depuis la fin de l'année 2022, alors que les prix des intrants restent élevés. La pression des pouvoirs publics auprès des industriels pour qu'ils acceptent une révision de leurs prix de vente à la baisse, ne sera pas sans conséquence pour les agriculteurs. Seront-ils toujours la variable d'ajustement ? Philippe Chalmin est prêt à le penser. Sur une longue période, depuis la création de l'Observatoire en 2010, «le grand gagnant est le consommateur car il a bénéficié d'une extraordinaire stabilité des prix. C'est l'agriculteur qui a perdu le plus, notamment les éleveurs, ceux de viande bovine et ovine en particulier», observe-t-il.
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