L'Oise Agricole 22 mai 2025 a 07h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

«Avec les nouveaux habitants et les dégâts de sangliers, cela devient compliqué»

Installé depuis maintenant 10 ans à Saintines, près de Verberie et en frontière de la forêt domaniale de Compiègne, Clément Balny constate la rapide évolution de la condition d’agriculteur dans un environnement soumis à la pression urbaine.

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- © DLC

Il n’a que trente ans et pourtant, il trouve que les choses ont beaucoup changé depuis son enfance, quand il montait dans le tracteur avec son père Dominique, sur la ferme familiale de Saintines, et particulièrement depuis la crise Covid : «à l’époque, il y avait moins de contraintes, des voisins qu’on connaissait et qui comprenaient les activités de l’exploitation. Aujourd’hui, les lotissements fleurissent autour de nous, occupés par des urbains qui veulent vivre à la campagne, mais sans les inconvénients», constate le jeune exploitant.
À part ceux qui vivent à proximité immédiate du corps de ferme et qui sont là depuis longtemps, les autres regardent souvent avec méfiance Clément lorsqu’il arrive en parcelle au volant de son pulvérisateur. «Il y en a un ou deux qui m’ont interpelé, m’expliquant que je devais laisser 20 mètres sans culture le long de leur habitation et ils n’étaient pas loin de me menacer. C’est compliqué et désagréable d’être pointé du doigt comme cela. En plus, avec les nombreux lotissements, j’ai déjà beaucoup de zones de non traitement», déplore-t-il.

Cohabitation difficile
Clément Balny assure pourtant éviter, dans la mesure du possible, de traiter à proximité des habitations le week-end, à l’heure du déjeuner ou en soirée. Il privilégie les heures auxquelles les habitants travaillent, souvent à Roissy ou en région parisienne.  Un changement de population important, du fait de la pression foncière constante dans ce secteur. «La preuve : dès qu’un terrain est à vendre, même si vous êtes locataire en place, l’Arc (Agglomération de la région de Compiègne) préempte et vous exproprie en vue de constituer des réserves foncières. Sans doute les élus veulent-ils soulager la pression autour de Compiègne et la répartir sur les communes un peu plus éloignées», analyse le jeune homme. Résultat : bien que relativement groupé autour de Saintines, un parcellaire d’exploitation qui se morcelle, 90 îlots dans la déclaration Pac !
La pression foncière et les difficultés de voisinage se manifestent églament au travers des aménagements routiers réalisés dans les communes. «Comme ce sont des zones de résidence avec beaucoup de déplacements, tout est fait pour ralentir la circulation et les aménagements ne permettent parfois pas de passer avec du matériel agricole. Il faut sans cesse être vigilent et en contact avec les maires, qui ne sont pas toujours conscients de notre activité.»
La ferme de 176 ha aujourd’hui est consacrée au blé, à l’orge de printemps ou d’hiver, au colza, aux betteraves sucrières et au maïs grain. «Tout petit, j’ai su que je voulais être agriculteur. J’ai suivi un bac pro CGEA (conduite et gestion des exploitations agricoles à Airion.» À la sortie, Clément Balny est employé comme salarié agricole chez Alain Bizouard, à Gondreville. Et s’installe en même temps sur la ferme voisine de l’exploitation familiale de Saintines. «Daniel Sanders n’avait pas de repreneur et mon père a toujours travaillé avec lui, matériels et chantiers en commun. C’est donc tout naturellement qu’il m’a cédé sa ferme de 57 ha», explique le jeune homme.
Pendant 7 ans, Clément Balny partage sa vie entre son emploi de salarié agricole à plein temps et la gestion de son exploitation individuelle, une forte charge de travail. Heureusement, son père et son oncle Vincent, en EARL ensemble, lui donnent un coup de main. Quand son père part à la retraite, il reprend ses parts dans la société gérée avec son oncle et y rattache son exploitation individuelle, pour simplifier la comptabilité et éviter les facturations entre les deux entités.
«Depuis, mon oncle et moi travaillons ensemble et essayons d’être totalement autonomes pour nos chantiers, que nous menons parfois en commun avec des voisins. Pour cela, nous entretenons et réparons au maximum notre matériel. Nous réalisons battage des céréales et arrachage des betteraves nous-mêmes», précise Clément Balny.
Côté fournisseurs, il travaille depuis toujours avec Ternovéo pour ses intrants et ses livraisons récolte qu’il réalise à Pont-Sainte-Maxence, à environ 30 minutes. «J’apprécie le suivi technico-commercial, les remises et les primes de fidélité. Je leur suis fidèle à 100 % !»

Dégâts de gibier
Autre souci pour Clément Balny, la proximité de la forêt domaniale de Compiègne, dont son exploitation est voisine dans la zone Sud-Ouest : «sur les 55 ha de maïs de cette année, 23 ha ont été détruits par les sangliers au semis», se désole-t-il. La Fédération des chasseurs de l’Oise lui a installé des clôtures sur les parcelles les plus à risques et de lui-même, il a choisi de protéger certains îlots.
«Il y a beaucoup de passages de sangliers entre les bois, les zones humides et comme le secteur est très urbanisé, impossible pour les chasseurs de tirer. Résultat : des dégâts importants mais, heureusement, les clôtures sont efficaces, même si c’est du travail de les installer.»

Des projets en tête
Alors qu’il n’a plus que deux années d’emprunt à rembourser sur son installation, Clément Balny réfléchit à développer son exploitation, mais renonce à toute idée d’achat de foncier dans un secteur beaucoup trop contraint. Il s’interroge sur la création d’une cueillette et vente de légumes à ferme. «Mon épouse Aurélie, salariée dans une maison de retraite, n’est pas contre mais, avec nos jeunes enfants de 6 et 4 ans, ce n’est pas facile.» Ou se demande s’il ne pourrait pas diversifier ses cultures, par exemple avec du lin textile. «On en fait dans le secteur maintenant et ici, la vallée est relativement humide, on souffre moins du manque d’eau comme actuellement.» À cause de la présence de nombreux corbeaux, il a abandonné les pois, mais aimerait introduire plus de cultures de printemps pour faire face aux problèmes de désherbage. Il se projette également dans quelques années, quand son oncle, sans enfant, prendra sa retraite. Il devra alors faire des choix, notamment en termes de main-d’œuvre.
Clément vient d’adhérer à JA du Valois et se réjouit de la nouvelle équipe qui se met en place, il a  fait la connaissance d’autres jeunes. «Ici, on pourrait mener une action sur le gaspillage du foncier car une parcelle dont mon père a été exproprié il y a 15 ans pour créer une zone artisanale est toujours en friche à ce jour et envahie de gibier pour lequel elle constitue un beau refuge !»

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