L'Oise Agricole 07 mai 2021 a 13h00 | Par Ivan Logvenoff et Mathieu Robert

«Des objectifs législatifs contre l’artificialisation sont fixés pour la première fois»

Dans un entretien accordé à nos confrères d’Agra Presse le 27 avril, la ministre du Logement défend les mesures de lutte contre l’artificialisation des sols inscrites dans le projet de loi Climat, lors de la première lecture à l’Assemblée. Pour Emmanuelle Wargon, «c’est la première fois que l’on se donne des objectifs législatifs» pour enrayer le phénomène, et les sanctions encourues par les collectivités doivent permettre de les faire respecter.

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Emmanuelle Wargon, ministre au Logement.
Emmanuelle Wargon, ministre au Logement. - © Agence de presse

La lutte contre l’artificialisation est un problème identifié de longue date, jamais enrayé. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné dans les politiques publiques ?

Jusqu’à présent, le sujet n’était pas un objet juridique en soi dans le Code de l’urbanisme. Le sujet était traité dans la loi au titre de la sobriété foncière, ou par quelques instructions, dont une circulaire signée en juillet 2019, demandant aux préfets d’être attentifs à la lutte contre l’artificialisation dans l’approbation des documents d’urbanisme, notamment les PLU et PLUi. Avec le projet de loi Climat, c’est la première fois que l’on se donne des objectifs chiffrés et précis dans une loi sur ce sujet. C’est donc le premier apport de cette loi, d’en faire un objectif. Le deuxième, c’est de fixer une cible à l’horizon de 2050. Le troisième est d’expliquer comment nous allons y arriver. Jusqu’ici, nous n’avions pas un objectif de politique publique nationale clairement formalisé, ce n’était pas écrit en dur dans le droit et le pilotage opérationnel n’était pas prévu. C’était à l’appréciation des élus locaux.

Quelles sont les grandes lignes du dispositif du projet de loi Climat ?

En cours de lecture, nous avons fixé un objectif de zéro artificialisation nette en 2050. Une première marche consistera à réduire de moitié l’artificialisation dans les dix ans qui suivent la promulgation de la loi, par l’intégration dans les schémas régionaux d’aménagement, les Scot, puis les PLUi et PLU, pour que tout ceci ait une efficacité opérationnelle. Une période d’ajustement des documents est prévue : de deux ans pour les schémas régionaux, cinq ans pour les Scot et six ans pour les PLU. Ce dispositif est assorti, si les objectifs ne sont pas intégrés dans les documents de planification, d’une impossibilité d’ouvrir de nouvelles zones à urbaniser dans les PLUi et PLU. C’est un mécanisme très verrouillé. Concrètement, si au bout de six ans, le PLU n’a pas intégré ces objectifs de réduction de l’artificialisation, il n’est plus possible de délivrer de permis de construire en dehors des zones déjà urbanisées. De même dans les Scot, on ne pourra pas ouvrir de nouvelles zones à l’urbanisation.

Avez-vous une projection des surfaces que l’on risque de perdre d’ici 2050, même si la loi était appliquée ?

Oui, nous artificialisons 280 000 hectares tous les dix ans. Donc, si nous la diminuons de moitié, nous artificialiserons 140 000 hectares durant les dix prochaines années, et puis 70 000 dans la decennie suivante. Nous ne pouvons pas aller tout de suite au zéro artificialisation nette. D’ailleurs, les parlementaires ne l’ont pas proposé en séance. Nous continuons à avoir besoin de logements, de développement économique, donc il faut utiliser en priorité ce qui est déjà artificialisé, mais se laisser la possibilité d’artificialiser moins, mais un peu - jusqu’à ce que le système soit assez mûr en 2050.

Qu’est-ce qui fait que les élus seraient prêts dans dix ans et pas aujourd’hui ?

Nous aurons a priori toujours besoin d’emploi et de logement supplémentaires... Nous n’attendons pas dix ans, nous enclenchons dès maintenant quelque chose que personne n’a fait jusqu’à présent. Nous allons réduire déjà de moitié l’artificialisation d’ici dix ans. C’est déjà un objectif ambitieux. Dans la version initiale du texte, le délai d’adaptation des documents - de deux à six ans - était plus court. Mais nous l’avons étendu car il faut laisser le temps aux collectivités locales d’adapter leurs schémas.

Et ces objectifs seront différents à l’intérieur des régions ?

Oui, c’est important que cela ne soit pas mécanique et que l’objectif s’applique différemment selon le point de départ de chaque collectivité. Ceux qui ont déjà fait des efforts ne doivent pas être pénalisés par rapport à ceux qui ne l’ont pas fait. Et nous aurons une attention particulière pour les zones de revitalisation rurale. Nous tiendrons compte du passé et des besoins.

Comment allez-vous aider les collectivités à mettre en place ces objectifs ?

Nous allons les aider techniquement avec des outils portés par le Centre d’études sur l’aménagement (Cerema), pour leur donner accès à des données précises. Et nous les aiderons en ingénierie notamment par l’intermédiaire de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) avec le soutien du ministère de la Cohésion des territoires qui a un budget dédié pour aider les collectivités. Il n’y aura pas d’enveloppe supplémentaire dédiée à l’adaptation des documents à cette loi.

Êtes-vous favorable à une fusion des EPF et les Safer ?

Le rapprochement des Safer et des EPF n’est pas un sujet que nous portons à ce stade. Ces deux types d’établissements ont des missions, une gouvernance et des ressources différentes.

 

PJL climat : déçu des députés, les citoyens craignent l’examen au Sénat

Pour les citoyens qui ont planché sur la thématique «Se nourrir» de la Convention citoyenne, les déceptions se poursuivent avec l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi Climat. Les discussions à venir au Sénat ne sont pas de nature à les rassurer. «Les modifications faites sur le projet de loi Climat par les députés ne sont que cosmétiques», déplore Guy Kulitza, membre de la convention citoyenne pour le climat, également candidat aux élections régionales sur la liste Génération écologie en Nouvelle Aquitaine. Et «les amendements qui devaient remettre le texte dans la lignée de notre rapport ont tous été rejetés».

«Nous avons fait un sacré travail, mais nous doutions que nos idées soient reprises. Ce doute est désormais avéré», renchérit Lionel Moncla, vigneron dans le Bordelais. Alors pour ces citoyens, cela est clair : «Le projet de loi en son état actuel n’aura aucun impact sur la réduction des gaz à effet de serre.» Et selon eux l’examen à venir du texte par les sénateurs pourrait encore amoindrir le texte. «Beaucoup de sénateurs ont vu d’un mauvais oeil la Convention citoyenne. Nous sommes un peu inquiets», admet le vigneron, également conseiller municipal. «À l’Assemblée nationale, de nombreux députés Les Républicains ont déposé des amendements de suppression. Or, ils sont majoritaires au Sénat», constate Guy Kulitza. Les débats lors de la navette parlementaire risquent selon lui d’être «intenses et particulièrement vifs». «Si un compromis est fait entre ceux qui ne veulent pas grand-chose et ceux qui ne veulent rien alors je suis très pessimiste.»

Les eurodéputés demandent un cadre européen contraignant mais souple pour les sols

Le Parlement européen a adopté le 28 avril une résolution dans laquelle il demande à la Commission de Bruxelles de concevoir un cadre juridique commun à l’échelle de l’UE pour la protection et l’utilisation durable des sols. Mais les eurodéputés insistent également sur la nécessité de respecter pleinement le principe de subsidiarité en la matière. C’est en effet à cause d’un manque de subsidiarité accordée aux États membres que la Commission européenne avait dû renoncer en 2014 à son projet de directive Sols, présenté en 2007, après des années de blocage des discussions au Conseil. Mais elle devrait proposer avant l’été une nouvelle stratégie pour la protection des sols qui pourrait être assortie d’un instrument contraignant.

Les parlementaires se félicitent de l’intention de la Commission, le sol n’étant pas, contrairement à l’air ou à l’eau, couvert par une législation spécifique dans l’UE. Ils souhaitent que ce futur cadre comprenne des définitions communes des sols et de leurs fonctions, des critères pour juger de leur bon état, des indicateurs harmonisés pour surveiller leur qualité et l’établissement de rapports et, enfin des objectifs mesurables pour faire face à toutes les menaces identifiées et des délais appropriés pour les atteindre. Les eurodéputés appellent également dans leur résolution la Commission européenne à inclure des mesures sur la prévention et la réduction de l’artificialisation des sols, dans le but d’atteindre un objectif de «non-dégradation» d’ici 2030 et de «non prise de terres» d’ici 2050 au plus tard. La Commission et les États membres sont aussi invités à contribuer efficacement à la réduction de la surutilisation des engrais de synthèse, en particulier de l’azote.

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