L'Oise Agricole 09 mai 2021 a 11h00 | Par actuagri

Un débat public attendu sur les NBT

Les recherches et le développement des plantes, des animaux et des micro-organismes issus des Nouvelles techniques génomiques (NTG) plus connues sous leur sigle anglais NBT (New breeding techniques) vont-elles pouvoir commencer en Europe ? C'est ce qu'a laissé entrevoir la Commission européenne du 29 avril. Celle-ci souhaite, en effet, l'ouverture d'un débat public sur les nouvelles technologies, «car une étude montre qu'elles peuvent contribuer à une agriculture durable.»

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Les NBT sont des techniques d'amélioration d'un organisme par modification
du génome.
Les NBT sont des techniques d'amélioration d'un organisme par modification du génome. - © Inra

Selon Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire, «l'étude que nous publions aujourd'hui conclut que les NBT peuvent promouvoir la durabilité de la production agricole, conformément aux objectifs de notre stratégie "De la ferme à la table". Tout en gardant la sécurité des consommateurs et de l'environnement comme principe directeur, il est temps d'avoir un dialogue ouvert avec les citoyens, les États membres et le Parlement européen afin de décider ensemble de la voie à suivre en matière d'utilisation de ces biotechnologies dans l'Union».

USA et Chine en avance

Les NBT sont des techniques d'amélioration d'un organisme par modification du génome. À ce titre, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le 25 juillet 2018, a considéré que les variétés issues de ces nouvelles méthodes doivent être soumises au régime juridique des OGM. Le Conseil d'État français a adopté la même position. Or, ce cadre réglementaire, vieux d'une vingtaine d'années, a considérablement freiné le développement de ces techniques dans l'Union, au grand regret des agronomes. Pendant ces deux décennies, la Chine et les États-Unis ont pris de l'avance en mettant sur le marché des nouvelles variétés à partir de ces techniques. Pendant ce temps-là, les recherches ont évolué. L'étude sur laquelle s'appuie la Commission démontre que les NBT peuvent donner des plantes résistantes aux maladies, aux conditions environnementales et au changement climatique. Elles peuvent également présenter des qualités nutritionnelles supérieures, comme une teneur en acides gras plus saine, et nécessiter l'utilisation de moins de pesticides.

Faire sauter le verrou

Toujours selon la même étude, les produits végétaux obtenus au moyen des NBT sont aussi sûrs que les végétaux issus d'une sélection classique pour la santé humaine et animale ainsi que pour l'environnement. L'étude conclut enfin que la législation actuelle sur les OGM, qui date de 2001, n'est pas adaptée à certaines NBT et qu'il est nécessaire de l'adapter au progrès scientifique et technologique. Le rapport de la Commission fait appel à des partenaires et experts du monde agricole, de la médecine, des biotechnologies et de l'environnement. L'étude sera examinée avec les ministres des États membres lors du prochain Conseil «Agriculture et Pêche» du mois de mai puis sera présentée au Parlement européen. La Commission propose également, dans les mois à venir, une analyse d'impact, avec consultation publique, dans le but de mettre en place une nouvelle réglementation pour les végétaux issus de ces NBT. D'ores et déjà, Greenpeace déplore que cette étude «ouvre la voie à une exemption des nouveaux OGM (sic) de la réglementation européenne en vigueur sur les OGM». L'amalgame qui est fait entre OGM et NBT a sans aucun doute participé au gel de la réglementation sur les nouvelles techniques génomiques. Les chercheurs et agronomes devront faire preuve de pédagogie pour faire sauter ce verrou.

«Il ne faut pas se priver de la recherche sur les NBT»

Le rapport de la Commission européenne qui a été rendu public suscite beaucoup d'espoir chez les agriculteurs et attise la colère des ONG environnementales. Céline Duroc, directrice générale de l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM) en précise les enjeux.

Que dit le rapport de la Commission européenne ?

Les NBT sont un ensemble de techniques d'édition génomiques employées dans le domaine de la sélection végétale. Ces techniques permettent de reproduire des processus naturels de mutation, expression ou extinction de certains caractères, mais plus rapidement que par la sélection variétale classique (...) L'étude de la Commission montre que les NBT sont apparues et se sont développées depuis déjà une vingtaine d'années, et que, si elles relèvent toujours du cadre réglementaire des OGM, ce dernier doit être adapté aux caractéristiques des NBT et des produits qui en sont issus. Car ils peuvent contribuer à rendre le système alimentaire plus durable dans le cadre des objectifs du pacte vert pour l'Europe (Green Deal) et de la stratégie «De la ferme à la table» comme au titre des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies pour un système agroalimentaire plus résilient et durable. Les experts qui ont contribué au rapport indiquent que ces techniques peuvent permettre d'obtenir des plantes plus résistantes aux maladies et aux conditions environnementales, aux effets du changement climatique en général ; qu'elles permettent d'obtenir des variétés présentant des caractéristiques agronomiques ou nutritionnelles améliorées ou encore réduisant l'usage des intrants agricoles, y compris les produits phytosanitaires. Le tout en assurant une sélection végétale plus rapide.

Cela veut-il dire que le statut juridique des NBT a changé ?

Ce rapport ne change rien au statut des NBT pour le moment. Elles restent soumises au statut juridique des OGM, avec toutes les contraintes liées à ce statut en termes d'évaluation, de traçabilité ou d'étiquetage. Toutefois, le rapport de la Commission envisage d'évaluer l'impact de nouvelles options juridique et de consulter les Européens sur le sujet. C'est donc une première étape, majeure, sur la discussion d'un nouveau cadre réglementaire. Pour nous, l'objectif est que les instituts de recherche puissent travailler et évaluer plus sereinement ces NBT et les produits qui en découleraient, et que les contraintes soient adaptées aux connaissances et aux risques. En effet, la Commission elle-même estime que les procédures sont toujours très lourdes en termes d'évaluation, de traçabilité et d'étiquetage, alors que le contexte global a changé depuis déjà vingt ans. Les techniques sont devenues plus sûres.

Que pensez-vous de la polémique des ONG environnementales sur ce sujet ?

Le combat des ONG s'organise et se tient uniquement dans le champ politique. Il ne faut pas nier que des questions éthiques subsistent : elles sont réelles et légitimes. Cependant, leur stratégie est de diaboliser la science et de favoriser la décroissance en tuant dans l'oeuf toute innovation avant même qu'elle n'ait été expérimentée et évaluée. Leur discours tient d'autant moins que si l'Europe continue d'interdire la culture des OGM depuis une vingtaine d'années, elle ne se prive pas d'en importer sous différentes formes. Les Européens consomment des produits OGM sans en être conscients. Trente années de recul nous permettent de dire que les OGM n'ont pas d'impact sur la santé animale ou la santé humaine. Le défi de demain est d'être capable de nourrir une planète à 9 ou 10 milliards d'habitants, avec moins d'intrants, moins de surface, plus d'agronomie, en améliorant les semences. Les agriculteurs ont besoin de tous les outils possibles pour répondre présents. Les NBT ne sont sans doute qu'une partie de la solution. C'est pourquoi il faut poursuivre les recherches.

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