L'Oise Agricole 14 juin 2018 a 14h00 | Par Agence de presse

Huile de palme : fin des blocages de dépôts pétroliers

Mercredi, la FNSEA et les JA ont décidé de lever les barrages des raffineries et des dépôts de carburant qu’ils bloquaient depuis dimanche, après avoir obtenu des avancées sur leurs revendications.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
Christiane Lambert : «Dans toute négociation, il y a des avancées, il y a des déceptions. Nous avons choisi d’être lucides, de rester déterminés et intransigeants.»
Christiane Lambert : «Dans toute négociation, il y a des avancées, il y a des déceptions. Nous avons choisi d’être lucides, de rester déterminés et intransigeants.» - © Actuagri

La FNSEA et les JA ont décidé dans la matinée de mercredi de lever leurs barrages des raffineries et des dépôts de carburant. La veille, ils étaient pourtant sortis déçus des trois heures de négociations avec le ministre Stéphane Travert. «Le compte n’y est pas», avait lancé Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Elle avait décrit une «une séance de travail posée» et un ministre «à l’écoute».

Les syndicats avaient rappelé leurs quatre principales revendications, précisant pour le site de La Mède qu’ils attendent des engagements améliorés sur l’approvisionnement en biocarburant issu de colza (50 000 tonnes aujourd’hui), en termes de prix et de volumes. Dans un communiqué, la FNSEA annonçait que deux nouveaux sites étaient occupés à Saint-Jean de Bray dans le Loiret et à Saint-Pierre des Corps, dans l’Indre et Loire. Ce qui portait à dix-huit le nombre de sites concernés.

A l’issue de la rencontre de mardi, le ministre de l’Agriculture s’était, lui, dit «plutôt optimiste» pour trouver une «voie de levée des barrages» tout en reconnaissant des points de frictions. «Sur un certain nombre de points, nous ne sommes pas parvenus à nous mettre d’accord, mais sur la question des engagements internationaux, sur la question des normes, sur la question du travail que nous faisons pour défendre nos filières, nous sommes au rendez- vous», avait assuré Stéphane Travert.

Voir le verre à moitié plein

Mais ce mercredi, le ton des syndicats avait changé : «Il y a eu des points d’avancée, des points de déception et des engagements à travailler plus», a expliqué la présidente de la FNSEA avec le patron des JA, Jérémy Decerle, lors d’une conférence de presse. «Tout ne s’arrête pas aujourd’hui, on continue à travailler mais l’affirmation que nous attendions, c’est la reconnaissance des distorsions de concurrence», a-t-elle ajouté. Dans une lettre adressée aux directeurs des FDSEA et FRSEA, elle justifie notamment que «la négociation avec le ministre de l’Agriculture, mandaté par le gouvernement pour gérer cette situation de crise, fut âpre, dure, intense. Et comme dans toute négociation, il y a des avancées, il y a des déceptions ; c’est rare de gagner sur tous les tableaux. Et la lecture qui en est faite obéit soit au verre à moitié plein, soit au verre à moitié vide. Nous avons choisi d’être lucides, de rester déterminés et intransigeants ». Parmi les satisfactions : un nouvel étiquetage sur plus de produits «qui informent et protègent les consommateurs.» Un comité de rénovation des normes en agriculture doit par ailleurs se réunir le 13 juillet.

Quatre revendications étaient portées. La première : l’interdiction de toute importation «distorsive». Cette exigence, grandement partagée par les consommateurs et l’opinion publique, a conduit le ministre à rappeler «les lignes rouges de la France dans les accords internationaux », comme le Mercosur ; à s’engager à oeuvrer pour «plus d’homogénéité des règles européennes ». La FNSEA et les JA demandaient ensuite que le Corena retrouve un fonctionnement normal après plus d’un an d’interruption. «L’engagement est réel, la lettre de mission est signée, une date est programmée. Avec le Corena, nous avons un levier pour éviter les surtranspositions franco-françaises, pour dénoncer les conséquences économiques de telle ou telle norme absurde sur le plan technico- économique», assure Christiane Lambert. Les syndiats demandent aussi une compensation de la suppression du CICE pour les employeurs de main d’oeuvre saisonnière, mais a subit une déception : «Nous n’avons pas obtenu la mesure mais nous considérons que la porte reste ouverte puisque, si le ministre n’a pas le levier budgétaire, nous irons le chercher là où il est au gouvernement ; et nous avons l’engagement d’un travail technique qui mette en lumière les difficultés spécifiques des exploitations fortement employeuses de main d’oeuvre saisonnière.»

Soutien aux filières de biocarburants

Quant au grand plan d’investissement, pas de miracle sur le montage financier. Mais Stéphane Travert assure que «ce plan servira à accompagner les investissements des plans de filières et que des réunions de travail auront lieu avec elles d’ici fin juin pour discuter de leurs priorités.» Le secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu, présent au premier round de discussions a enfin apporté des réponses à la question des importations d’huile de palme : «engagement de la France sur l’encadrement européen des importations ; soutien réaffirmé aux filières de biocarburants, autorisation du B10 et du B100.»

Total défend son projet de bioraffinerie et interpelle les agriculteurs

Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, a défendu le 1er juin son projet de bioraffinerie à La Mède (Bouchesdu- Rhône), alors que la FNSEA a bloqué des raffineries pour protester contre la hausse attendue des importations d’huile de palme. «Nous rendons la France plus indépendante en termes de biodiesel. Est-ce qu’on préfère que ce biodiesel soit importé ou produit en France avec des emplois à la clef ?», a déclaré le dirigeant à quelques journalistes, à l’issue de l’assemblée générale du groupe pétrolier et gazier. «Est-ce que les agriculteurs savent qu’il y a une société qui leur est affiliée qui importe 200 000 t d’huile de palme pour faire des biodiesels en France ?», a aussi demandé Patrick Pouyanné. «Je voudrais que les agriculteurs soient cohérents.» La remarque semble viser Avril.

Contacté par Agra Presse, le groupe donne un chiffre bien inférieur : sa production de biodiesel, environ 1,5 Mt, est issue à 8,5 % de l’huile de palme. Il s’agit d’«une question de rentabilité» pour des usines subissant aujourd’hui une activité partielle, indique Avril. «Nous avons décidé de prendre 50 000 t de colza français dans cette raffinerie. Donc, on fait des efforts et franchement ces 50 000 t ne sont pas les plus rentables du mix (l’éventail, ndlr) de végétaux qu’on va mettre dans cette bioraffinerie», a aussi souligné Patrick Pouyanné. La bioraffinerie doit démarrer cet été ou «plutôt à la rentrée», en septembre, pour être en pleine capacité à la fin de l’année, a-t-il indiqué. Stéphane Travert a déclaré le 1er juin que le gouvernement était attaché à la filière colza en France, en réponse aux inquiétudes suscitées par l’autorisation donnée à Total d’exploiter sa bio-raffinerie à La Mède. «Nous sommes attachés à une filière colza en France, une filière compétitive », a-t-il assuré, interrogé sur CNews. «Mon collègue (Nicolas Hulot) a eu l’occasion de rappeler que c’était une décision (d’autorisation d’exploiter) qui avait été difficile à prendre. Parce que je soutiens cette filière colza, il va falloir trouver une solution», a ajouté le ministre de l’Agriculture.

Le Sénat «très vigilant» sur l’avenir de la filière

Le Sénat a souligné le 4 juin «un double risque de déstabilisation» de la filière des biocarburants avec le projet Total à La Mède et la révision de la directive UE sur les énergies renouvelables. Jean Bizet (LR, Manche), président de la commission des affaires européennes, et Sophie Primas (LR, Yvelines), présidente de la commission des affaires économiques, s’inquiètent de l’avenir de la filière française des biocarburants», qui pèse environ 30 000 emplois et plus de 2 Md E d’investissements, selon un communiqué. Les deux commissions examineront avec «une attention toute particulière le développement de ces dossiers, en travaillant activement sur le sujet dans un proche avenir».

«L’huile de palme, une démarche cohérente»

«Avons-nous besoin de handicaper gravement notre agriculture ?». C’est en ces termes que Christian Jacob, président du groupe LR de l’Assemblée nationale a fait écho le 12 juin lors de la séance des questions au gouvernement, aux manifestations de la FNSEA et des JA suite au projet de Total d’importer de l’huile de palme. En réponse, Édouard Philippe insiste sur le fait que «la décision d’adapter l’outil industriel de la Mède a été prise en 2015, afin de trouver une solution qui permettrait durablement de sauver des emplois» et «garantir une production française d’agrocarburants». Ainsi, le gouvernement est «dans une démarche cohérente et rationnelle en tenant un engagement pris par d’autres». De plus, le premier ministre affirme que «cette installation de la Mède» permettra «de tenir les engagements de produire 7 % de la totalité des carburants en biocarburant». Brune Poirson, secrétaire d’État à la Transition écologique, confirme que «l’objectif est de substituer une production française à des importations contenant de l’huile de palme» car la France importe aujourd’hui des agrocarburants fabriqués à partir d’huile de palme. Pour rassurer la filière, elle assure que la Mède utilisera «50 000 tonnes de colza français».

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

BERTRAND (40) | 14 juin 2018 à 17:02:06

je voudrais croire une fois de plus que nos producteurs ne se soient pas fait "baiser"...Quant à l'huile de palme, encore un produit importé, loin d'être écologique..Quand va-t-on arrêter de promouvoir des produits contribuent à accentuer la destruction de la planète...Avons nous à faire à des linottes ??? En 5 ans, la fonte des glaciers des pôles accélère par un coeff x/3..Quand allons nous arrêter ??? les médias nous ont fait un blabla pas possible sur les dégâts climatiques récents dans le pays..On a l'impression d'être dans un pays d'idiots; personne ne parle des causes..personne ne parle du climat qui rendre notre agriculture impraticable...Irions nous jusqu'à croire qu'avec des pluies tropicales, nous allons cultiver du blé, du maïs, du colza et toutes autres cultures de notre climat tempérè...On rêve ..

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,