L'Oise Agricole 13 octobre 2022 a 08h00 | Par Christophe Soulard, M. R., I. L.

Les producteurs d'oeufs satisfaits mais vigilants

Le Comité national de promotion de l'oeuf (CNPO) a organisé, le 5 octobre, une conférence de presse pour présenter les chiffres de la filière. Si ces derniers sont bons, les producteurs restent attentifs aux évolutions de la grippe aviaire et de la hausse des coûts de production.

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Malgré de bons chiffres, les producteurs d'oeufs restent sur le qui-vive avec une grippe aviaire qui reste toujours présente, notamment dans la faune sauvage.
Malgré de bons chiffres, les producteurs d'oeufs restent sur le qui-vive avec une grippe aviaire qui reste toujours présente, notamment dans la faune sauvage. - © Pixabay

Les producteurs d'oeufs ont de quoi se réjouir. Les chiffres présentés par le CNPO portent à l'optimisme avec une hausse des achats des ménages de + 2,7 % sur les huit premiers mois de l'année 2022 comparée à la même période de l'année de référence 2019. «Ces achats ont été tirés par la hausse des achats d'oeufs de poules élevées au sol (+187 %), en plein air (+ 19 %) et en bio (+ 4 %). Les achats d'oeufs retrouvent leur rythme de croissance pré-Covid», a indiqué Yves-Marie Beaudet, président du CNPO. Répondant aux attentes des consommateurs en matière de bien-être animal et en qualité, les oeufs dits alternatifs prennent toujours plus le pas sur les oeufs issus de poules en cages. «Ils représentent aujourd'hui 67 % du mode de production en France contre une moyenne européenne de 58 %», a précisé Yves-Marie Beaudet. Depuis 2013, les élevages en cage disparaissent au rythme de 9 % chaque année et sont remplacés par des élevages bio (+ 11 %), Label rouge (+ 4 %), plein air (+ 9 %) et au sol (+ 15 %). Présenté comme le produit anticrise par excellence, car financièrement abordable et nutritionnellement complet, il est considéré par 91 % des Français (*) comme «incontournable».

Lourds investissements

Malgré ces bons résultats et cette bonne notoriété, les producteurs d'oeufs restent sur le qui-vive avec une grippe aviaire qui reste toujours présente, notamment dans la faune sauvage. Les aviculteurs appellent d'ailleurs à «la plus grande vigilance» en mettant les animaux à l'abri, en appliquant les mesures de biosécurité et en renforçant les auto-tests. «Tout le monde est en alerte maximale», a rappelé Yves-Marie Beaudet. Il a aussi écrit au président de l'Association des maires de France pour qu'il demande aux maires de renforcer la vigilance des basses-cours des particuliers, elles aussi susceptibles de propager ce virus. Les éleveurs de volailles s'inquiètent aussi de la hausse de leurs coûts de production consécutive au renchérissement de l'alimentation animale et de la hausse des coûts de l'énergie, avec des coûts du gaz multipliés par dix et ceux de l'électricité multipliés par trois. La filière doit aussi faire face au surcoût de l'élimination des poussins mâles qui «nécessitent de lourds investissements dans les couvoirs, de l'ordre de 50 millions d'euros sur une année, soit près d'un million d'euros par semaine», a souligné Yves-Marie Beaudet. Mais comme seules la France et l'Allemagne, sans doute rejointes par l'Italie en 2026, sont les seuls pays à s'engager dans cette démarche, les professionnels de l'oeuf craignent une distorsion de concurrence. En effet, «le poussin coûte 0,85 EUR pièce à l'achat. L'ovosexage s'élève lui à 1,10 EUR/poussin», a précisé le président du CNPO qui demande «une harmonisation européenne».

(*) Selon une enquête CSA de mai 2022.

Star du bio, l'oeuf atteint ses limites

«Nous notons un fort ralentissement de la demande en oeufs bio, jusqu'à observer une diminution ces dernières semaines», a résumé le président de l'interprofession de l'oeuf (CNPO) Yves Marie Beaudet, lors d'une conférence de presse le 5 octobre. Un freinage qui peut surprendre, pour un produit très dynamique depuis plusieurs années (20,8 % des achats d'oeufs en 2022), et souvent utilisé comme tête de gondole dans les supermarchés. «La demande avait explosé, et les projets se sont multipliés», rappelle Jean-Christophe Rodallec, président de la commission oeuf du Synalaf. Nombreux furent notamment les éleveurs de poules en cages - dont le marché est en décroissance - à se convertir à la bio. Selon les chiffres de l'Agence bio, le nombre de poules pondeuses en France a presque doublé en cinq ans, en passant de 5 millions à 9,6 millions d'animaux.

Mais à en croire les acteurs du secteur, les premiers signes d'une «bulle» de l'oeuf bio se seraient manifestés dès 2019. «En 2020, le Covid a ensuite masqué ce que nous commencions à suspecter : une éventuelle limite de la consommation», analyse Jean-Christophe Rodallec, président de la commission oeuf du Synalaf. La crainte est aujourd'hui avérée. Selon Franck Darteil, acheteur chez Carrefour, et représentant de la FCD (distributeurs) au sein de l'interprofession, le panéliste Iri annonçait des ventes d'oeufs bio en recul de 6 % sur un an à la fin août.

Un million de poules déclassées

Résultat de cette conjoncture inédite : près d'un million de poules pondeuses bio ont été déclassées du bio au plein air en 2021, selon le Synalaf (syndicat des labels avicoles). Au total en 2022, les effectifs devraient rester stables, «puisque la plupart des opérateurs semblent avoir arrêté le développement de bâtiments», selon Jean-Christophe Rodallec.

Le principal risque désormais pour la filière serait l'augmentation des coûts de production. «Avec le nouveau règlement bio, le prix a décroché des autres types d'oeufs en rayon», analyse Thomas Bartlett, secrétaire général du Snipo. En plus de la hausse des cours de l'aliment, les éleveurs doivent également répercuter les investissements liés à cette révision qui impose notamment un accès à l'air libre pour les jeunes poulettes, ainsi qu'une alimentation entièrement bio, là où le précédent cahier des charges prévoyait seulement 95 %.

Pour certaines marques nationales, illustre Christophe Rodallec, le prix à la pièce est déjà passé de 35 à 50 centimes par oeuf, soit une hausse de 40 %. Une explosion du ticket de caisse qui, craint-il, pourrait peser sur la consommation.

Un marché mondial sous tension

Inflation, guerre en Ukraine et influenza aviaire bouleversent le marché mondial de l'oeuf. Ce sont plus de 100 millions de poules pondeuses qui ont été éliminées dans le monde en 2021, dont 35 millions aux États-Unis et environ 15 millions en France. Selon les projections de l'Institut technique avicole (Itavi), la production mondiale d'oeufs devrait se tasser en 2022 d'environ 0,3 %. Aux États-Unis, la baisse atteindrait - 4,7 % et en Europe, - 3 %. L'an dernier, ce sont 1 500 milliards d'oeufs qui ont été produits dans le monde, soit l'équivalent de 90 millions de tonnes équivalent oeuf coquille. La Chine représente à elle seule 30 % du marché mondial, devant l'Inde (8 %) et l'Europe à 27 (7,5 %).

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