Cultures dérobées, une réelle opportunité à l'échelle nationale
L'institut technique a proposé un webinaire pour mesurer les surfaces qui pourraient être potentiellement concernées et a mis l'accent sur la cameline qui concerne des régions comme les Hauts-de-France alors que d'autres cultures, tournesol et soja en dérobé, sont réservées à des secteurs plus méridionaux.
La réussite d'une double culture est soumise à plusieurs conditions. D'abord, la première culture doit être récoltée le plus tôt possible pour laisser à la dérobée le temps d'achever son cycle et d'arriver à maturité avant le semis de la seconde culture. La récolte de la dérobée doit aussi laisser un sol en bon état de portance. Les points de vigilance sont la date de récolte de la première culture, l'assurance (ou presque) d'une pluie pour permettre la levée du dérobé et, à sa récolte, le concurrence organisationnelle qui s'exerce entre cette récolte, le travail du sol et le semis de la seconde culture.
Potentiel intéressant
Terres Inovia concentre sa démarche sur le choix d'une première culture qui se récolte tôt, à savoir l'orge d'hiver ou le pois d'hiver. Pour mesurer les surfaces qui pourraient potentiellement accueillir une culture dérobée derrière orge ou pois d'hiver, Terres Inovia se base sur les données Agreste des surfaces de ces cultures, en y retirant les surfaces destinées ensuite à un semis de colza d'hiver, l'interculture étant trop courte pour imaginer une culture dérobée. On aboutit alors à une surface potentielle brute de 900.000 ha (750.000 ha en orge d'hiver et 150.000 ha en pois d'hiver) au niveau national.
Pour que la dérobée lève, il faut des précipitations d'environ 10 mm pendant la seconde quinzaine de juin. L'étude des précipitations suffisantes met en avant 540 à 630.000 ha assez arrosés 6 à 7 années sur 10, dont 250.000 à 300.000 ha sur les 15 départements les plus arrosés : la Marne, l'Eure-et-loir, l'Aube, l'Yonne, le Cher, l'Indre, la Côte-d'Or, l'Eure, l'Oise, la Vienne, la Somme, l'Aisne, les Deux-Sèvres, la Seine-et-Marne et l'Orne.
Si l'on s'intéresse aux précipitations entre le 25 juin et le 15 juillet, les 10 mm ne se produisent plus que 4 à 5 années sur 10 et le potentiel tombe alors entre 360.000 et 400.000 ha, soit 170 à 200.000 ha pour les 15 départements à plus fortes surfaces.
Enfin, en considérant les surfaces potentiellement irrigables, assurance de la levée de la culture dérobée, le potentiel tombe à 100.000 ha, essentiellement regroupés dans le Sud de la France.
La cameline en dérobée
La cameline est une brassicacée, cultivée historiquement en Europe et depuis peu remise au goût du jour dans l'Oise. Son cycle de développement est court, entre 90 et 100 jours et son poids de mille grains (PMG) très faible, de l'ordre de 1 à 1,5 g. C'est une plante rustique, peu exigeante en eau et en intrants. Par contre, les utilisations sont potentiellement nombreuses : alimentaire, cosmétique, biocarburants, tourteaux...
Le Nord-Ouest de la France est une zone favorable à la cameline et à la création d'une filière biocarburants si la réglementation évolue favorablement (voir encadré). Des acteurs majeurs y sont présents : Saipol, semencier Camelina company, Terres Inovia, coopératives. Entre 1.350 et 1.800 ha par an ont été semés entre 2020 et 2022 dans le Nord-Ouest.
La cameline peut être semée en dérobé après la récolte d'une orge d'hiver ou d'un pois de conserve, la levée est attendue entre le 25 juin et le 15 juillet. Les pailles précédentes doivent avoir été enlevées.
Terres Inovia conseille une implantation en semis direct pour limiter l'assèchement du sol à cette période ou à la volée dans le précédent, mais les résultats ne sont pas toujours concluants dans ce cas. La qualité structurale du sol est primordiale pour l'enracinement. La densité de semis est de 8 kg/ha, 10 en cas de semis à la volée. La profondeur de semis est d'un centimètre et il est conseillé de semer avant une pluie annoncée pour une levée rapide et homogène.
L'avantage d'une légumineuse en précédent est la totale impasse en fertilisation azotée. Après une céréale, 40 unités d'azote sont préconisées au semis. Irriguer permettra de sécuriser la levée.
Pour gérer les repousses de céréales, en cas de salissement avéré, un anti-gramnée foliaire, par exemple Centurion 0,8 l/ha en post-levée, sera efficace. En cas de risque seulement, en post-levée précoce, Rapsan TDI à 1,5 l/ha (dicot + graminée) fera l'affaire.
La cameline est peu sensible aux maladies et aux ravageurs.
La récolte reste encore très aléatoire. Dans le suivi Terres Inovia, des parcelles n'ont pas été récoltées, soit parce que les conditions météo ne s'y prêtaient pas, soit parce que la maturité n'a pas été atteinte. L'objectif de rendement est de 10 q/ha, avec un potentiel de 17 q/ha, pour un taux d'humidité souhaité à la récolte de 8 %. Terres Inovia teste une avancée de date de récolte d'une dizaine de jours, en fauchant puis andainant la récolte pour une meilleure qualité de graine, en respectant des conditions précises.
Mais les conditions météorologiques restent le facteur limitant à ce jour : il faut assez d'eau au semis, 20 mm dans l'idéal, et que la maturité, 1.700 °Cj, soit atteinte fin ocobre et sans que la tempéture ne dépasse les 35 °C pendant la floraison. Autant dire que ces conditions ne sont pas faciles à cumuler.
Mais Terres Inovia poursuit ses recherches afin d'optimiser l'itinéraire technique en dérobé, les semenciers poursuivent leur travail sur la génétique (sélection variétale sur la précocité, la résistance à la sécheresse, la taille des graines...). Cette culture intéresse la communauté scientifique, agricole et industrielle : débouchés potentiellement importants, moyens actuellement mis en œuvre pour son développement (projet européen Carina, 12 pays concernés). Elle pourrait demain trouver sa place dans les assolements des Hauts-de-France.
Dérobées : des opportunités dans l'aérien
L'industriel Saipol triture des oléagineux en vue de la fabrication de carburants. Un accord entre l'Onu et les compagnies aériennes interdit l'utilisation des matières premières agricoles pour fabriquer des carburants aériens, sauf si elles sont issues de surfaces additionnelles. Les cultures dérobées pourraient donc être utilisées à cette fin, même si leur prix doit être supérieur. En effet, il faudra que les prix du tournesol ou de la cameline soit le double de l'alimentaire en cultures dérobées, car les rendements seront moindres. Mais le transport aérien pourrait supporter cette hausse car les utilisateurs de l'avion sont généralement prêts à payer leur billet un peu plus cher si le carburant est vertueux. Le potentiel économique est donc considérable puisqu'en 2050, les avions devront utiliser 35 % de biocarburants.
Les réglementations s'orientent progressivement vers cette possibilité d'usage. Les intercultures devraient bientôt être ajoutées à la liste des biocarburants éligibles pour répondre aux objectifs de décarbonation de l'aviation.
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