L'Oise Agricole 11 juin 2022 a 14h00 | Par Leïla Piazza, Christine Dézert

Emballages : se réinventer pour faire face aux enjeux de demain

Papiers, cartons, bouteilles, étiquettes... Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine, la Covid-19 et la flambée des prix de l'énergie et des matières premières, de plus en plus de producteurs rencontrent des difficultés à trouver les emballages nécessaires à la commercialisation de leurs produits. Décryptage.

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Quentin Matthieu, économiste à La Coopération Agricole.
Quentin Matthieu, économiste à La Coopération Agricole. - © Agence de presse

Alors que les vendanges se profilent, les vignerons sont inquiets. Beaucoup d'entre eux n'ont pas encore pu libérer leurs cuves et mettre en commercialisation leur vin de 2021. En cause : des difficultés à se fournir en bouteilles en verre. L'aluminium permettant de fabriquer les capsules manque lui aussi à l'appel. Tout comme les étiquettes. Mais les viticulteurs ne sont pas les seuls producteurs touchés. Cartons, emballages papiers, plastiques, palettes, boîtes de conserve... Tous les consommables permettant d'emballer les produits alimentaires se font rares et chers. «On fait face à des augmentations de prix de 40 ou 60 % voire 80 % sur certains produits bruts», s'inquiète Fabien Ballouhey, directeur de Ballouhey imprimeur, spécialisé dans les étiquettes et papiers alimentaires en Isère. «On commence aussi à faire face à des pénuries, des délais de livraison qui s'allongent.» La situation la plus critique concerne les étiquettes adhésives, dont la matière première manque à l'appel. Dans ce cas, au contexte global s'ajoute une grève de quasiment quatre mois des sites de production du géant papetier finlandais UPM, achevée fin avril. Alors Fabien Ballaouhey est obligé de «jongler» entre ses produits afin de proposer des solutions à ses clients. De son côté, Irène Baronnier, la directrice de Baronnier palettes du Lyonnais, refuse de nouveaux clients. «On ne peut pas parler de pénurie mais on est à flux tendu, avec des stocks bas. Alors je privilégie mes clients fidèles», avoue-t-elle. Possédant une scierie, la dirigeante estime tirer son épingle du jeu car elle peut se fournir majoritairement en bois brut français, dont l'augmentation reste limitée par rapport au bois scié, qui a augmenté de 70 % en un an. Sur l'année, le prix de ses palettes a aussi pris entre 30 et 40 % de hausse.

Un phénomène multifactoriel

Si chacun a ses spécificités, aucun type d'emballage alimentaire n'est épargné. Le prix du carton est tributaire d'une colle fabriquée à base d'amidon de blé, dont le cours s'est envolé avec la guerre entre la Russie et l'Ukraine par exemple. Les emballages plastiques dépendant de la hausse du prix du pétrole, on manque d'aluminium pour les boîtes de conserve et l'explosion du prix du gaz grève les coûts de nombreuses chaînes de production... Les tarifs sont devenus extrêmement volatils, changeant de jour en jour. «Cette situation est la conséquence de plusieurs facteurs», explique Quentin Matthieu, économiste à La Coopération Agricole. «Il y a d'abord un problème d'approvisionnement qui existait avant la guerre. Avec la Covid-19, les confinements et les politiques de stop-and-go, les chaînes de production ont été perturbées. Elles ont eu du mal à redémarrer. Fin 2020, les stocks sont arrivés à leur terme. On a eu des manques de disponibilités, couplés à une relance économique et une hausse de la demande. D'où l'augmentation des prix.» Ainsi, fin 2021, avant même la guerre en Ukraine, une note de l'Association nationale des industries alimentaires relevait que les prix des emballages plastiques avaient grimpé de 20 % en un an, ceux de l'aluminium de 24 %. Selon l'Union française des industries des cartons, papiers et celluloses, le prix de la pâte à papier avait augmenté de 30 % entre février 2021 et février 2022.

 

La guerre en Ukraine : un accélérateur de crise

«Un deuxième facteur vient de l'augmentation des prix de l'énergie engagée en 2021, qui s'est accélérée avec la guerre en Ukraine», ajoute Quentin Matthieu. «Or l'énergie représente une grosse part des coûts de fabrication du verre, du carton, de l'aluminium... À cela se sont ajoutées les sanctions contre la Russie, notamment sur ses exportations de bois, qui ont alimenté la pénurie. De plus, il y a aujourd'hui une grosse inquiétude sur le verre, qui représente 40 % des importations d'emballages en France. Or, de nombreux fours à verre sont situés dans le Donbass en Ukraine.» Enfin, les récentes politiques de confinement en Chine, principal fournisseur mondial d'emballages, ont considérablement allongé les délais de livraison, passés en moyenne de cinquante à cent-vingt jours. «Cette crise révèle l'interdépendance de nos économies en la matière», juge l'économiste. En 2021, la France a importé cinq millions de tonnes d'emballages. À l'inverse, la France est le troisième producteur européen d'emballages. Et cette crise semble durable, comme le suggèrent les derniers indicateurs économiques. «On pensait avoir atteint un palier mais les prix des emballages sont repartis à la hausse en mars-avril», souligne Quentin Matthieu. Devant cette instabilité économique, les négociations commerciales sur les prix de l'alimentaire conclues début mars ont dû être rouvertes, afin d'intégrer ces hausses de charges pour les producteurs. En attendant, face à cette situation, chacun cherche des solutions, en orientant ses commandes vers d'autres produits plus disponibles ou moins chers, en réduisant la quantité d'emballages, ou parfois même en s'orientant vers le réemploi, le recyclage et la consigne.

Se passer du plastique

Il fut un temps où l'on vantait les qualités du plastique. Moderne, léger, solide, économique, il s'est rapidement démocratisé dans la deuxième moitié du XXe siècle, envahissant et révolutionnant notre quotidien. Entre 1950 et 2017, neuf milliards de tonnes de plastique ont été produites, dont la plus grande partie pour la fabrication de produits et emballages à usage unique. Alors que seulement 9 % sont recyclés et 12 % incinérés, 79 % des plastiques partent à la poubelle ou même dans la nature, polluant la terre, les rivières et les mers. De matériau pratique, le plastique devient dans les années 2000 un «matériau problématique». En France, à partir de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015), des politiques se mettent en place pour réduire, remplacer ou interdire l'usage de certains plastiques, notamment ceux à usage unique. Ainsi, les sacs plastiques ont disparu des caisses des magasins en juillet 2016, puis des rayons pour l'emballage des marchandises, notamment des fruits et légumes, au 1er janvier 2017. Avec la loi Egalim de 2018, il a fallu se passer, à partir de 2020, de couverts jetables et de cotons-tiges en plastique, de pailles et autres produits fabriqués à base de plastique oxodégradable.

Fin du plastique à usage unique en 2040

Depuis le 1er janvier 2022, c'est la vente au détail de fruits et légumes frais sous conditionnement plastique en dessous de 1,5 kg qui n'est plus autorisée (sauf pour certains produits définis par décret). Autre changement, les publications de presse et publicités - dont votre journal agricole - sont désormais expédiées sans emballage plastique. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec), votée en 2020, va encore plus loin en instaurant un calendrier pour favoriser l'éco-conception, la réutilisation et le réemploi d'emballages recyclables afin d'atteindre la fin de la mise sur le marché des emballages plastiques à usage unique d'ici 2040.

Faire autrement

La disparition progressive du plastique induit des changements de comportement et de consommation (achat en vrac, consigne, contenants réutilisables en verre...) et encourage l'utilisation de matériaux biosourcés, réutilisables et recyclables (amidon de maïs, bambou...). La loi Agec a d'ailleurs fixé les objectifs de 5 % d'emballages réemployés en 2023 et 10 % en 2027 et prévoit le déploiement de dispositifs de vrac. Les entreprises agricoles et agroalimentaires doivent s'adapter à ces nouveaux enjeux environnementaux et beaucoup d'entre elles sont déjà engagées dans une dynamique de réduction des emballages. Le groupe Cristal Union par exemple propose depuis novembre 2019 son sucre bio de canne en poudre dans un emballage en papier kraft 100 % recyclable. Ainsi, la part du plastique est réduite de 70 %, le poids de l'emballage a diminué de 20 % et l'impact sur les émissions de CO2 est divisé par deux. «Les exigences des consommateurs sont fortes, nous devons être à la hauteur. Réduire notre impact sur l'environnement tout en proposant des produits de qualité, c'est tout le défi», souligne Julien Coignac, coordinateur RSE du groupe.

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