L'Oise Agricole 23 juin 2022 a 09h00 | Par Actuagri

Les opérateurs céréaliers dans l’attentisme

En France, les moissonneuses commencent à battre l’orge d’hiver. La campagne d’exportation s’achève. La guerre en Ukraine et les prix pharaoniques des céréales désorganisent autant qu’ils arbitrent les échanges commerciaux.

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Les pays importateurs de céréales attendent la prochaine récolte pour revenir aux affaires, en espérant que les prix des céréales se seront d’ici là assagis.
Les pays importateurs de céréales attendent la prochaine récolte pour revenir aux affaires, en espérant que les prix des céréales se seront d’ici là assagis. - © Pixabay

Même à plus de 400 € la tonne, le blé français est compétitif. La France achève la campagne avec des exportations en léger retrait par rapport aux prévisions établies les mois passés. Lors du dernier conseil spécialisé «grandes cultures» de la campagne 2021-2022, FranceAgriMer a de nouveau revu les prévisions d’exportations de blé vers les pays tiers en baisse de 150 000 t. À la fin du mois de juin, notre pays aura ainsi exporté 9,1 millions de tonnes (Mt). En ajoutant les ventes réalisées avec ses voisins européens, il aura vendu 17,5 Mt de blé, soit 3,6 Mt de plus que la campagne passée. En fait, les pays importateurs de céréales attendent la prochaine récolte pour revenir aux affaires, en espérant que les prix des céréales se seront d’ici là assagis. Mais en Afrique subsaharienne, le Sénégal fait partie du nombre croissant de pays qui n’ont plus les moyens d’acheter du blé. Tandis que d’autres sont parvenus à se constituer des stocks importants. Il en est ainsi de l’Algérie qui a financé l’équivalent de dix mois de consommation intérieure simplement par la hausse des revenus pétroliers et gaziers.

Quant à la prochaine campagne, l’ensemble des acteurs de la filière céréalière mise en France sur le retour des précipitations pour restaurer le potentiel de production amoindri par deux mois de sécheresse. C’est au mois de juin que les grains se remplissent. Sauf qu’à la mi-juin, le temps était caniculaire. Dans un récent communiqué, la Commission européenne a estimé à 130,4 Mt la production européenne de blé. Il ne s’agit là que d’une énième prévision susceptible d’être revue à la baisse ou à la hausse. En Bulgarie et en Roumanie, le déficit hydrique observé depuis plusieurs semaines, cumulé à de fortes températures, affectent la floraison et la pollinisation des épis de blé.

Russie : 83,5 Mt de blé

Pour l’orge, la nouvelle campagne 2022-2023 a commencé en France avec quelques semaines d’avance : les moissons ont déjà commencé dans le sud-ouest. Selon le dernier bulletin Agreste (ministère de l’Agriculture), la production d’orges d’hiver est estimée à 8,25 Mt (+ 0,4 % sur un an). Mais les cultures d’orges de printemps ont été très affectées par l’absence de précipitations dans les semaines qui ont suivi leur implantation. Le 6 juin dernier, seules 53 % sont bonnes ou très bonnes, soit 30 points de moins que l’an passé à la même époque. Toutes orges confondues, l’Union européenne serait en mesure de produire 52,3 Mt l’été prochain. En attendant, la France achèverait sa campagne d’export en ayant vendu 3,35 Mt d’orges hors de l’Union européenne, 2,72 Mt à ses voisins européens et l’équivalent d’1,35 Mt de grains sous forme de malt.

Sur la scène internationale, les pays importateurs de céréales, qui ont encore les moyens d’acheter des grains, adaptent leurs stratégies d’achats et de ventes en prenant en compte le retrait forcé de l’Ukraine des marchés mondiaux. Quelques initiatives ont été lancées pour transporter notamment des grains par voie ferroviaire depuis l’Ukraine vers le port lituanien de Klaipeda, situé au bord de la mer baltique. Mais les quantités acheminées sont limitées (1 500 t par train et par jour) et les coûts de transports onéreux. Depuis l’ouverture des hostilités en Ukraine, seul un million de tonnes de grains est exporté par mois (3 Mt l’an passé à la même époque). Si l’Ukraine ne parvient à expédier les 20 Mt de grains encore en stocks et à vider ses silos, le pays ne pourra pas stocker la nouvelle récolte de céréales même si celle-ci n’excéderait pas 46 Mt. Alors que la Russie s’apprête à produire 83,5 Mt de blé, lui offrant la possibilité d’en exporter jusqu’à 39 Mt au cours de la prochaine campagne 2022-2023 !

Céréales : un effet ciseaux prix-charges à venir

Selon l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), en congrès à Paris le 8 juin dernier, la clôture fiscale de l’exercice comptable 2021-2022 de leurs adhérents fait d’ores et déjà apparaître un résultat courant moyen, avant MSA, de 53 600 € par unité de travail non salarié. Le meilleur depuis près de quinze ans. Mais la prochaine campagne 2022-2023 débute pleine d’incertitudes et celle de 2023-2024 s’annonce déjà sensible.

Des coûts de production en hausse

En fait, les résultats économiques 2022-2023 dépendront des arbitrages opérés par les céréaliers à la tête de leur exploitation, tout au long de la campagne (prix auxquels les intrants ont été achetés, prix de vente des céréales etc.). Mais pour 2023-2024, le coût de production de la tonne de blé atteindrait d’ores et déjà 315 € en moyenne, soit 100 € de plus qu’en 2022-2023. Autrement dit, le moindre retournement des marchés des céréales durant l’été 2023 générera des pertes importantes. Celles subies ces derniers jours par les producteurs de blé, victimes des orages violents qui se sont abattus sur leurs exploitations, sont d’ores et déjà très lourdes. Aussi, Éric Thirouin, président de l’AGPB demande au gouvernement Borne et à Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, d’ouvrir à titre dérogatoire, le dispositif calamités agricoles aux grandes cultures en plus des mesures déjà annoncées (exonérations de la taxe foncière, rééchelonnement du remboursement des prêts garantis de l’État, etc.). Tenu au droit de réserve, le ministre n’a pas pu s’exprimer durant le congrès de l’AGPB mais Éric Thirouin n’a pas manqué de lui communiquer la liste des revendications portées par les adhérents de l’association spécialisée lors du déjeuner qu’il a partagé avec lui en toute discrétion.

Contractualiser avec les éleveurs

«Il est temps de connaître quelles seront les règles de la Pac 2023», a déclaré le président de l’AGPB. Par exemple, «la suppression des 4 % de jachère sera-t-elle prorogée ?». L’association spécialisée attend aussi, avec impatience, de prendre connaissance de la dernière mouture de la directive BCAE N°7 portant sur la rotation des cultures. Enfin, l’association spécialisée espère que le plan stratégique national, revu et transmis à la fin du mois de juin à la Commission européenne, n’exclura aucun céréalier. Grâce à la certification HVE2+, ils doivent avoir tous accès aux écorégimes, selon l’AGPB.

Éric Thirouin attend aussi de la prochaine loi de finances rectificative 2022 l’allocation de moyens budgétaires nécessaires pour subventionner à hauteur de 70 % la prime d’assurance récolte et pour ramener à 20 % le taux de franchise d’indemnisation. «Le prochain chèque alimentaire devra aussi être utile à la Ferme France et contribuer à rémunérer les agriculteurs», a-t-il ajouté. Par ailleurs, l’association suggère d’augmenter le plafond de la dotation pour épargne de précaution (DEP), actuellement de 150 000 € pour étaler les revenus de 2021-2022 sur plusieurs exercices comptables. Éric Thirouin reprend aussi à son compte l’idée lancée par feu Xavier Beulin en 2012 : inciter les céréaliers à contractualiser la vente de céréales avec des éleveurs afin de lisser la hausse ruineuse des prix de l’alimentation animale. Et pour rendre cette contractualisation attractive, pourquoi ne pas alors doubler le plafond de la DEP.

La France a acheminé un don de 31 t de semences en Ukraine

La France, première productrice agricole de l'UE, a acheminé 31 t de semences potagères en Ukraine, après avoir fourni entre avril et mai quelque 600 t de plants de pommes de terre, a annoncé le 17 juin le ministère des Affaires étrangères. Ces aides sont destinées à contrer les «effets désastreux de l'invasion russe sur la sécurité alimentaire de l'Ukraine» et ont été offertes par des entreprises françaises spécialisées dans la production et la distribution de semences, précise le quai d'Orsay. Les semences potagères acheminées récemment (betteraves, carottes, choux, tomates...) permettront de couvrir plus de 9 500 ha de terrains agricoles et jardins potagers, et de récolter jusqu'à 260 000 t de productions alimentaires, ajoute le ministère.

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