L'Oise Agricole 02 mars 2023 a 08h00 | Par Kévin Saroul

Protéines végétales, où en est-on ?

Le jeudi 16 février, à l'Hôtel de Région, les premières Assises inter-régionales dédiées aux protéines végétales et nouvelles sources de protéines ont réuni divers acteurs du domaine. L'occasion de faire le point sur un secteur en développement.

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- © K.S.

Le chemin est encore long, mais les protéines végétales se font une place, pas à pas, dans notre assiette. Si «aujourd'hui, en France, 65 % de notre apport en protéines est d'origine animale» selon l'Inrae (Institut national de la recherche agronomique), on retrouve dans nos plats du quotidien ces dernières années de plus en plus de pois chiches, soja, lentilles, petits pois, haricots, ou encore féveroles...

Les habitudes de consommation des Français sont en train d'évoluer et les protéines végétales sont appelées à s'installer durablement dans l'alimentation des Français. C'est en tout cas ce qu'indiquent les résultats du baromètre consommateurs 2022 réalisé par l'association Protéines France*. Initié en 2011, il dresse un état des lieux des connaissances, des pratiques et de la perception des consommateurs vis-à-vis des protéines végétales et des nouvelles protéines. «Nous avons eu 970 répondants à cette étude,» éclaire Alexiane Desbiens, déléguée adjointe à Protéines France, intervenant lors des premières Assises inter-régionales dédiées aux protéines végétales. L'ensemble des répondants est représentatif de la population française selon les statistiques de l'Insee. C'est une étude complémentaire aux données du marché, elle est réalisée tous les deux ans et elle permet de voir l'évolution des Français concernant les protéines végétales.» Selon le baromètre, la notoriété des protéines végétales est en augmentation : pour la première fois depuis sa création, les légumineuses et les légumes secs sont cités comme la troisième source de protéines la plus importante, derrière la viande et les oeufs, devant le poisson. «Aujourd'hui, les Français ont plus conscience de l'apport des légumineuses et des légumes secs. Il y a une redistribution dans l'esprit des consommateurs», affirme Alexiane Desbiens. En 2022, 22 % des Français ont ainsi déclaré «avoir changé leurs habitudes alimentaires au cours des 12 derniers mois et manger plus de protéines végétales». En chiffres, ce changement est motivé par un désir de diversification de l'alimentation (91 %) ou en faveur de l'environnement (74 %). «Ils veulent manger varié, équilibré et de saison.» Pour les répondants, les protéines végétales sont perçues comme bonnes pour la santé (85 %), pour l'environnement (73 %) et naturelles (70 %). «Pour beaucoup, le lieu de fabrication est important,» ajoute Alexiane Desbiens. «Beaucoup déclarent regarder les indications d'origine et les labels régionaux ou locaux.»

Un marché toujours dynamique

Pendant plusieurs années, le secteur des protéines végétales a connu une forte croissance à deux chiffres, que ce soit au niveau français ou mondial. «Par exemple, entre 2019 et 2020, une croissance de 55 % en Allemagne, et entre 2018 et 2019, de 12 % en France», éclaire Louis Tiers, directeur de l'intelligence économique à Bio Economy for Change**, organisme co-organisateur des assises. Cette croissance a ralenti ces dernières années. Selon l'étude de Protéines France, 44 % des Français déclarent ainsi avoir déjà acheté des produits à base de protéines végétales, soit une baisse de 15 points par rapport à 2020. Et plusieurs entreprises et start-ups ont essuyé des revers dans le secteur aux États-Unis.

De quoi s'inquiéter ? Pas vraiment selon Louis Tiers : «Aujourd'hui, le Covid et l'inflation brouillent la vision des choses. Ça a baissé, oui, mais dire que c'est terminé, c'est une analyse grossière. Il faut relativiser.» Selon lui, il faut regarder au-delà des exemples américains et de nombreux exemples de start-up ou PME comme Rugen Walder, Viverrra ou La vie continuent de connaître une croissance à deux chiffres. «Je n'ai pas de boule de cristal, mais je peux dire que le secteur a un vrai potentiel. Aujourd'hui, je ne connais pas de spécialiste du secteur de l'agroalimentaire qui ne s'intéresse pas au sujet.» Les investissements dans le secteur de grands industriels comme Cargill, Nestlé ou Unilever le démontrent : «Ça donne le sens du vent !»

S'adapter à la hausse des prix

L'inflation, néanmoins, a des conséquences notables et va obliger les acteurs du marché à se diriger vers deux types de stratégies, selon Louis Tiers. Soit un recentrage sur des gammes de produits premium. Soit, au contraire, une baisse des prix des produits, «ce qui ne serait que revenir à l'ordre naturel des choses, car il est moins cher de produire une protéine végétale qu'une protéine animale. Et c'est un peu étrange qu'un steak végé coûte plus cher qu'un steak animal.» «L'enjeu aujourd'hui est de déplafonner le marché,» continue Louis Tiers. «On voit que l'aspect santé et environnemental est important pour le consommateur. L'objectif est maintenant de proposer à ce dernier enfin du végétal qui a du goût. A-t-on besoin d'imiter à tout prix la viande ? L'enjeu est de donner une identité propre à ces protéines végétales.»

Un défi local, national et mondial

Il reste donc de nombreux challenges à relever pour la filière avant que les protéines végétales ne s'imposent définitivement dans notre alimentation. Mais la demande est là, et elle va continue à augmenter. «En 2050 nous devrons nourrir neuf milliards de personnes ! Il y a des enjeux importants dans le développement de nouvelles protéines pour nourrir les populations», soulignait en ouverture des assises Marie-Sophie Lesne, vice-présidente de la Région Hauts-de-France chargée de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la pêche. Sans oublier que la protéine végétale est également «résistante face au changement climatique car elle est moins consommatrice d'eau». Un sujet plus que jamais d'actualité.

*Protéines France est une association qui réunit près d'une quarantaine d'entreprises tricolores. Son but est d'accélérer le développement du secteur des protéines végétales et nouvelles ressources et de faire de la France un leader mondial du domaine.

**Bioeconomy for change est un réseau européen autour de la bioéconomie.

Les régions Hauts-de-France, Normandie et Grand-Est s'engagent collectivement

En février 2022, au Salon international de l'agriculture, les trois Régions signaient une convention de partenariat qui visait à les positionner en tant que leader des protéines végétales, d'algues et d'insectes, à l'échelle française et européenne. Qu'ont en commun les Hauts-de-France, la Normandie et Grand-Est ? «Nos trois territoires sont naturellement des régions pionnières en matière de protéines végétales et profitent d'un écosystème riche et complémentaire», souligne Marie-Sophie Lesne, vice-présidente à la Région Hauts-de-France chargée de l'agriculture. «Ce consensus entre trois Régions est peu fréquent. Nous souhaitons travailler dans un sens commun afin de conforter notre rôle de leader. Nous veillerons à favoriser davantage le maillage entre les acteurs pour fédérer et assembler nos forces afin de répondre aux enjeux du secteur.» De la parole aux actes, jeudi 16 février à Lille étaient réunis les acteurs du secteur pour les premières Assises inter-régionales dédiées aux protéines végétales et nouvelles sources de protéines. L'objectif ? Mettre en relation, faire du réseau, échanger les points de vue et accélérer le développement de la filière. Des échanges qui «mettent en lumière les perspectives, les gisements à explorer», selon Marie-Sophie Lesne. «Ensemble, nous pouvons aller plus loin grâce à la recherche, l'innovation et à la structuration des filières.»

Dans ce but, ces Assises avaient également pour objectif de structurer des projets d'innovation et de promouvoir l'Appel à manifestation d'intérêt (AMI) Protéines végétales et nouvelles sources de protéines lancé par les trois Régions.

Cet AMI vise à «dynamiser la recherche, le développement et l'innovation dans les TPE et PME des trois territoires et doit permettre de faire émerger de nouveaux projets collaboratifs et développer de nouvelles filières autour des nouvelles sources de protéines et des protéines végétales». Il s'adresse aux entreprises, laboratoires publics, centres techniques, collectivités territoriales et associations de loi 1901 et est ouvert jusqu'au 31 mars inclus.

Le projet Profil veut développer la filière des farines de légumineuses dans les Hauts-de-France

Le projet Profil, pour protéines et filières locales intégrées, est porté par un consortium d'entreprises régionales : Extractis, Adrianor, Improve, Agro-Transfert, ainsi que la Chambre d'agriculture régionale. Son objectif est de concrétiser le potentiel régional de production et valorisation locale de farines de légumineuses en s'assurant de la performance et de la résilience des filières. Le projet va s'articuler en deux volets. Pour le premier volet, en 2023, l'objectif est de créer une offre de services complète en région et de créer un catalogue d'espèces possibles à utiliser dans les Hauts-de-France pour les filières protéines. Le deuxième volet, prévu en 2024-2025, sera de passer à la démonstration concrète sur deux ou trois produits et d'accompagner des projets avec des industriels. «L'objectif est enfin de dépasser le déclaratif, d'aboutir sur du réel et de produire», affirme Philippe de Braeckelaer, directeur d'Extractis et coordinateur du projet. «Le but du jeu est d'aller du champ à l'assiette.» En résumé, «débroussailler le terrain» pour attirer par la suite l'ensemble des acteurs potentiels de la filière, et notamment les agriculteurs. Un processus de sélection a été lancé depuis début janvier et les candidatures pour participer au projet sont ouvertes jusqu'au 17 mars. Plus d'infos sur extractis.com/profil.

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