Des députés veulent «moderniser» le modèle coopératif
L’ancien ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, a présenté un rapport très attendu sur les coopératives agricoles, dont la gouvernance est de plus en plus critiquée à mesure qu’elles grandissent.
La récente crise de gouvernance du géant sucrier Tereos a montré que la vie démocratique des coopératives n’est pas un long fleuve tranquille. Le pilotage de ces vastes structures, qui peuvent atteindre des milliers d’adhérents agriculteurs (12 000 chez Tereos, 17 000 chez Sodiaal), laisse certains d’entre eux perplexes. «Les coopératives subissent ce que subit la démocratie représentative. Les agriculteurs ont parfois l’impression que leur voix ne compte pas», analyse l’ancien ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert.
Dans un rapport présenté le 16 février à l’Assemblée, le député LREM de la Manche et son homologue LR de Moselle Fabien Di Filippo ont mis vingt-trois mesures sur la table pour huiler la mécanique de ce secteur, qui pèse 40 % de l’agroalimentaire français. Loin de remettre en cause l’ensemble du système, le rapport vise à «consolider et moderniser le modèle coopératif, afin de lui donner des armes pour renforcer son attractivité et sa compétitivité».
Renforcer la participation
Une série de propositions porte d’abord sur la gouvernance des coopératives. Les députés font le constat d’une «double crise de participation et de représentation» des adhérents au sein des assemblées des coopératives. Une récente étude commandée par la Coopération agricole montrait que seuls 40 % des associés coopérateurs ont participé aux assemblées générales sur les douze derniers mois. Le lien entre les coopératives et les agriculteurs «se distend», particulièrement dans les grandes coopératives. Pour pallier ce «désintérêt» des adhérents, le rapport recommande de développer des «instances intermédiaires et de proximité», ainsi que la dématérialisation «partielle» des assemblées, via notamment le vote électronique pour les plus grandes coopératives.
Autre enseignement du rapport, les coopératives ont des difficultés à «renouveler leur vivier d’administrateurs». Le développement de dispositifs de mentorat d’administrateurs stagiaires et l’instauration de limites d’âge et de durée des mandats pourraient contribuer à faciliter le renouvellement, mais aussi à améliorer la représentativité au sein des élus. Plus largement, ils proposent de multiplier les interventions auprès des élèves dans les formations agricoles pour mieux faire connaître le modèle coopératif et, ainsi, assurer le renouvellement des générations.
Éviter les «dérives» de gouvernance
Après la crise de gouvernance constatée chez Tereos, les rapporteurs insistent sur la nécessité de mieux former les administrateurs. En effet, plus de 40 % d’entre eux n’ont reçu aucune formation. Le rapport préconise de la rendre obligatoire dans les plus grandes coopératives. Pour mieux réguler le secteur, les députés se prononcent en faveur du renforcement «des pouvoirs, des moyens et de l’indépendance» du Haut conseil de la coopération agricole (HCCA), qui est chargé d’attribuer l’agrément coopératif et de veiller au respect des règles par les coopératives, via des contrôles. Ils estiment «pertinent» qu’à terme la HCCA «évolue vers une autorité de régulation indépendante, comme cela existe pour d’autres secteurs de l’économie».
«Avec les évolutions actuelles, des entreprises de taille plus importante et un nouveau cadre réglementaire, il faut regarder plus précisément ce qui se passe dans le secteur. Et, si la loi n’est pas appliquée, il faut donner les moyens au HCCA de la faire respecter», assure Fabien Di Filippo. Créé en 2006, le HCCA n’a depuis prononcé aucune sanction à l’égard d’une coopérative. Le rapport recommande également de «mieux faire connaître le rôle du médiateur de la coopération agricole», rarement sollicité lors des litiges entre coopératives et associés coopérateurs.
Dans le cas des grandes coopératives, les rapporteurs insistent sur la nécessité de donner les moyens au conseil d’administration de «contrôler efficacement les filiales du groupe coopératif» et de les inciter à doter leurs filiales du «statut d’entreprises à mission», afin de «renforcer la transparence» au sein du groupe.
Inciter à investir
«Le modèle de la coopération agricole reste adapté aux enjeux de l’agriculture d’aujourd’hui», estime le député de la Moselle, qui ajoute que ce modèle peut cependant être «adapté». Pour aider les coopératives à investir dans la recherche de valeur et la transition écologique, les députés encouragent les pouvoirs publics à permettre aux coopératives de trouver de «nouvelles voies» de fonds propres. Ils recommandent de favoriser le financement via des titres participatifs et d’élargir la possibilité pour les coopératives de collecter des agriculteurs non-coopérateurs et de leur proposer leurs services. Le rapport se penche aussi sur le cas des Coopératives d’utilisation du matériel agricole (Cuma) : il propose de leur permettre d’étendre leurs activités «au-delà de leurs missions historiques» et de les «conforter» dans leur rôle de conseil en matière de stratégies de mécanisation, en inscrivant cette mission dans la loi.
Enfin, plusieurs propositions visent à inciter les coopératives à investir sur les «marchés valorisés» à l’étranger et dans une «montée en gamme» de leur production, pour répondre à la demande du marché intérieur – et notamment de la restauration collective. Dans le prolongement de ce rapport, les députés proposent la création «dès la rentrée parlementaire» d’une mission d’information sur le bilan de la séparation vente-conseil, instaurée par la loi Egalim. La Coopération agricole a, quant à elle, annoncé vouloir initier «un programme de travail», notamment sur les questions de participation des associés coopérateurs et de renouvellement des conseils d’administration.
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