Des rebondissements multiples pour le cartel des jambons
Les rebondissements continuent dans l’affaire du cartel des jambons tant sur le plan judiciaire qu’économique. La Cooperl clame toujours son innocence. Mais fragilisée par le montant de la sanction, la coopérative bretonne menace de fermer des usines. Bercy l’assure de son soutien, mais n’a pas les cartes en main.
«Je ne fais pas de chantage, nous jouons notre survie», tonne Emmanuel Commault, directeur général de la Cooperl devant la presse le 20 octobre. La coopérative bretonne assure, en effet, que si la sanction de 35,5 millions d’euros (ME) prononcée par l’Autorité de la concurrence pour entente sur les prix dans le cadre du cartel des jambons venait à être mise à exécution (ce qu’elle craint pour la fin de mois), elle devra faire face à une restructuration. Comprendre : fermeture d’usines, arrêt des investissements, gel des recrutements et diminution des salaires. De quoi inquiéter Bercy, déjà bien occupé par la gestion de la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19.
La coopérative, qui a fait appel de la décision de l’Autorité de la concurrence auprès de la cour d’appel de Paris, lui demande - en plus de statuer sur le fond de l’affaire, ce qui pourra prendre des années - de surseoir immédiatement à l’exécution de la sanction, c’est-à-dire son paiement. Là-dessus, seule l’autorite judiciaire est compétente. Bercy, ni aucun autre ministère, ne l’est. L’appel de la décision par la Cooperl ne suspend pas non plus l’exécution de la sanction.
Promis juré
La Cooperl prévoit, qu’outre le paiement de l’amende, elle devra trouver rapidement 100 ME. La raison ? Elle perdrait la confiance des assurances crédit, ce qui ne lui permettrait plus, en partie, de se financer grâce au crédit fournisseur. C’est donc une somme de 135 millions que la coopérative doit pouvoir trouver rapidement. Rien d’étonnant alors à ce que des économies drastiques soient envisagées, lesquelles peuvent viser les installations. «Certains sites sont sur la sellette. [...] Le plan est presque prêt», explique le directeur général. Sont particulièrement visées les douze usines appartenant anciennement à Brocéliande et à la Financière Turenne Lafayette, dont la coopérative avait repris les actifs après la demande du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) en s’engageant a conserver l’activité et les emplois. «Si nous sommes condamnés sur la base d’un faux, nous nous estimons complètement libérés des engagements pris avec l’État», justifie-t-il, arguant des surcapacités industrielles. Outre des menaces sur l’emploi pour essayer d’éviter le paiement de l’amende, c’est là l’axe principal de défense de la Cooperl : son innocence qu’elle clame depuis le début de l’instruction.
Un faux carnet de notes ?
«Le document qui nous condamne est un faux», se défend Emmanuel Commault. Il fait référence au fameux carnet du directeur commercial du groupe Aoste (filiale de Campofrio), que ce dernier a remis à l’Autorité de la concurrence lors de sa demande de clémence. «L’Autorité de la concurrence a été instrumentalisée», renchérit Me Frédéric Bélot, avocat de la coopérative qui a porté plainte pour faux, usage de faux et dénonciation calomnieuse.
Une nouvelle expertise réalisée à la demande de la Cooperl sur la base de scans dudit carnet vient asseoir la défense. «Il est manifeste [...] que le document présenté comme un carnet d’appels téléphoniques a été fabriqué de toutes pièces», affirme l’experte en graphologie agréée à la cour d’appel et à la Cour de cassation dans son rapport. Elle estime que le cahier ne porte aucune trace de manipulation ni d’usure ou de vieillissement. «Le contenu de ce carnet a fait l’objet d’une expertise diligentée par l’Autorité qui n’a pas conclu à un faux, rétorque l’Autorité de la concurrence. La décision de l’Autorité ne repose pas uniquement sur ce carnet, mais sur un faisceau d’indices et des pièces saisies aux sièges des entreprises lors des opérations de visites et saisies.»
Trois fois sans frais
L’autorité administrative indépendante se défend également d’avoir prononcé une sanction excessive. «Nos sanctions sont proportionnées à la gravité des faits, au dommage causé et, bien entendu, sont proportionnées à la situation économico-financière des entreprises dont les possibilités de paiement sont vérifiées», assure- t-elle. «Si besoin, les entreprises sanctionnées ont la possibilité de solliciter auprès de la cour d’appel de Paris un sursis à exécution du paiement de l’amende ou un étalement de son paiement auprès du Trésor public.»
Ce à quoi Bercy a déjà répondu favorablement. «Le groupe [Cooperl] peut compter sur l’engagement du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance pour assurer la pérennité des activités et de l’emploi», signifie le ministère dans un communiqué du 21 octobre. Si l’exécution de la sanction n’est pas suspendue par la cour d’appel de Paris comme le demande la Cooperl, Bercy explique que le paiement pourra être fait «dans des conditions de délai compatibles avec la capacité de remboursement du groupe Cooperl Arc Atlantique afin que l’amende ne représente pas un risque pour l’activité du groupe et l’emploi de ses salariés».
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