L’or bleu, une gestion complexe dans l’Oise
Le lundi 5 juillet, à la salle des fêtes de Moyenneville, dans l’Oise, plusieurs organismes ainsi que des agriculteurs ont échangé lors d’une réunion sur le Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage).
Avant tout débat, Sébastien Deschamps, directeur du syndicat mixte Oise-Aronde (SMOA), a rappelé le principe du Sage ainsi que son intérêt : «Le Sage est un document qui définit, à long terme, les objectifs et les orientations d’utilisation et de protection des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques, sur un territoire appelé bassin versant.»
Ce schéma est un outil de planification et d’orientation budgétaire, fixant des objectifs d’utilisation, de protection et de mise en valeur de la ressource en eau. Il est également compatible avec le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage).
Le Sage Oise-Aronde repose sur 7 enjeux qui constituent les principaux axes permettant de satisfaire les objectifs environnementaux de la Directive cadre sur l’eau (DCE) et du Sdage. Ces enjeux sont déclinés en 12 objectifs généraux qui constituent des cibles à atteindre pour s’assurer du bon état de la ressource en eau des milieux. Par exemple, on trouve «la quantité étiage» qui se traduit par le suivi et la prévention des déséquilibrages quantitatifs des masses d’eau superficielles et souterraines, ainsi que l’amélioration de la gestion des sécheresses et le développement de nouvelles pratiques.
Pour la DDT de l’Oise, il est important de maîtriser la gestion des risques car «si l’eau manque, il y aura des arrêtés préfectoraux spécifiant l’interdiction de prélever de l’eau». Pour subvenir au besoin de l’eau, le Sage a été revisité plusieurs fois ; la 2e se traduit par le Contrat de territoire eau et climat (CTET) 2020-2026. Ce dernier est un outil de programmation de l’Agence de l’eau Seine-Normandie (AESN) qui engage les parties sur les enjeux eau et climat et répond aux objectifs suivants : adapter le territoire aux effets du changement climatique ; participer à la préservation de la ressource en eau ; et viser l’atteinte du bon état des eaux et des objectifs du Sage Oise-Aronde. Le CTET Oise-Aronde se compose de 51 actions portées par 9 maîtres d’ouvrages du bassin Oise-Aronde. Le montant prévisionnel des actions (études/travaux) est de 8,7 M€ pour la période 2020-2026. Par exemple, les enjeux «quantité-équilibre», qui garantissent un équilibre quantitatif entre les usages et la ressource en eau, sont dotés d’un montant de 1.130.000€.
Les objectifs du Sage
Suite à la vidange de la nappe marquée jusqu’à fin novembre 2019, les précipitations efficaces de l’automne 2019 et de l’hiver 2020 ont participé à une recharge jusqu’en mai 2020 (+ 2,88 m). Cette phase de recharge 2020 a été nettement plus importante qu’en 2019 (+ 0,66 m) et 2018 (+ 1,79 m). Le cumul de précipitations entre mai et septembre 2020 (période étiage) a été le plus faible depuis 2005, soit 107 mm. La vidange de la nappe, amorcée en 2020, s’est prolongée jusqu’en décembre 2020. La recharge hivernale a débuté le 22 décembre suite aux importantes précipitations d’octobre et décembre.
Concernant la qualité de l’eau, en 2020, 26 % des captages affichent des concentrations en nitrates supérieures au seuil d’action renforcée (valeurs comprises entre 40 mg/l et 50 mg/l). Entre 2019 et 2020, le constat est une légère amélioration au niveau du captage d’Antheuil-Portes situé en partie sur le bassin Oise-Aronde. Toutefois, la concentration de ce dernier, à hauteur de 49 mg/l de nitrates, constitue la valeur la plus élevée du bassin. «Compte tenu des enjeux relatifs à l’adduction en eau potable, il est essentiel de pérenniser les actions préventives portées par les animateurs protection de la ressource des collectivités du territoires. L’eau, cela concerne tout le monde : entreprises, agriculteurs comme particuliers,» a rappelé Éric Bertrand, vice-président de l’Agglomération de la région de Compiègne (Arc).
L’incompréhension du Sdage et PTGE
Suite à l’instruction du gouvernement du 7 mai 2019 relative au Projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), la commission locale de l’eau (Cle) est chargée de la mise en œuvre du PTGE de l’Aronde. La gouvernance du comité de pilotage sera partagée entre le SMOA et la Chambre d’agriculture de l’Oise. Ce dispositif doit améliorer la résilience du bassin de l’Aronde face aux changements climatiques. Le PTGE est un outil non réglementaire, intégrant l’ensemble des acteurs et usagers de l’eau et visant l’intérêt général. Il a pour vocation de poursuivre et enrichir les études précédentes (recherches de ressources alternatives, O’Oise-Aronde...), estimer les ressources disponibles et les besoins (actuels et évolution) en intégrant le contexte socio-économique et le changement climatique. Pour la plupart des agriculteurs irrigants, «le PTGE n’aide pas les agriculteurs à retrouver un volume d’eau décent pour l’agriculture», d’autres se scandalisent de «la fin de l’agriculture française». Pour Bruno Haas, représentant de la Chambre d’agriculture de l’Oise, «le Sdage ainsi qu’une mauvaise application du PTGE engendreront des répercussions très impactantes et inadaptées pour la profession agricole.»
«On arrive au bout du bout»
Nicolas Sainte-Beuve, agriculteur à Rouvillers, est un irrigant de longue date. Il est venu à l’irrigation à la demande de ses acheteurs de l’agro-alimentaire en réponse au final à l’exigence de qualité du consommateur (haricots sans fils, pommes de terre difformes ou vitreuses). Sur ses 284 hectares, il cultive principalement de la pomme de terre et des céréales. Les impacts de la restriction d’eau ont été importants. «J’ai par le passé utilisé 128.000 m3. Dans un premier temps, on a dû baisser à 115.000 m3. En 2017, il y a eu un autre abattement de 10 %. En 2021, la baisse continue et j’atteins dorénavant 83.500 m3», déplore-t-il.
Cette chute a provoqué l’arrêt total de la production, pourtant historique, d’haricots verts. «Cela fait trois ans que je n’en fais plus et pourtant, c’est une culture très valorisante. C’est un tournant difficile pour moi, mais j’ai dû arrêter pour répondre à la baisse de volume», s’alarme-t-il. De plus, il tient à rappeler que chaque génération d’agriculteur subit une année terrible. Pour lui, il s’agit de 2020. «Si je retrouve une année aussi sèche, je ne pourrais plus arroser correctement mes pommes de terre, au risque de perdre mes contrats à l’avenir» explique Nicolas Sainte-Beuve.
Face à ces restrictions et donc cette décroissance vécues, «le PTGE pourrait être une opportunité de trouver de nouvelles voies dès que possible et offrant des perspectives aux nouvelles générations.»
«J’ai totalement changé ma production»
Irrigant depuis 20 ans, Florian Strube a une exploitation de 256 hectares à Estrées-Saint-Denis. Il a commencé sa conversion à l’agriculture biologique en 2018 sur 100 hectares et gardé 150 hectares en conventionnel. Cette conversion est le résultat de plusieurs facteurs. Le premier est la volonté de changer de système agricole et d’avoir de la matière organique pour l’agriculture biologique.
«Le deuxième est bien évidemment l’irrigation. J’ai un très faible quota d’eau (32.500 m3) que je n’arrivais plus à revaloriser en agriculture conventionnelle. Je n’avais plus assez d’eau pour faire de la pomme de terre où on doit constamment chercher le rendement pour le gain économique. Je ne pouvais faire que 20 hectares de pomme de terre.» explique-t-il.
Il est, pour le moment, le seul dans le secteur à faire des légumes bio (carotte, plant de pomme de terre, oignon, haricot vert).
Pour lui, l’arrivé d’un stockage d’eau est trop tardif, il fallait trouver une gestion de l’eau plus rapidement. «J’ai trois techniques d’irrigation sur la ferme : le canon, le goutte à goutte, et la micro-aspersion. Mais avec cela, il y a tout de même des contraintes économiques et de pénibilité.»
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