ZNT : des textes réécrits, et déjà attaqués
À la demande du Conseil d'État, le ministère de l'Agriculture a publié au Journal officiel deux textes révisant le dispositif des Zones de non-traitement (ZNT) aux pesticides. Une réponse insuffisante, estiment les ONG requérantes. L'une d'entre elles, l'association des maires anti-pesticides, annonce qu'elle saisira une nouvelle fois le Palais-Royal.
Le délai a été respecté de justesse. Six mois très exactement après la décision du Conseil d'État de juillet 2021, le ministère de l'Agriculture a publié, ce 26 janvier, au Journal officiel, le décret et l'arrêté consacrés aux zones de non-traitements (ZNT) aux pesticides. Comme attendu et conformément à la demande de la plus haute juridiction administrative, l'arrêté élargit les distances de traitements prévues pour les riverains aux lieux «accueillant des travailleurs présents de façon régulière».
Dans le même temps, le décret imposera également de prévoir dans toutes les chartes départementales «des modalités d'information des résidents et des personnes présentes». Une information qui n'aura pas besoin d'être «individuelle», souligne l'entourage de Julien Denormandie. Suite à la concertation publique, qui aurait recueilli près de 9 000 commentaires, le ministère a introduit une seule nouveauté. L'application des distances aux lieux «accueillant des travailleurs» ne s'appliquera qu'à partir du 1er juillet 2022 pour toutes les surfaces emblavées avant la parution des textes. Soit un délai supplémentaire d'une année pour toutes les cultures d'hiver.
Compensations envisagées
Le Conseil d'État avait aussi demandé au gouvernement de prendre des mesures spécifiques concernant les produits suspectés d'être cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR2), mais les textes publiés n'y font pas référence. «Nous avons engagé un processus pour demander à l'Anses de réviser ces AMM (autorisations de mise sur le marché, ndlr) afin d'y inclure les distances de sécurité», assure l'entourage de Julien Denormandie.
Au 1er octobre 2022, les produits dont le dossier n'aura pas été déposé se verront appliquer une distance minimale de 10 m. Et parallèlement aux révisions d'AMM, promet-on rue de Varenne, des concertations seront lancées pour envisager la compensation dans les éventuels cas d'impasses. La décision du Conseil d'État qui a entraîné ces révisions reposait sur les recours de nombreuses associations, dont FNE, Générations Futures, Agir pour l'environnement, ou encore le collectif des maires anti-pesticides. Or, ces nouveaux textes ne conviennent toujours pas aux ONG, comme l'ont déjà fait savoir plusieurs d'entre elles.
Pour Générations Futures, le décret et l'arrêté sont «particulièrement peu ambitieux en matière de protection et d'information des personnes». «Qui peut dire aujourd'hui quelles seront les mesures minimales en matière d'information ? Qui peut dire quels seront les produits CMR2 concernés par des distances sans épandages et quelles seront ces distances ?», s'interroge François Veillerette, porte-parole de l'association dans un communiqué du 26 janvier. À ses yeux, le dispositif ne respecte donc «absolument pas les exigences du Conseil d'État».
Des recours à prévoir
Alors que Générations Futures indique «étudier des recours» avec ses partenaires, l'association des maires anti-pesticides a déjà tranché. Elle retournera auprès du Conseil d'État demander l'annulation du décret et de l'arrêté, indique un communiqué du 27 janvier. Principale critique des édiles : la révision des AMM demandée à l'Anses pour les CMR2 est «une belle façon de se dérober à l'obligation de réglementer». Par ailleurs, poursuit l'association, citant des résultats de chercheurs néerlandais et de Générations Futures, «de nombreuses études mettent en évidence que des résidus de pesticides sont observés à plus de 100 m de la zone d'épandage». «Malgré l'intervention du pouvoir réglementaire, force est de constater que nous sommes, en janvier 2022 dans la même situation qu'en décembre 2019», déplorent les maires.
Le député Labille demande des compensations
À l'occasion d'une séance de questions au gouvernement début de semaine, le député de la cinquième circonscription de la Somme, Grégory Labille a interpellé le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie au sujet des ZNT. Dans ce propos, pas question pour le député de remettre en cause le dispositif - «si, globalement, ils (les agriculteurs) comprennent l'intérêt des ZNT, ils ne veulent cependant pas être lésés», rapporte M. Labille -, mais plutôt d'abord de se faire le relais d'une demande de la profession «d'une indemnisation financière pour compenser l'absence d'exploitation des zones non-traitées». Une fois la question de la compensation posée, Grégory Labille propose en outre que la mise en place de ZNT soit étudiée «au cas par cas». En effet, «en cas de haies, d'arbres hauts ou de murs, la distance de 5 m ne semble pas être nécessaire», indique-t-il. La troisième demande du député au ministre est de se prononcer sur l'obligation de construire un mur ou d'implanter une haie-barrière dans les projets d'urbanisation bordant des champs cultivés, de manière à «ne pas avoir de nouvelles ZNT». Le ministère de l'Agriculture a d'ores et déjà faut savoir que des concertations pourront être «lancées pour envisager la compensation dans les éventuels cas d'impasses».
Hervé Lapie, secrétaire général adjoint de la FNSEA
«C'est la transcription juridique d'une injonction politique»
Le gouvernement a publié le 26 janvier, au Journal officiel, un décret et un arrêté sur les distances d'épandage des produits phytosanitaires, les zones de non-traitement (ZNT). Quelle est votre première réaction à la lecture de ce texte ?
Très clairement, cet arrêté ne fait plaisir à personne, surtout pas aux agriculteurs, qui sont victimes d'une surtransposition de textes de l'Union européenne. Ce que nous dénonçons à la FNSEA. À marché unique européen, règles uniques !
En quoi ce décret et cet arrêté ne vous conviennent-ils pas ?
Ces nouveaux textes introduisent une obligation d'information préalable avant les traitements, des ZNT le long des lieux accueillant régulièrement des travailleurs et des ZNT spécifiques pour les produits classés CMR2 (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques). Ils sont la transcription juridique d'une injonction politique et non celle d'un raisonnement technique, scientifique à la fois argumenté et éclairé. Je rappelle que tous les produits que les agriculteurs utilisent font l'objet d'une autorisation de mise sur le marché. Nous respectons les doses et les efforts de réduction des intrants des agriculteurs qui ont été considérables ces vingt dernières années. Dans la mesure où ce sujet intègre le champ de la santé/environnement, il est logique que l'Anses ait à définir les conditions d'utilisation des produits, dont les distances. Cependant, j'ai du mal à comprendre comment elle peut rendre des décisions sans tenir compte des innovations techniques.
C'est-à-dire ?
Nos voisins européens, notamment allemands pour ne citer qu'eux, ont intégré les matériels anti-dérives pour homologuer leurs produits phytosanitaires, notamment les CMR2. L'Anses le fait également mais sur des matériels datant des années 1980-1990. C'est incompréhensible. Il nous semble indispensable de tenir compte des évolutions technologiques pour prendre une décision conforme aux réalités du terrain. Ce minimum de bon sens permettrait, en outre, d'éviter des impasses sur nombre de cultures, y compris orphelines. Nous nous assurerons, par ailleurs, que les industriels de la protection des plantes déposent bien des données pour compléter l'autorisation de leurs produits CMR2 avant le 1er octobre prochain. Nous aurons d'ailleurs une clause de revoyure avec le gouvernement au printemps prochain pour faire un état d'avance de ces demandes de renouvellement.
Ces textes remettent-il en cause les chartes départementales ?
Les chartes restent valides jusqu'à juillet prochain. Elles devront ensuite être mises à jour, en lien avec les préfets, pour y inclure le sujet de la prévenance que nous souhaitons le plus simple et le plus réaliste possible (le gyrophare au champ devrait pouvoir être reconnu), et surtout en dehors de tout système de délation comme certains outils (Phytosignal, ndlr) tentent de le faire. Nous devrons également approfondir la difficile question de la définition «lieux accueillant des travailleurs» présents de façon régulière à proximité de nos parcelles. À la FNSEA, nous avons toujours défendu le dialogue et comptons bien suivre cette voie pour convaincre nos interlocuteurs des dangers d'une réglementation trop contraignante. Le risque est qu'à terme, nous ne puissions plus produire, ce qui mettrait à mal notre souveraineté agricole et alimentaire, sans compter les conséquences induites sur le bilan carbone, la perte de biodiversité, etc.
Qu'attendez-vous finalement du gouvernement ?
Nous attendons qu'il tienne compte des difficultés de notre métier et qu'il ne rajoute pas des contraintes supplémentaires à des réglementations franco-françaises. Nous attendons en particulier qu'il valide le principe de réciprocité, c'est-à-dire le fait que les règles de ZNT s'appliquent aussi aux aménageurs, aux constructeurs. Nous attendons également qu'il compense les pertes subies dès le premier centimètre. Nous nous réunirons le 4 février au ministère pour travailler ce sujet de la compensation. Chaque hectare doit être productif et doit produire. Il faut sécuriser l'outil de travail et le revenu des agriculteurs. Tout le réseau FNSEA qui a déjà fourni un remarquable travail est mobilisé sur ce sujet des ZNT.
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