Contrats lait : que penser de la marchandisation ?
Le secteur laitier a vécu une véritable révolution ces dernières années entre la création des organisations de producteurs, la conclusion de contrats écrits et la disparition des quotas laitiers.
Ces bouleversements ont entraîné une nouvelle réflexion sur ces nouveaux outils économico-juridiques. Aujourd’hui, la question qui se pose est : le contrat liant un producteur à un transformateur a-t-il une valeur marchande ?
Définition et formalités de la cession de contrat
Tout d’abord, il est nécessaire de comprendre ce qu’est une cession de contrat. Une cession de contrat est le transfert par convention effectué par une personne, le cédant, à une autre, le cessionnaire des droits et obligations du cédant nés d’un contrat avec une autre personne (ici l‘entreprise).
Une cession de contrat peut se retrouver dans tous les domaines : céder le contrat de travail d’un salarié lors du rachat d’une entreprise, céder une créance, céder un droit au bail en matière commerciale, etc.
Chaque cession entraîne donc une relation tripartite qui nécessite presque toujours l’accord de la troisième partie. Il faut donc regarder si une clause de cession est stipulée dans le contrat.
La procédure d’une cession de contrat implique obligatoirement la rédaction d’un acte au titre des articles 1689 et suivant du Code civil.
À défaut du respect des formalités, la simple connaissance de la cession de créance par le débiteur cédé, même si la notification a été faite par lettre recommandée, ne suffit pas à la lui rendre opposable. Seul un acte authentique permet d’opposer la cession de contrat à l’entreprise.
En théorie, les deux producteurs devraient conclure une cession de contrat devant un notaire et notifier cet acte à l’entreprise, tout en obtenant l’accord de celle-ci si le contrat cédé le prévoit.
La cession d’un droit au contrat en droit rural
L’utilisation qui est faite actuellement de la cession de contrat de production de lait est d’un autre registre.
Jusqu’alors, la cession de quota laitier à titre onéreux était interdite : un producteur n’était pas propriétaire de l’autorisation administrative du droit à produire, il ne pouvait donc pas le revendre. Toute cession à titre onéreux contrevenait donc aux dispositions du Code rural.
En effet, l’article L. 411-74 du Code rural prévoit que «Sera puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30.000 € ou de l’une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l’occasion d’un changement d’exploitant, soit obtenu ou tenté d’obtenir une remise d’argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d’imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.»
En plus de l’action pénale pouvant être intentée au producteur cédant lui-même, il est possible d’engager la responsabilité de tous les intermédiaires ayant concouru à la cession à titre onéreux du quota. Cette responsabilité est d’avantage recherchée en cas de redressement judiciaire du preneur.
Enfin, une action en répétition de l’indu dans les 5 ans suivant la cession est possible pour demander le remboursement des sommes injustifiées majorées des intérêts légaux.
Aujourd’hui, cette survalorisation des biens cédés est toujours réprimée. Si la cession d’un contrat laitier à titre onéreux peut être envisagée d’un point de vue légal, la valeur économique de celui-ci n’est absolument pas définie. Comment donc se mettre à l’abri d’une éventuelle action en répétition de l’indu ?
Par ailleurs, la cession d’un contrat ne peut concerner que la durée restant à courir. Les plupart des contrats arrivent à échéance courant 2016.
Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que la renégociation peut également porter sur les volumes. Le contrat renouvelé peut donc être revu à la hausse comme à la baisse. Les obligations peuvent également différer.
Enfin, la cession d’un contrat doit reprendre l’intégralité du contrat. Il n’est juridiquement pas envisageable de choisir de céder le volume contractuel à des producteurs différents, quand bien même l’entreprise serait d’accord. Cet acte juridique n’existe pas.
Par conséquent, le cédant s’expose à voir sa responsabilité engagée et les sommes indument versées restituées. Par conséquent, l’avenant au contrat du preneur est inutile.
Dans le cas de la rédaction d’un avenant, cela signifie donc qu’il n’existe aucune cession juridique entre le cédant et le cessionnaire.
Ces solutions sont également applicables à la cession de parts de coopératives.
La part ayant une valeur nominale, vouloir rajouter une majoration pour permettre au cessionnaire de produire d’avantage de lait est une aberration car ce droit est contenu dans la valeur des parts elles-mêmes. De plus, les cessions de parts ne sont pas entièrement libres et sont généralement conditionnées à l’acceptation de la coopérative.
Pour résumer, la cession à titre onéreux reste juridiquement possible. Ce qui est interdit est la survalorisation : il conviendra de déterminer d’abord la valeur économique d’un contrat lait.
Une fois la cession négociée et l’accord de l’entreprise obtenu par écrit, elle devra être rédigée par un notaire, puis notifiée à l’entreprise.
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