Agronomie et innovation à l'honneur de l'Agroforum
Plus de 400 participants ont rejoint le cinéma Majestic à Compiègne, le 8 février, pour la 14e édition de l'Agroforum, organisé par la coopérative Agora. Interventions d'experts et témoignages d'agriculteurs se sont succédés sur la thématique du blé, «du sol à l'assiette».
«L'Agroforum est une réponse aux défis à court, moyen et long terme, articulé autour des axes stratégiques de la coopérative : partenariats, innovation, engagement, agroécologie et orientation marchés», a introduit Agnès Duwer, directrice générale d'Agora, avant qu'Honorine Ouin et Emmanuel Letesse, animateurs de la journée, n'invitent Sylvain Trommenschlager à monter sur scène pour la première intervention de la matinée.
Ce dernier est revenu sur les différents leviers permettant de gérer efficacement l'infestation des parcelles en matière de désherbage. «La caractéristique commune à toutes les adventices est l'excès de matières organiques, explique l'agronome de Haute-Marne. Quand une plante est là, c'est que la nature a voulu corriger quelque chose. Les mauvaises herbes sont un signal. Un sol, sans action humaine, cherche naturellement à créer de la forêt. Le rôle de l'agriculteur est de l'empêcher de faire de la forêt ou du désert, de trouver un équilibre. Il faut créer un milieu hostile aux mauvaises herbes.»
Pour Sylvain Trommenschlager, l'engorgement organique est un facteur explicatif de la croissance des problématiques vulpin et amarantes.
Ne pas diaboliser la minéralisation
Le ray-gras reste l'inquiétude principale, selon l'agronome : «On a été trop vite en considérant qu'il adorait l'azote. Mais toutes les plantes aiment l'azote ! On a oublié de considérer le manque d'argile et de magnésium. Ce qui inquiète, c'est le passage du vulpin au ray-gras, ce dernier est alors extrêment agressif». Créer un milieu hostile est, selon l'intervenant, le moyen de sortir du stade invasif, de rendre les mauvaises herbes plus sensibles, incapables de créer des résistances, bref de «reprendre le contrôle».
Attention donc à ne pas limiter la minéralisation, notamment par un paillage trop généreux. «La paille peut être un facteur aggravant. En condition sèche, on fait du torchis !»
Un sol en bonne santé, pour prévenir et gérer l'apparition d'adventices, c'est aussi laisser la biodiversité microbienne se développer. C'est la solution que propose Isabella Tomasi, ingénieure agronome, chercheuse en bioremédiation des sols et microbiologiste, comme alternative aux solutions chimiques. «Le monde bactérien est partout. Il est à l'origine des plantes et leur collaboration s'est maintenue.»
Les endophytes, présents dans tous les organes (bactéries et champignons), vivent ainsi dans la plante sans la dégrader. «Ils assurent une protection contre les effets de stress, participent à la croissance du végétal et à son système de défense.» Une vie microbienne que l'agriculteur est en mesure de développer : «Seuls des sols vivants vont amplifier les endophytes dans le blé» prévient Isabella Tomasi. La plupart des micro-organismes du sol sont aérobies, ce qui signifie qu'ils ont besoin d'oxygène pour respirer et produire de l'énergie. Amendements minéraux, matière organique, exsudats des couverts et des cultures doivent permettre de gagner en porosité et stabilité des sols. «On parle aussi d'amendements réduits : fermentations lactofermentés, digestats de méthanisation, compost Walter Witte, thiosulfates.»
L'homme, le facteur X
Après le déjeuner, Sarah Singla, agronome et agricultrice en Aveyron, a témoigné elle aussi de la nécessité d'un sol vivant : «Le sol est à 50 % du vide (atmosphère et solution du sol, ndlr). Pour recréer de la porosité, il faut permettre la présence de vide et laisser faire la vie microbienne». Principal responsable de cette perte de porosité selon l'agricultrice : le travail du sol, qui écrase le vide et désagrège le sol en détruisant la glomaline. «Les machines sont trop lourdes. Or le poids des machines fait perdre 5 % de rendement.» Avec humour, Sarah Sigla rappelle que les vieux manuels préconisaient de ne faire semer «que les femmes et les enfants car ils sont plus légers !»
Convertie à l'agriculture de conservation, elle affirme ne pas travailler son sol depuis 1980. Une habitude qui paye alors qu'à la hausse du prix des intrants et des machines (soit 40 % des coûts de production) s'ajoutent les effets du changement climatique. «Le sol, on le perd principalement à cause de l'érosion, éolienne et hydrique. Or, quand on nous vend des intrants issus de la mer, on nous vend ce que l'on a laissé échapper.»
La constitution d'une couverture végétale semble être une porte d'entrée pour améliorer la santé des sols et pour l'agriculture de conservation. Elle conserve l'eau et protège de l'évapotranspiration «4 à 5 kg de matière organique peuvent retenir environ 80 kg d'eau.»
Un couvert végétal protège aussi le sol de la pluie et de la battance. «Le couvert est un véritable couteau suisse» : lutte contre l'érosion, piège à nitrates, structuration du sol, production de fourrage, double culture, production de biomasse, accroissement de la biodiversité...
La pratique du semis direct s'avère également source d'économies en énergie fossile. «Pour une ferme de 200 ha, le coût engendré par le labour est de 100.000 EUR. En semis direct, c'est 65.000 EUR de moins, soit 360 t de blé !»
«Les sols ne sont pas végans»
«Il faut de la fumure organique, poursuit Sarah Singla. Elle est à la base de l'amélioration de la structure et de la fertilité du sol.» Et le ruminant transporte tout ce qui est nécessaire pour la décomposition. «Les animaux d'élevage sont essentiels à la vie du sol. Les sols ne sont pas végans. Il faut remettre des animaux !» Attention toutefois à ne pas laisser son tas de fumier dehors et à le bâcher.
Pour l'agronome, si une ACS sans glyphosate reste impraticable, une bonne préservation de la santé du sol amène à en utiliser moins. «Le seul intrant à augmenter, c'est la connaissance, conclut-elle. La différence entre un jardin et un désert, ce n'est pas l'eau, c'est l'homme.»
La journée s'est clôturée par une table ronde réunissant François-Xavier Martel, chef de culture dans le Valois, Driss Belfadla, agriculteur marocain, Charles Leonardi, directeur général développement durable Nestlé France, et Yann Lebeau, chef de mission Maghreb-Afrique à Intercéréales. Ensemble, ils ont discuté des exigences spécifiques et des attentes des agro-industriels français et les aspirations des marchés d'exportation, notamment au Maghreb et en Afrique.
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