La médiation au service des agriculteurs
Francis Amand est le médiateur des relations commerciales agricoles au niveau national depuis 2011. À l’heure des états généraux de l’alimentation, il nous livre un regard lucide et plein d’espoir sur le monde agricole.
En quoi consiste votre travail ? Comment s’organise- t-il ?
Le médiateur des relations commerciales agricoles est nommé par les ministères de l’Économie et de l’Agriculture. Nous n’avons pas de relais au niveau régional, mais nous sommes accompagnés de trois médiateurs délégués et nous sommes en contact avec les Draaf de chaque région.
Les relations économiques au sein des filières agricoles sont manifestement déséquilibrées, et toujours au bénéfice de l’aval : les agriculteurs sont en position de faiblesse par rapport à leurs premiers clients, les transformateurs, eux, le sont par rapport aux distributeurs ou aux grandes chaînes. Tout le travail consiste à remédier à ces déséquilibres en favorisant le dialogue entre les parties pour signer un contrat équilibré.
Il ne faut pas oublier que le médiateur des relations commerciales agricoles s’appelait avant le médiateur des contrats : un contrat peut être le meilleur comme le pire selon s’il est équilibré ou non, et peut maintenir la partie la plus faible dans ce déséquilibre. Il y a eu un pic du nombre de demandes de médiations au début de l’activité, puis la gestion des dossiers s’est organisée par thématique : certains dossiers traitent des problématiques des agriculteurs individuels, d’autres des agriculteurs regroupés en coopératives, tandis que d’autres traitent les problèmes dans les filières à grande échelle.
Cela a été le cas pour la crise du lait en 2013, et les trois crises du lait, du porc et du bœuf en 2015. Toutefois, je n’ai pas de pouvoir juridictionnel : je ne suis pas un arbitre. Mon rôle est de faire en sorte que les deux parties dialoguent.
Quelles sont les principales mutations que vous avez pu observer dans le monde agricole ces dix dernières années ?
Je suis frappé par la capacité des agriculteurs à se saisir de cette situation dans le monde agricole : ils ont une excellente compréhension des enjeux de leurs filières, de manière beaucoup plus importante qu’on ne pourrait le croire. Le mythe de l’agriculteur apte uniquement à travailler la terre est dépassé : ils sont parfaitement capables d’entrer dans une démarche entrepreneuriale et d’instaurer avec leurs premiers clients des relations commerciales créatrices de valeur.
Cela a-t-il un rapport avec les jeunes générations?
Oui : lorsque je rencontre de jeunes agriculteurs, je suis bluffé par leur compréhension des problèmes, leur inventivité et leur énergie. C’est très encourageant mais pas surprenant, car la plupart sont issus d’écoles d’agriculture performantes et sont véritablement passionnés par leur métier. Sans compter que l’ouverture des marchés étrangers les oblige à être bien informés.
À ce titre, l’obligation de formaliser des contrats a permis aux acteurs du monde agricole de progresser dans la compréhension des fondamentaux économiques de leur activité, ce qui est un véritable atout, créateur de valeur pour la France.
Quels sont vos attentes et espoirs vis-à-vis des états généraux de l’alimentation?
Le principe de la médiation est un peu le même que celui des états généraux : nous visons un compromis, en étant concret, en sortant des postures. Je me réjouis que les états généraux rendent ce précepte plus visible. En tant que médiateur, je pense que le progrès s’obtient par la négociation et l’écoute de l’autre. J’espère qu’il sortira des états généraux des améliorations et des clarifications. Même s’il ne ressort pas d’éléments réglementaires ou législatifs dans l’immédiat, j’espère que l’on retiendra surtout une nouvelle méthode d’approche des problèmes, qui est celle que l’on utilise dans nos bureaux.
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